HOTEL DE VILLE : 

SUHAIL SHAIK

 

LES VIRTUOSITES ANCESTRALES ET ARTISANALES DE SUHAIL SHAIK

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          Chacun sait que la découpe du parchemin, puis du papier remonte au moins à l'an 700 ! Qu'il était initialement un art pratiqué dans les cérémonies religieuses du Japon. Que, tout en détails, en transparence et en finesse, ces œuvres, inspirées par la nature, sembleraient presque se confondre avec de la dentelle tant le papier blanc prend vie et s’épanouit. Que seuls sont autorisés, pour que les créations soient authentiques, le scalpel et les petits ciseaux. Et, selon Claude Allegri (¹), que "Le découpage est avant tout un jeu, un décor ou un acte de virtuosité pour arriver, avec les siècles, à en faire un art d'expression".

          Depuis combien de temps Suhail Shaik pratique-t-il avec minutie et délicatesse la découpe de papier ? Toujours est-il qu'il est devenu expert en son domaine et que ses œuvres tellement minutieuses suscitent chez le visiteur ébahissement et admiration. 

          Nombre d'artistes se sont colletés à cette forme d'artisanat qui requiert patience, dextérité, hardiesse et génère des œuvres délicates, raffinées. Mais le résultat est généralement petit. Rien de tel chez Suhail Shaik dont les créations inspirées de la vie qui l'entoure, sont grandes tels ses cercles ailés ; multiples comme ses poissons, nageant tous vers un même but, enfermés dans une armoire ; voire immenses, comme son abat-jour de plusieurs mètres de diamètre. Pour autant, les différents motifs constitutifs de ces grandes créations, sont minuscules, et suggèrent le nombre d'heures consacrées par l'artiste pour parvenir à la beauté finale !

Le but de ce travail étant de donner à un sujet le maximum de détails, en faisant tenir tous les éléments découpés d'un seul tenant, imagine-t-on, la nécessité de rigueur inhérente au dessin de chaque œuvre dessinée à l'envers et conçue forcément pour être vue à l'endroit ; l'obligation de se concentrer sur ce travail obsessionnel, pour que le côté répétitif des motifs charme l'œil du regardeur? 

          De toutes ces exigences, Suhail Shaikh est le garant, lui pour qui il est essentiel de "donner une forme physique à l'instant vu, un instant vécu, une émotion, avec une matière ordinaire" (²). Mais il s'attache à résoudre un autre problème : celui de la connivence entre les ombres et la lumière. La "dentelle" réalisée crée a priori un contraste entre les éléments blancs et l'ombre incluse entre eux, la réalité du papier faisant écho à la légèreté de l'ombre, à sa fragilité. Mais l'objet génère également une ombre portée, plus nuancée, version ombragée de la réalité. En somme, Suhail Shaikh joue sur la représentation de l'objet et de ce qu'il y a -littéralement- près de/sous lui, le matériel et l'immatériel, ce jeu étant une véritable invitation à la rêverie qu'il propose au visiteur de découvrir.

 

Ainsi, grâce à ses incroyables réalisations aux détails hyperréalistes ; par ses œuvres contemporaines, utilisant principalement des techniques traditionnelles ; avec son papier blanc découpé alliant délicatesse d’exécution, complexité visuelle et qualité ornementale, Suhail Shaikh présente-t-il une véritable anamorphose sculpturale alliant à ses nuances mi-ombre mi-lumière, une véritable poésie.

Jeanine RIVAIS

 

(¹) Ancien Conservateur du Musée du Vieux Pays d'Enhaut dans son livre "Les découpages du Pays d'Enhaut et du Saanenland".

(²) Suhail Shaikh

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ANNIE BLAISE RESNIK : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS "CREATRICE SANS LIMITES, SANS PREJUGES, SANS CONTRAINTES" : FESTIVALS, http://jeaninerivais.jimdo.com/VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

 

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ATELIER-GALERIE FIFI STEVEN : 

FABRICE ANNEVILLE-CONSTANCE : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES AGGLOMERATS DE FABRICE ANNEVILLE-CONSTANCE". FESTIVALS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ 6e BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2018 

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FIFI STEVEN

 

LES PEINTURES OBSESSIONNELLES DE FIFI STEVEN

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"Une oeuvre d’art n’est pas belle, plaisante, agréable. Elle n’est pas là en raison de son apparence ou de sa forme qui réjouit nos sens. La valeur n’est pas esthétique. Une œuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme, puisque l’art est le langage de l’âme et que c’est le seul".  Vassily Kandinsky

 

         Le visiteur qui arrive devant les peintures de grand format de Fifi Steven se retrouve confronté à des œuvres radicales : des toiles surchargées, prêtes à déborder l’espace du cadre, des gribouillis, des aplats épais de couleurs, parfois noirs et blancs, parfois multicolores, mais toujours répétitifs, systématiques, obsessionnels. 

N'était que l'artiste est trop jeune pour avoir "connu" l'Action Painting des années 40, ce visiteur pourrait penser qu'il s'en est largement inspiré ! Car dans ses œuvres, la toute-puissance du geste a pris le pas sur le résultat pictural. 

          Mais finalement, elles se rattachent plutôt à une peinture expressionniste colorée, faisant rejaillir son esprit, le représentant de façon spontanée par le prisme de ses émotions. Résolument abstraites, elles traduisent la sensibilité dont est doté Fifi Steven, son caractère exalté qui le fait jouer avec les couleurs et refuser les formes traditionnelles, créant au gré de sa fantaisie, un langage informel surprenant. 

          La peinture intuitive abstraite ne constitue pas une fin en soi :  néanmoins, des lignes déformées, des taches survenant de façon aléatoire, des formes géométriques enchevêtrées, tous les éléments amassés évoqués plus haut  génèrent, à l'insu du peintre peut-être,  des ensembles déstructurés qui se concilient avec les couleurs au sein de la composition du tableau dont le but final est de susciter une harmonie capable de permettre au regardeur d’entrer en contact direct avec la subjectivité du peintre et donner libre cours à sa propre réaction émotionnelle subjective.

Jeanine RIVAIS

 

TEXTE DE FIFI STEVEN

"Je crée quasi exclusivement dans la spontanéité et avec intuition. Je réfléchis rarement avant de produire quelque chose.

Je m’amuse beaucoup dans ce que je fais, et j’ai énormément de mal à faire les choses lorsque ça ne vient pas naturellement.

          Je suis davantage intéressé par le processus de création et ce qu’il s’y passe que par le rendu final.

          Je ne souhaite pas avoir une production dirigée afin de plaire au potentiel acheteur, mais plutôt me saisir de cette occasion pour laisser s’exprimer ce qui se joue à ce moment-là, seul ou à plusieurs. Je suis particulièrement intéressé par l’inclusion de toute personne volontaire et pas forcément "artiste professionnel" dans le processus de création.

          Créer collectivement c’est un peu partager ses doutes et ses croyances, s’exposer, partager une tranche de vie, lâcher prise.

          Mais c’est aussi voir que nous sommes capables, que cela produit quelque chose, et que cela peut aider dans son cheminement". 

 

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ATELIER PHILIPPE DURAND : 

TOTO PISSACO : 

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : GRAND BAZ'ART A BEZU 2009. 

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS "LES PERSONNAGES CONFINES DE TOTO PISSACO" : FESTIVALS, http://jeaninerivais.jimdo.com/

VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

 

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MEDIATHEQUE DE LA RICAMARIE : 

La pierre-des-tourments (les 4)
La pierre-des-tourments (les 4)

ISABELLE JAROUSSE 

 

ISABELLE JAROUSSE ET L'OBSESSION CREATRICE

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Il est impressionnant d'entrer dans une salle d'expositions aux murs blancs et de n'y voir que des carrés, des rectangles dont quelques-uns verticaux aux coins écornés ou ovales. Se rendre compte que leurs surfaces sont souvent boursouflées, qu'ils sont gris nuancés, mais n'y rien distinguer. Et puis, en s'approchant, voir qu'ils sont couverts (garnis, assiégés…) à l'infini, de minuscules dessins. Le visiteur vient de découvrir les éléments infiniment petits des tableaux d'Isabelle Jarousse ! 

Avant de se lancer dans le parcours de ces supports désormais percés à jour, le visiteur questionne le travail de la graphiste, puisqu'il sait déjà qu'Isabelle Jarousse, artiste complète, fabrique elle-même son papier. Devenu de ce fait sa matière fétiche. Elle le plie, l’ajoure, l’accumule, superpose les pliures, accepte les aléas des accidents ainsi provoqués, afin de créer des fonds la plupart du temps en volume. En somme, elle joue avec son matériau, empêche toute idée de géométrie, générant avec la mise en lumière des formes, une harmonie visuelle singulière, des niveaux de lecture et des jeux d’ombres. Une feuille de papier blanche, vierge, devient ainsi une œuvre d'art aux formes complexes et poétiques.

Avant, décidément, de se familiariser avec chaque œuvre, une autre question se pose à ce visiteur : Pourquoi une artiste du talent d'Isabelle Jarousse se cantonne-t-elle au noir et blanc ? Estime-t-elle, ce faisant, qu'elle ajoute de l'esthétique et un côté intemporel à sa démarche ? Qu'il est plus facile de donner une unité esthétique à un travail par le noir et blanc ? Tient-elle compte de l'histoire de ces trois valeurs : Pense-t-elle, comme au Moyen-Age que si le noir est couleur maléfique, il est éponyme de travail et de pénitence ? Ou, comme au XIXe siècle, où les artistes s'en sont emparés, qu'elle peut ainsi s'engager socialement, puisque cette couleur servait alors à dénoncer les pires aspects de la misère, souvent qualifiée de "noire" ? Ou encore, comme Malevitch pour qui le noir était devenu le manifeste de l'art, créer une esthétique dont la simplicité cache souvent de profondes réflexions ? Tout simplement, et plus personnel, sachant que le gris dans toutes ses variations est une déclination du noir, et qu'il s'accorde parfaitement avec le blanc, a-t-elle trouvé là le moyen de donner l'impression de lumière, créer des contrastes, même si ou parce que cet ensemble donnant aux œuvres un petit côté rétro, cette monochromie lui convient parfaitement ? Qui sait ? 

 

2 Sans titres; L'Arc-en-ciel
2 Sans titres; L'Arc-en-ciel

Voilà enfin le visiteur libre d'explorer d'œuvre en œuvre les fantasmes infinis d'Isabelle Jarousse ! Et les titres de ces séries ne manquent pas de l'étonner : "La pierre-des-tourments", par exemple, où le noir du fond et le blanc des "occupants" sont très contrastés. A en juger par les bouches souffrantes, ricanantes, hurlantes, méchantes, suppliantes, les faciès grimaçants… des personnages tronqués, difformes, liés par deux…  il ne manque que les flammes pour que, malgré l'environnement floral, ils se retrouvent dans l'enfer de Bosch ! Ailleurs, sous le même titre, oiseaux et animaux se battent, piétinent les fleurs qui les entourent. Ailleurs encore, sont des fleurs en boutons ou épanouies, occupant l'espace en un tel salmigondis qu'il serait difficile à tout jardinier d'en faire un bouquet !... Autre titre, "Les-bouches-cousues", autre supplice ; où les personnages sont tellement serrés les uns contre les autres, qu'ils semblent privés d'espace vital ; de là naît l'impression immédiate d'un terrible huis clos, d'une latence peut-être, en prévision de quel autre mal-être ?! Traduisant la même monomanie, mais à dominante blanche, "L'arc-en-ciel" ne propose que des animaux : lions, cerfs, poissons, divers oiseaux dont des aigles aux ailes immenses, ici arrière-trains/fleurs, ailleurs becs énormes ou têtes quasi-humaines… Mais où est l'arc-en-ciel, lorsque ces animaux tassés les uns contre les autres sans aucune respiration spatiale, sont en plus enfermés par des traits, des croisillons ? Enfin, parfois, sans titre, l'artiste entremêle têtes sans corps, mains sans bras, ailes sans attaches, corolles sans tiges, etc. 

2 sans titre, Les Bouches-cousues, Sans titre
2 sans titre, Les Bouches-cousues, Sans titre

Il faudrait indéfiniment, continuer de décrire l'œuvre itérative d'isabelle Jarousse, ses séries aux titres pessimistes, gonflés d'attentes et de désespoirs. Voir comment, sous une même dénomination, elle peut varier la densité des tableaux, l'impression visuelle et presque tactile (car la tentation est forte d'explorer collines et vallons créés par la main de l'artiste). Passer d'une plage où dominent des oiseaux assez grands pour que le doigt les linéarise, à des plis et contre-plis piquetés d'infimes poncturations. S'approcher, en fait, de cette multitude de ridules prouvant que la relation de la dessinatrice à son œuvre est une véritable histoire d'amour où, le nez collé sur la feuille plate ou bourrelée, elle a déployé toute son imagination pour l'orner, la piqueter, l'agrémenter de myriades de sujets minuscules, la guillocher de lignes brisées, la fleuronner, l'incruster, etc. Laisser ses yeux se faufiler entre les plages dont les combinaisons font exploser son univers, les déviations perdues dans les intrications des pliures, les savants degrés de valeurs qui instaurent des équilibres, introduisent la psychologie, engendrent la "vie" de tous ces êtres victimes de sa fantasmagorie obsessionnelle ! 

Ainsi, Isabelle Jarousse maîtrise-t-elle parfaitement la puissance expressive de ses personnages, animaux, végétaux (traités à l'instar des "humains") agglutinés ; module avec art des passages clairs et sombres, écrasés ou bombés, qui mettent en relief l'une ou l'autre partie de ses accumulations ; semble méditer sur la destinée d'une vie terrestre vouée à la souffrance, à la torture, au délire physique et mental. Non pour militer en la dénonçant, mais pour se laisser aller à une sorte de vertige visionnaire, une satire de l'éternelle comédie humaine, en un style incisif, baroque et sensuel. 

 

Allant d’un dessin à l’autre, le spectateur bouche bée d’admiration pour ces enchaînements sophistiqués, reste muet face à la diversité de ces personnages. Pris au charme de cette imagination hors norme, de cet univers infernal, il imagine Isabelle Jarousse en train de cadrer comme dans un objectif ses fantasmes et ses cauchemars ; générer ses effets de matières et de luminosités... Tout cela, prodigieuse dessinatrice, en noir et blanc, si proche de la gravure ; attentive toujours à “rester vraie” car consciente du risque de tomber dans l’esthétisme ; frémissante du frisson pervers de chacun de ses personnages figés comme des pieds-de-nez pour l’éternité !

Jeanine RIVAIS

 

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AMICALE CHAPELON : 

THIERRY FALIGOT : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS "LES LUXURIANTS ASSEMBLAGES DE PAPIER DE THIERRY FALIGOT" : VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020 http://jeaninerivais.jimdo.com/

 

 

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ATELIER DE LA BOISEUSE : 

ANNE-MARIE ROUSSEL

 

 

LE BESTIAIRE BOISÉ D'ANNE-MARIE ROUSSEL dite… LA BOISEUSE

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Il semble bien qu’Anne-Marie Roussel ait gagné de haute lutte son pseudonyme de "La Boiseuse", puisque, à part quelques petits ajouts, ses créations sont exclusivement en bois. Des bois glanés, apparemment, qui vu leur aspect lissé, ont été ballottés par les eaux, au long de rivages, mers ou rivières, ce qui la place résolument dans la classe des artistes d'Art-Récup'. 

          Il semble bien aussi qu'elle appartienne à ces bricoleurs aux talents protéiformes, incapables de rester en place et d’imposer un aspect définitif à leur travail : des explorateurs, en somme, de la peinture ou de la sculpture. Ainsi, désireuse de s’exprimer sans frontière, elle donne "vie" à de multiples figures, explore pour y parvenir, toutes sortes de formes de matériaux qui lui tombent sous l’œil ou sous la main, informes ou parfaitement définis. Et, à partir de là, selon son humeur, elle se lance en des constructions hétérogènes, presque toujours animalières même si, quelquefois, la ressemblance avec l’animal évoqué est évasive, comme ce cochon debout, au corps mince (!!) qui, n'était le groin, pourrait être tout autre animal !  

          Parfois, elle abandonne son bestiaire et part en voyage sur des bateaux à voiles et si la voilure est chaque fois végétale, (servant même parfois de pot de fleur !!), toutes les figures de proue sont féminines. Et vogue la galère, même si chaque bateau aura à l'évidence, bien du mal à… voguer ! 

 

            Aucun hasard dans le cheminement de La Boiseuse : le nœud du bois, la branche burinée… déterminent à l'évidence le sens du travail et la destination de l'épave. A partir du moment où elle "sait" si sa création sera un chat, un oiseau, la femme (et les personnages sont rares) qui tient un oiseau sur son bras…, tel un orfèvre elle les cisèle : Ici, le chat est debout, les yeux méchants, tête en forme de guitare, gros nez et longue moustache, corps d'un seul tenant, buriné, percé de trous, pattes courtes terminées par trois doigts griffus, bras croisés dont une main tient un bol portant une minuscule tête humaine. Ailleurs, il est sur ses quatre pattes, prêt à bondir, le corps perforé de trous, la queue en bataille ! Ailleurs encore, des os fins disposés avec infiniment de délicatesse, forment un corps fuselé aux ailes/bras, tête fièrement droite portant long bec, corps cambré terminé en pointe émoussée.

 

          Ainsi, comme tout sculpteur d'Art-Récup, La Boiseuse questionne-t-elle ses matériaux ; les imbrique, les indente, les "intègre" si complètement à l'épave originelle, qu'à chaque nouvelle gestation, les éléments disparates forment un tout en complète harmonie. Quand elle conçoit une œuvre, elle peut avoir une idée de représentation au départ et la réaliser, mais le plus souvent, au fur et à mesure de la construction, cette idée se transforme et en laisse apparaître une autre. C'est dans cette association d’idées, d'images et de lâcher prise que va s'élaborer une sculpture. Ce petit monde stylisé, d’apparence lourde et solide, génère une création vivante, tonique et généreuse, pleine d’humour, épisodique et bon enfant. 

          Et, finalement, ces assemblages n’ont rien d’innocent. Le talent de La Boiseuse, son doigté et son imaginaire font feu de toutes cultures, de toutes fantasmagories, de toutes éventualités qui font de cette œuvre insolite une quête jamais achevée. 

Jeanine RIVAIS

 

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CHANTAL FAVIER 

 

LES FICELIGNES, CREATIONS TEXTILES DE CHANTAL FAVIER

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Inventer un mot-valise pour exprimer ses créations, voilà qui dit bien que celles de Chantal Favier sont textiles et que ligne et mouvement sont sa principale préoccupation.

         Matériaux textiles, ficelle et fibre de lin ou de chanvre, auxquels elle ajoute l'argile, le papier, le parchemin, collant le tout sur un médium, constituent les éléments de ses œuvres très géométriques, que la ligne soit droite (en tous sens possibles), ou gondolée. 

          Au fil des années, elle en est venue à combiner tous ces éléments, tantôt travaillant une bande bistre clair de toile en y mêlant un ou plusieurs fils ocres, ou l'inverse, piquetant la partie sombre de minuscules personnages dansants comme pour insérer un brin d'humanité dans ces espaces anonymes ; laissant ensuite chaque surface savamment effrangée et collant cet ensemble sur un support de tissu foncé. Tantôt travaillant en oblique, elle part en angle d'un papier crispé ; insère une fine bande de papier intissé ; continue par une large bande de fils blancs, faite tour à tour de zones parfaitement plates, et d'autres en léger relief, comme si elle avait inversé le sens de son travail, ; insère un nouveau bandeau, ondulé cette fois, et continue sur le même principe de résultats inverses, ajoutant au long de l'ondulation, de fines perles noires, le tout terminé en franges presque rases. Au contraire, parfois c'est le papier chiffonné qui sert de base à sa composition, traversé par un tissage blanc en forme de tête d'oiseau terminé par un bec onduleux qui traverse la plage de papier. Et, pour faire contrepoint, Chantal Favier ajoute une demi-boule ocre, telle un œil. Il faudrait continuer d'œuvre en œuvre, à décrire ainsi les combinaisons possibles de ces matériaux, couleurs, formes, etc. 

          Ainsi, jouant des épaisseurs, des torsions des fils et de leurs tailles, du sens de la progression ; mêlant des fonds unis ou polychromes ; ajoutant de discrètes décorations, s'investit-elle dans son savoir-faire qui fait surgir du sens, présentant une création originale, chaleureuse, d'une belle esthétique.

Jeanine RIVAIS

 

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BOURSE DU TRAVAIL : 

AGNES BRUYAS ET LA PREHISTOIRE

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"ses traits étaient accentués : les arcades sourcilières étaient lourdes, le nez pointu, les mâchoires proéminentes, le front fuyant et la tête longue…" (Jean M. Auel : "Les enfants de la terre" Tome 4 Deuxième partie. Le retour d'Ayla)

Cet extrait d'un livre qui a fait le tour du monde semble à merveille convenir aux crânes d'Agnès Bruyas. Conçus en terre noire lourdement chamottée, ils ont toutes les caractéristiques de l'Homme préhistorique. Sauf que le visiteur les imagine moins lisses, car l'artiste les a longuement polis. 

       Appartenant à la même époque, mais aujourd'hui fossilisés, Agnès Bruyas présente des sortes de pseudopodes aux belles couleurs vert grisé, protégées de vernis, et dont l'oeil mi-clos, un peu endormi, contraste avec les gros yeux clos de ses hommes préhistoriques.

Jeanine RIVAIS

 

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CALOZ

HUMAINS ET/OU TOTEMS, LES SCULPTURES DE CALOZ

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        Est-ce la nécessité de se raconter des histoires libératoires qui entraîne Caloz dans la création d'êtres d'une beauté primale, déroutants et fascinants, toujours verticaux, à la fois réalistes et fétiches conjuratoires ?

Et si quelqu'un doutait de leur pouvoir, il lui suffirait de constater la puissance évocatrice de ces œuvres ; le rictus sur la plupart des visages ; qui ont pris, sous ses mains habiles, des expressions saisissantes représentant les tourments humains ; expressions en somme de la douleur physique ou psychologique renforcée par la mise-en-scène toute simple de chaque personnage représenté. Car elle n’a pas seulement modelé les corps, elle a fait jaillir la passion, la souffrance. Bref, elle a insufflé la vie à la matière, placé l’humain au cœur de sa création. Et, devant une telle force suggestive, le visiteur se demande quel puissant mal-être de l'artiste rejaillit sur ces créatures ? 

         Car elles sont de nul lieu et de nul temps ; simplement, elles sont "là" : incontestablement humanoïdes, solitaires, leurs épaules tombantes ; leur nez puissant en relief dans leurs visages tendus vers le ciel en un geste d'espérance sans doute, de dynamique peut-être, d'élévation mystique sûrement. Les yeux sont enfoncés et les pommettes saillantes ; la bouche est élargie, aux commissures basses des gens désespérés ! Et, quelle que soit leur silhouette nue ou dissimulée sous des vêtements qui ne sont guère plus que des haillons, le corps est fin, nerveux, noueux ; les jambes apparemment trapues, solides. 

    Il est à noter que, mis à part le personnage chevauchant son oie ou "Don Quichotte" cramponné aux lourdes cornes de son bœuf décharné et si épuisé qu'il a chuté, les autres semblent incapables d'agir : ici une femme tient à bout de bras son enfant emmailloté, inerte, mort peut-être ; l'"Ascète" à demi-retourné abritant un visage féminin dans les plis de sa pélerine, affecte une posture inquiète ; autour des jambes d'un autre personnage s'agrippent des sortes d'homuncules, les plus audacieux parvenus sur sa poitrine ; tandis qu'un autre encore, enchaîné surprend le visiteur de son corps biface, tenant d'un côté sa lourde chaîne, de l'autre un œuf  sur lequel est écrit "Alien", proclamant ainsi sa différence !...  Tout cela conçu en de longs pétrissages de la terre qu'elle laisse brute, afin que demeure le caractère essentiel de son travail : l'urgence de dire, de montrer ; en des ocres embus, des gris ternes, des violacés foncés, les couleurs de la misère, en somme ! 

          Ainsi, les œuvres de Caloz rejoignent-elles par leur gravité pleine de révérence, par leur spiritualité, l'esprit de celles dont l'ombre tutélaire a courbé bien des fronts. Pourtant, s'il s'agit de totems comme il est suggéré plus haut, elle les remet à l'échelle humaine : par eux, l'émotion du spectateur rejoint, en somme, celle de la sculptrice. Finalement, quelle que soit leur "destination", ces oeuvres sont, par le mélange d'éphémère et de durable qu'elles véhiculent, par leur totale adéquation entre création et imaginaire, porteuses d'un message intemporel d'une poésie puissante. 

De sorte que, lorsque, enfin, le spectateur émerge de sa visite, après être passé par des temps de fort désarroi, il lui faut un moment pour retrouver son calme, littéralement se délivrer de la rémanence de cette "violence psychologique implicite" ! Malgré tout, il emporte avec lui une certitude : si, comme l’écrit Louis Pons, lui-même très préoccupé du rapport de l’homme aux objets, "L’art doit clouer le bec", le sien l’a été, et de belle manière !

Jeanine RIVAIS

 

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SOPHIE DELPY : 

 

LES SCULPTURES ETHNOLOGIQUES DE SOPHIE DELPY

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            Depuis toujours, les artistes se sont passionnés pour l'étude d'autres civilisations, admirant, collectionnant (lorsque des missionnaires ne les avaient pas brûlés), s'appropriant les objets les plus variés, souvent religieux, rituels créés par des sociétés traditionnelles. Au début du XXe siècle, en particulier, nombre d'entre eux ont clamé l'influence qu'avaient sur eux les arts africains. La fascination a-t-elle été si grande qu'en ce premier quart du XXIe siècle, des artistes continuent de s'inspirer de l'esprit des sculptures tribales africaines ? 

 

          Tel est le cas de Sophie Delpy qui, après s'être exprimée en peinture avec des toiles abstraites, proposait en 2016 des sortes de petits totems traités dans des tons d'ocres et bruns lumineux, pour en venir à sa vision actuelle de l'ethnicité. Elle a réalisé pour ce faire des personnages de toutes tailles, de tous âges, des deux sexes. Tout se passe comme si elle avait découvert, derrière quelque porte dérobée, des êtres inconnus ; et s’était mise, avec leur complicité bienveillante, à en raconter l’histoire !  

        Les voyant disposés en petits groupes, le visiteur se demande s'ils sont en route vers quelque village perdu dans le désert ; ou, lorsqu'ils sont statiques ou assis, s'ils se reposent à l'étape du soir ? En somme, s'ils seraient des êtres primitifs en errance ?  Des êtres, en tout cas, sans définition sociale sauf qu'assurément, ils appartiennent à une même ethnie. Mais présentés hors de tout contexte (une grotte, par exemple, ou une hutte en paille…), susceptible d’introduire une indication de temps ou de lieu ; pas même une terre sur laquelle reposeraient fonctionnellement des objets usuels reconnaissables (masques, vases, sculptures ou ouvrages tissés) ; aucune pratique cultuelle, culturelle, donc…  Au visiteur de leur donner subjectivement une origine et une possible existence ! Par contre, à l'unanimité, ils ont la bouche grande ouverte : chantent-ils ? crient-ils, ce que l'expression de leurs grands yeux aux orbites vides laisserait plutôt croire : mais dans ce cas, que crient-ils ? La façon dont ils sont créés, produits, interprétés, réappropriés, confirme que Sophie Delpy a une façon bien à elle de leur donner vie et oblige, là encore, le visiteur à tirer de ces incertitudes, subjectivement ses conclusions.

          Des êtres donc, à l'anatomie mate, brunie par les enfumages. Nus, ou vêtus de vêtements/peaux. Les corps tout ronds, façon coquetier ou filiformes, aux troncs allongés tubulaires, parallélépipédiques, ou lorsqu'ils côtoient le réalisme, exposant une belle poitrine aux seins droits, mamelons dardés. Nantis de jambes ou juchés sur une simple tige fixée à un socle. Tendant des bras raides réduits à un simple bâton, ou fonctionnels, souvent repliés, parfois hypertrophiés. Chauves, presque tous, sauf quelques femmes aux cheveux crépus. La peau lisse, tendue au maximum sur les os, mettant en relief les scarifications du visage. Les pommettes larges. Le menton très réduit ou carrément absent. Les oreilles largement décollées. Très peu de front, les orbites creux comme il est dit ci-dessus, placées haut. Le nez proéminent, barrant la face. Le corps raide, le port altier.

  Ainsi, Sophie Delpy crée-t-elle un monde fantasmagorique, une ethnologie personnelle. Cette réflexion mutagène l'entraîne en un cheminement hors des sentiers battus. En une œuvre où la profondeur va de pair avec l'esthétique. Originale, conviviale, curieuse, interrogative et exploratoire : vivante en somme !

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT LORS DE LA VIIIe BASI 2022 DE SAINT-ETIENNE.

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http//jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS BANNE 2012.Et ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS http//jeaninerivais.jimdo.com/ BANNE MAI 2016

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GINA DE LUCAS :

 

LES TOURS ET DECORATIONS DE GINA DE LUCAS

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          Gina de Lucas aurait-elle rencontré l'angle droit, elle qui, naguère, exposait des petits personnages en terre, tout ronds !? 

Elle propose cette année leur habitat, et les décorations susceptibles de les embellir : petites tours parallélépipédiques couvertes de dessins ; arbres peints ; boîtes ; demi-sphères, etc. Le tout joliment peint de figures géométriques, abstraites, voire fleurs en aplat, léger relief ou carrément collées sur la tranche.

Un travail qui relève de l'artisanat, plein d'humour et de savoir-faire.

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS "LES PERSONNAGES VENTRUS DE GINA DELUCA" : http//jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS, VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

 

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MIREILLE FAURE  :

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

 

 

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AGNES FRANCESE :

 

AGNES FRANCESE ET LA TERRE

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          Que peut signifier, dans l'esprit d'Agnès Francese, cette dichotomie qui caractérise toutes ses œuvres ? S'agit-il de générer une pratique opposant revers/face, dedans/dehors, réel/factice; présence/absence qui solliciteraient du visiteur un imaginaire et une sensibilité, une réflexion sur les rapports qui existent entre l’homme et la machine, par extension entre l’art et l’artisanat ? 

          Il semble bien que ce procédé répétitif ait un tout autre but ; que loin de s'opposer comme il arrive la plupart du temps quand des éléments similaires ou très proches se font vis-à-vis, les deux éléments qui, unis à la base,  se déploient, se séparent, puis se retrouvent en haut de la sculpture, pas forcément à se toucher, mais se rapprocher suffisamment pour former un écrin précieux dans lequel l'artiste fait vivre ce qui pourrait être tantôt des éléments végétaux, évasés à leur sommet, ou au contraire bulbeux, ce qui donne à l'ensemble, une connotation sexuelle ; tantôt de petits éléments de formes aléatoires qui semblent s'agripper du haut en bas de ces deux demi-coques ;  témoignant des recherches formelles de l'artiste… Ces demi-coques se rapprochent de manière à former un cou, se dichotomisent à nouveau, donnant naissance à une tête formée de fleurs intimement enchevêtrées ; si bien qu'au final, ce visiteur a l'impression de se trouver devant un couple accroupi face à face. 

           La richesse des formes et des matériaux, alliant une extrême simplicité à une grande originalité, ou au contraire une longue élaboration lorsqu'ils sont piquetés d'une infinité de petits cercles troués faisant penser à de minuscules coquillages collés côte à côte, sont d'une beauté décorative impressionnante. D'autant que tout cela est conçu en belle glaise d'une blancheur immaculée, ou noire à motifs blancs. Et que sur ces surfaces parfaitement lisses, Agnès Francese a sculpté en léger relief des motifs végétaux ou floraux. De sorte que l'ensemble suggère un fruit qui, trop mûr, se serait fendu, déployant son intérieur à des yeux étonnés ! 

 

          Ces œuvres qui témoignent d'une grande sensibilité à l'humain, sont caractérisées par une vision émotionnelle et subjective du monde. Elles sont résolument expressionnistes, violentes et tendres, structurées, introspectives et poétiques. 

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : FESTIVALS http://jeaninerivais.jimdo.com/ BANNE 2014

 

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SANDRA GARGOWITSCH

 

LES SCULPTURES COLOREES DE SANDRA GARGOWITSCH

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          Bien qu'encore jeune dans le monde sculptural, Sandra Gargowitsch a déjà intellectualisé sa démarche, se livrant à des exercices de styles au cours desquels ses œuvres de bois, pierre, fibres, métaux, et grès se retrouvent entre réalisme et gestation, où l'aspect vivant est mis en valeur avec des formes arrondies et sensuelles. 

      Ses sculptures semi-figuratives et zoomorphes ou semi-abstraites selon le sujet abordé sont très colorées et possèdent une douce brillance, ces deux tendances cohabitant sans hiatus. Chaque œuvre est construite et le visiteur sent l'équilibre entre les formes et les couleurs.

          Sachant maîtriser une forme d'unité par une recherche constante d'esthétique, ayant découvert dans la terre chaleur et sensualité, Sandra Gargowitsch peaufine désormais l'esprit de sa recherche. Son exposition offre diverses figures de libération, de légèreté, parfois une touche d'humour ; un lien entre rêve et réalité que transcrivent les formes, les couleurs, les mouvements, les traits, les matières, évoqués plus haut. 

          Elle crée ainsi un monde qui semble exister comme une métaphore de la condition humaine.

Jeanine RIVAIS

 

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MARYSE LEBASTARD

 

BETES ET GENS, LES SCULPTURES ZOO-HUMANOÏDES DE MARYSE LEBASTARD

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C'est au Salon de Paris, en 1831, que la sculpture animalière a commencé à susciter un intérêt particulier du public, avec le travail d'Antoine-Louis Barye qui la réinvente. Il délaisse l'aspect mythologique des sculptures connues jusqu'alors, pour se concentrer sur l'aspect beaucoup plus représentatif et réaliste des animaux. Pourquoi cet engouement ? D’abord, parce qu’elle est avant tout un spectacle, l’exposition vient dire la jubilation de la monstration du vivant que l’on cherche à ordonner, à classer et à redéfinir. Ce processus engendre des logiques de qualification des animaux qui instaurent des représentations des relations de l’homme au vivant, oscillant entre une altérité farouchement défendue et le continuisme allant jusqu’à une intimité partagée. Enfin, l’exhibition des animaux les transforme en "acteurs-objets…" (¹)

 

          A quand remonte la fascination, le souci d'exprimer l'instinct grégaire et les questionnements sur l’humanité, façon Maryse Lebastard ? De nombreuses années, cette création devenant une véritable monomanie qui a envahi chaque moment de la vie de l’artiste ! 

          Et depuis tout ce temps, elle sculpte dans la terre, le grès surtout, traité au raku, des petits portraits en pied, d’un réalisme surprenant, à ceci près que tous ses animaux ont conquis la station debout ! Qu'ils sont chaque fois surpris par le visiteur, en des attitudes humanoïdes tout à fait surprenantes ! Car tout n'est que tendresse, dans le monde de Maryse Lebastard, conciliabules intimes entre l'animal, un petit singe ou un lémurien le plus souvent, ses grands yeux réfléchissant la lumière, et… un petit humain, souvent féminin, d'ailleurs… Mais parfois, l'artiste s'écarte de ce choix, et ce sont alors des hippocampes, des zancles, des huîtres… qui deviennent partie prenante de cet échange. Et malgré ce côté relationnel inattendu, aucun transfert n'est à remarquer : l'animal reste animal, l'humain reste humain, comme si elle tenait à affirmer la possible tolérance de l'un vis-à-vis de l'autre, en dépit de leur différence. 

          A ceci près que, toujours, c'est l'animal qui est le protecteur, l'humain le protégé, en une inversion très symbolique des rôles. Subséquemment, l'animal est toujours adulte, et propose sa relation avec l'humain à tous les stades de l'évolution de celui-ci : en gestation, placé bien en évidence dans le ventre de la "mère" ; déjà né mais encore bébé dans ses bras ; enfant lisant sur sa tête ; tous deux face à face, en un échange profond mère/enfant. Ajoutant peut-être un soupçon de fantasmagorie ou d'humour, lorsqu'elle danse sur le nez de son phoque !

          Il semble donc bien que Maryse Lebastard ait voulu affirmer son regard positif et sensible sur l’animal. Dire que l'humain n'a pas le monopole de la tendresse, mais que celle-ci existe au même titre dans le monde animal. Se souvenir que, dans la littérature, l'art, comme dans la vie réelle, l’Homme fait parfois appel à l’animal pour caractériser une émotion, un ressenti, une interrogation. Voir ses œuvres encourager l’observateur à s’interroger en adoptant une nouvelle perspective, celle des opprimés…

          Et elle réalise, du fait de tous ces possibles questionnements, une œuvre narrative à la manière d’un conte. Une œuvre qui est un mélange de tendresse comme il est dit plus haut, de poésie, de rêve, de souvenirs enjolivés au fil du temps ; tout cela rendu avec un évident amour de la sculpture.

Jeanine RIVAIS

(¹) Sophie Corbillé et Emmanuelle Fantin (extrait)

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : FESTIVALS http://jeaninerivais.jimdo.com/ BANNE 2014. Et ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : FESTIVALS BANNE 2016

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HUGUES PETERELLES 

 

LES CONSTRUCTIONS METALLIQUES D'HUGUES PETERELLES

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   L’utilisation du métal pour la conception et la réalisation d’œuvres d’art remonte au IIIe millénaire avant J.C., avec l’or, le cuivre puis le bronze. Aujourd’hui, le métal est détourné, recyclé et transformé en ornement ou sculpture. Les sculpteurs sont d’ailleurs nombreux à aimer travailler le métal car, de par sa malléabilité, il offre une infinie variété de possibilités en termes de créations artistiques. Multiples sont les artistes qui créent leurs œuvres à partir de pièces de métal. Mais le comble advient lorsque Hugues Péterelles y ajoute les boîtes de conserves ! D'où des combinaisons entre parties lourdes et plus légères. Malgré la froideur du métal, ses sculptures paraissent en éternel mouvement selon le regard que l’on porte sur elles ; et dans chacune, le visiteur peut voir du respect pour le matériau dont elle est issue, et de la modestie…

          Il faut dire que l'artiste ne fait pas dans la dentelle. Ses créations sont de lourdes compositions proposant à quelque martien caparaçonné de s'envoler ; à une tête toute seule sur son socle de regarder l'horizon avec ses jumelles… métalliques ; à son petit cheval de hennir en silence, la queue levée comme prêt à galoper… ! Epatant son visiteur en tournant une petite clef qui met en branle tout un système d'entrailles d'une sorte de moulin ! Suscitant des interrogations sur le fait qu'ici une fourchette dresse ses dents pointues, là une louche propose ses rotondités, ailleurs une hélice tourne ses pales… car les instruments du quotidien accroissent les combinaisons finales. D'autant que, prêt lui-même à s'embarquer vers quelque lointain cosmos, Hugues Péterelles a doté toutes ses constructions (ne faudrait-il pas dire plutôt ses "assemblages" ?) de roues plus ou moins grandes !

           Ainsi, passe-t-il avec une grande vitalité, d'un matériau à l'autre ; la façon dont il les conjugue lui offrant de multiples possibilités, et une grande liberté de concevoir, construire, créer, faire de la recherche et développer telle idée au gré de ses fantasmes. Un travail de passion auquel il dédie la majorité de son temps.

 

Mais pourquoi Hugues Péterelles se consacre-t-il avec autant d'assiduité à des œuvres où se côtoient suspense et méditation, passé, présent, futur et qui posent les questions universelles inhérentes à notre environnement ? N'est-ce pas une façon bien à lui de se réapproprier les symboles d'une société de consommation qui le dérange ? Ces objets destinés naguère à ajouter un plus à une situation déjà en surconsommation et qui participent désormais à des associations inopinées seront-ils des témoins fidèles de près de plusieurs décennies de recherches formelles et de fantasmagories poétiques ? Ces créations au concept toujours incisif, traduisent-elles une force créatrice infiniment vivace, d'où se dégage paradoxalement une sorte d'humour calme, de sérénité ? Cette dénonciation d'un quotidien à la fois familier et allogène tellement brutal lui apporte-t-elle l'apaisement ? 

          Une chose est sûre, à partir d'éléments banals jetés par d'autres, ou à lui confiés, Hugues Péterelles assemble les émotions et les sensations, travaillant plus avec elles qu’avec les règles et les modes. Son travail spontané, s’appuyant uniquement sur son ressenti, profitant de l’espace de liberté que lui donne la vie, exprime-t-il finalement ce qui est en lui d’émotions, d’envies, de rêves... Son long voyage personnel, en somme… ?

Jeanine RIVAIS 

 

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BEATRICE SAMUEL 

 

LE MONDE CONTEMPORAIN VU PAR BEATRICE SAMUEL

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Infinies sont les façons pour les artistes de rendre compte ou de dénoncer le monde contemporain ! Pour Béatrice Samuel, il s'agit de personnages conçus dans leur entièreté, vivant en des foules qui témoignent de leur instinct grégaire. Des individus à la fois en mouvement et statiques en des attitudes très vivantes. Et ce qui frappe de prime abord dans sa création, c’est la grande explosion de couleurs, les complémentarités et les oppositions des bleus crus qui s’enchevêtrent, des jaunes et des rouges sans nuances qui se chevauchent, des touches de verts qui s’interposent ; le tout “organisé”, combinant un système positionnel qui peut changer indéfiniment : le marié se retrouver avec l'obèse en maillot de bain, le roi avec le jardinier en salopette, le chien étendu aux pieds de l'esquimau, etc. Cette artiste, en effet, réalise des sculptures de terre qui pourraient avoir fait un petit tour chez Rabelais, et autres écrivains qui, comme lui, proposent des personnages truculents ; laids, à tout le moins quelconques ; et pince-sans-rire. Œuvres dans lesquelles chacun est confronté à ce que l'imaginaire peut présenter de paradoxal, de provocant et de poétique. Des personnages réalistes qui interrogent. Des “humains”, toujours. Modelés, burinés, peaufinés, afin que ressortent les éléments du corps que Béatrice Samuel souhaite mettre en évidence : un bedon, une calvitie naissante, la bedaine du roi ou de la baigneuse, l'air penché d'un gringalet…

          Œuvre fascinante en même temps, du fait qu'elle se situe à l’écart de toutes les modes, intemporelle malgré sa connotation un peu archaïque, tous les personnages arborant coiffures et habits sans âge : Ces gens-là peuvent être Monsieur ou Madame Tout-le-Monde de tous temps et tous lieux. Non pas vides de sens social, toutefois. Un peu militants, au contraire ! Représentants miniaturisés de deux des trois ordres qui constituent le monde "vrai" : Noblesse avec son roi couronné ; membres du Tiers Etat campés résolument sur leurs jambes légèrement écartées, posant comme s'ils pensaient que le petit oiseau va sortir. Certes, il manque le Clergé et ses curés, mis ils pourraient tout aussi bien être là, parmi ces créatures porteuses de la vie quotidienne, en somme ! 

         Suscitant chez le spectateur amusement d’abord, puis perplexité voire agacement et malaise par la façon dont, d’observateur il devient observé, car ces “individus” semblent lui rendre regard pour regard, du fond de leur banalité qui, très vite, caractérise cette foule.

          Ainsi Béatrice Samuel réinvente-t-elle le monde : un monde extirpé du contexte dans lequel elle l’a saisi sur un original ou tiré de son esprit. Elle se livre tout entière dans la solitude de son atelier, à la volupté de l’action de donner à chaque idée trois dimensions !... Se souvenir... et pétrir la terre ! Faire de deux plaisirs...une œuvre.

Jeanine RIVAIS

 

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MICHEL SMOLEC : 

 

VOIR AUSSI : TEXTES DE JEANINE RIVAIS : "NAISSANCE D'UNE VOCATION" DANS LE NUMERO 58 DE SEPTEMBRE 1996, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. "DE TERRE ET DE CHAIR, LES CREATIONS DE MICHEL SMOLEC, sculpteur". 

TEXTE DE JEANINE RIVAIS "NAISSANCE D'UNE VOCATION" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°58 de SEPTEMBRE 1996. TEXTE : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RETOUR(S) SUR UN QUART DE SIECLE D'ECRITURE(S)

ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVAL CERAMIQUES INSOLITES, SAINT-GALMIER 2005. Et :  "TANT ET TROP D'YEUX ou MICHEL SMOLEC dessinateur" : ART SINGULIER. Et aussi : "ET DE NOUVEAU NOUS SOMMES DEUX" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ ART SINGULIER. Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : RUBRIQUE FESTIVALS RETOUR SUR BANNE 2003. Et : COURT TEXTE DE JEANINE RIVAIS : FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018. TEXTE "MICHEL SMOLEC A LA CAMPAGNE". TEXTE "MICHEL SMOLEC ET L'AMABIE" : http://michelsmolec.jimdo.com/

 

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JACQUELINE WINTZER : 

 

VOIR AUSSI : COURT TEXTE DE JEANINE RIVAIS : FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018.Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS "SES ORIFLAMMES ET SES ETRES DE TERRE" : FESTIVALS, http://jeaninerivais.jimdo.com/

VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

 

 

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MUSEE D'ART ET D'INDUSTRIE : 

JOSIANE COSTE-COULONDRE : 

 

 

 LES PETITS PERSONNAGES/TETES DE JOSIANE COSTE-COULONDRE

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"Tant de livres faits sur la peinture par des connaisseurs n'instruiront pas tant un élève que la seule vue d'une tête de Raphaël". (Voltaire)

De tous temps, les têtes coupées ont été la signification profonde de la mise à mort brutale de l'ennemi. A tel point que de nombreux peintres, tels Caravage élevant Salomé, Judith ou David au rang de bourreaux ; ou Orphée décapité par les Ménades, etc. en ont fait leurs personnages principaux ; pour ne rien dire des révolutionnaires brandissant les leurs au bout de leurs piques… Et sans oublier que les têtes horribles sont devenues l'apanage d'Halloween ?

          Alors, comment expliquer que les petits personnages/têtes qu'affectionne depuis bien des années Josiane Coste-Coulondre soient si loin de cette pratique et de cette signification ? C'est qu'elle leur donne des petits airs tendres, un peu naïfs, et que la plupart du temps, ils ont acquis un cou gracile, eux qui avaient naguère la tête rentrée dans les amorces d'épaules. Et pourtant, elle leur en fait voir, question formes : les uns ont la tête ronde, les autres l'ont ovale, mais toujours cabossée, bosselée, étirée de tous côtés par des fils les reliant au support ; perdues au centre d'un magma gravelé noir et gris ; le visage carrément partagé en trois parties verticales par une large bande zigzagante, les cheveux plaqués noir de jais, ou entourant la tête de petites bandes de couleurs. Tous détails dont la "simplicité" la ramènent par leur semblant de maladresse mais leur véritable science du trait, aux origines, à des œuvres qui auraient la sincérité des productions enfantines !

          Parfois, Josiane Coste-Coulondre exprime son personnage dans son entièreté (ou presque). A en juger par ses seins, c'est une femme, aux hanches larges, telles les statuettes préhistoriques de la maternité. Mais elle n'a ni bras, ni pieds et elle est entourée d'un ovale noir. S'agit-il alors d'un être en gestation ? Qui sait ? D'autant qu'il lui arrive aussi de représenter ses petits êtres en groupes serrés (et certains sont de profil, alors que les têtes sont toujours de face, zieutant le visiteur).  Lequel, se demande comment, avec des traits aussi rudimentaires, cette créatrice parvient-elle à traduire tant de nuances de caractères et d’humeurs, allant de petites joies à des scepticismes qui leur font hocher la tête, des expressions interrogatives, etc.

          C'est que Josiane Coste-Coulondre est une artiste s'expriimant par le textile et l’envie de créer lui a permis de partager les techniques et d’harmoniser formes et couleurs. Ses œuvres, d’une finesse surprenante, par leur légèreté, le côté protéiforme des tissus cousus, brodés, l’amènent de passages finement ciselés à d’inattendues opacités : la multiplication sans hiatus des couleurs qui font taches sans le plus petit espace vide, génèrent un champ vibratoire toujours fortuit et surprenant. 

          Ainsi, loin de tous les académismes, l'artiste propose-t-elle une imagerie onirique faite de rêves qui l'accompagnent dans sa vie quotidienne ; de liens humains qu'elle essaie de représenter du bout de son aiguille. Des compositions polychromes qui sont un régal pour les yeux des visiteurs respectueux du talent et de la constance d’une telle création. 

Jeanine RIVAIS

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : FESTIVALS http://jeaninerivais.jimdo.com/ BANNE 2011

 

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SABINE FELICIANO : 

 

 LES CREATIONS OBSESSIONNELLES DE SABINE FELICIANO

 

       Il semble bien que les sombres dedans obsessionnels de Sabine Féliciano se soit adoucis puisque, ses œuvres tripales itératives apparemment abandonnées, elle recourt à un travail textile de broderie soit au crochet, soit au fil. Ouvrages non moins obsessionnels, d'ailleurs, mais dont la beauté saisissante vient se confronter avec le caractère symbolique qu'ils arborent. Ces œuvres très visuelles révèlent désormais un territoire esthétique insoupçonné, car elle est parvenue en un temps relativement court à une extrême maîtrise de ses compositions sculpturales. 

          Nombreuses sont ses figures construites à partir d’une même technique et des mêmes caractéristiques plastiques : la répétition à l'infini de petites boules crochetées qui, tantôt s'arrondissent en un magnifique bouquet bicolore ; tantôt sont boules indépendantes, mais indissociables par leur signification, leur alignement symbolisant le tant haï confinement… Tantôt encore,  "travail de contrariété" du fait que l'"on" "surveille nos habitudes" au point qu'elle s'exclame "Où sont nos jardins secrets ?", elle réalise un grand carré constitué d'une infinité de boules côte à côte, leurs couleurs combinées en lignes continues s’enlaçant et s’entremêlant de façon à imposer à l'œil du visiteur un effet vibrant, un sentiment de jeu entre la lumière et les ombres, l'impression d'une vie et d'un mouvement malgré leur position statique ! 

          A d'autres moments, Sabine Féliciano brode ce que sont, pour elle, "des instants purs que l'on aimerait prolonger. Comme un rappel, le souvenir d'instants tellement lointains qu'ils commencent à s'estomper". Elle réalise alors des compositions fines et poétiques où les broderies en léger relief, mêlées à des compositions florales, deviennent diadèmes de quelques princesses fantasmées, fragments de récits, scènes intimes de temps heureux imaginaires, etc. 

          Enfin (mais ce mot ne convient peut-être pas, vu la profusion des expressions de Sabine Féliciano), elle brode au cours d'un voyage de "1500 kilomètres", un "châle-méduse hommage aux grands fonds" attestant du caractère autobiographique de ses créations nourries par l’existence, à travers lesquelles s’articule en permanence la confrontation avec le monde et sa contestation!

          Ainsi, œuvrant différemment de ses compositions tellement violentes de naguère, l'artiste continue-t-elle de dénoncer à sa façon les travers d'une civilisation qui ne lui convient pas. Ces moments d’effusion et de créativité, assombris parfois par leur caractère dissident, sont autant de messages de paix et de compréhension exprimés sculpturalement et souvent confortés par des textes très personnels. Au point que le visiteur interpellé par les œuvres de cette artiste qui suivent une logique personnelle, interne et viscérale, par ces expressions qui appréhendent le monde et la société d’une manière à la fois poétique, critique et politique, repart la tête pleine de ce qui, pour un moment, a été un régal pour ses yeux, et un sujet de réflexion sur la capacité de cette créatrice à confronter le monde !!

Jeanine RIVAIS

LES TEXTES EN ITALIQUE SONT DE SABINE FELICIANO

 

VOIR AUSSI : COURT TEXTE DE JEANINE RIVAIS : FESTIVALS http://jeaninerivais.jimdo.com/ : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

 

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FONTENCOMBLE :

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :"FONTENCOMBLE, EXPLORATRICE D'ART" : FESTIVALS : http://jeaninerivais.jimdo.com/

"Art brut et outsider, Singulier, Meysse 2016. Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS "FONTENCOMBLE INTRA IPSUM CORPUS" : FESTIVALS, VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020.

 

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MEDIATHEQUE DE TARENTAIZE :

 

CRISTEL BEGUIN : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES SAYNETTES DE CHRISTELLE BEGUIN" : http://jeaninerivais.jimdo.com FESTIVALS BANN'ART JUILLET 2019.

Et  FESTIVALS  BANN'ART 2021

 

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FABRE THIERRY :

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "THIERRY FABRE OU L'ART DE STRUCTURER SES CREATIONS ECTOPLASMIQUES !" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ SAINT-ETIENNE BIENNALE DES ARTISTES SINGULIERS ET INNOVANTS 2022. Rubrique FESTIVALS LIEUX ET EXPOSANTS

HACENE BOUZIANE : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  FESTIVALS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ 6e BIENNALE BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2018

 

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ANNE LORDEY : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

 

 

 

 

 

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LOUIS MOLLE :

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : festivals Céramiques insolites Saint-Galmier 2006. Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : FESTIVALS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ : 6e BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2018

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          Un entomologiste doit faire preuve de patience et de rigueur ; être curieux, aimer réfléchir et travailler en extérieur ; maîtriser et reconnaître les espèces d’insectes. 

          Il va de soi que, lorsqu'un artiste se lance dans la représentation des insectes, des papillons en particulier, il doit posséder ces mêmes qualités, y ajouter le savoir-faire et le talent qui va chapeauter le tout. Et lorsqu'il choisit le grattage pour s'exprimer, en noir et gris qui plus est, toutes ces capacités sont encore plus indispensables ! 

          Aucun doute, Alexis Segarra les possède toutes. S'il n'en allait pas ainsi, quelle serait sa production ? S’il ne possédait au bout des doigts et dans son cœur, le talent de graveur ? s'il n'était capable d’instants de la plus intense tendresse pour son sujet en gestation ? Et le visiteur l'imagine très bien, en voyant ses œuvres sur les cimaises, le nez collé sur ces insectes en train de naître sur son carton de grattage, dont les nuances doivent le provoquer, la main mue par un automatisme et une frénésie irrépressible ; raturant à l’encre noire, multipliant des déliés les plus fins, repassant, grattant, tachant... ici, atténuant  l'encre  pour créer une tache claire qui repousse vers le centre une masse “habitée”... là,  l'accentuant comme pour rendre encore plus véridique le mimétisme de l'insecte ; revenant à sa plume, pour noircir, rayer, contraster de nouveau ses silhouettes... Ainsi naissent sous le grattoir des papillons dont les antennes noires se détachent sur le bouleversement du fond gris ; thorax et abdomen bien découpés ; ailes blanches et noires, bordées de noir. Car le noir dans toutes ses nuances, conditionne la perfection de chaque création.

          Mais parfois, l'entomologiste laisse la place à l'ornithologue, et ce sont alors un oiseau au bec pointu, à l'œil méchant qui se dessine ; une nichée guettant sans doute le retour d'un parent, parce que regardant tous du même côté !... 

          D'autres fois, son fantasme ou son imagination l'entraîne vers des fonds sous-marins où évolue une pieuvre géante ; vers la mer démontée dont les rouleaux s'enchevêtrent, se bousculent.

         Enfin, et ce n'est pas le moins surprenant, il s'attaque à l'incontournable bouquet de tournesols qui, de jaune rayonnant, devient noir ! 

 

          Ainsi, par sa technique éprouvée, par les conjonctions esthétiques de ces éléments colorés, Alexis Segarra sait-il confirmer qu’il possède une grande maîtrise de l’infime détail, un grand savoir-faire, une puissance et une sobriété remarquables ; qu’il est en somme un artiste talentueux dont les capacités expressives ne sont encore que partiellement découvertes !  

Jeanine RIVAIS

 

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        Le profane est un peu perdu dès qu'un artiste parle de gravure. Il semble y avoir tant de nuances dans les techniques, tant de procédés… Qu'importe, au fond l'essentiel n'est-il pas qu'il admire les résultats ? Et quand il regarde les gravures de Sévange, il y a matière à l'admirer longuement. Qu'elle se fasse entomologiste, ou graveuse animalière, elle manifeste le même talent pour mettre à jour des sortes de créatures hybrides, bizarroïdes, mettant en évidence un humour inattendu, une audace caractérisée, un goût de la provocation, pour ne rien dire de ses fantasmes ! 

   Avec des approximations parfois surprenantes ! Ainsi de son "Caméléon très adroit" qui n'a rien d'un caméléon, peut-être ainsi nommé à cause des facultés de camouflage de l'authentique ? Car il est difficile, dans ce réseau de trompes, tuyaux entrelacés, petits ajouts piquetés ici et là, de trouver où est la tête ? Serait-ce cette sorte de bivalve tout en bas de la bête, ornée de fines tigelles ; et d'où part le principal tuyau ; lequel, de courbes en contrecourbes revient vers ce qui pourrait être un œil au sommet d'un tressage, tandis que l'autre serait au centre d'un friselis ? En ce cas, voilà une créature qui loucherait considérablement ! Autre animal bien handicapé, le mammouth ailé, aux quatre pattes différentes, et dont la trompe partant de quatre points à la limite de la chevelure frisée, est terminée par une embouchure enflée en son centre ; tandis qu'un minuscule sexe pend lamentablement entre les pattes arrière ! Et quand l'artiste demande : "Loup, y es-tu", la réponse est qu'il est bien là; tout en tours et contours, poils et griffes, montrant à la fois son extérieur à la gueule terrifiante, et son "dedans" où est niché un petit… Chaperon rouge ?!

         Et puis, Sévange s'intéresse aux insectes. Lesquels sont tous verticaux. Chaque détail anatomique repris fidèlement sur la "Mantisis fantaisus" (ce qui, sans doute implique une mante fantaisiste ?), sauf que le corselet est composé de tubes entrelacés, que l'abdomen est un creuset portant une substance indéfinissable, que la bouche est surallongée et que les yeux lui sortent de la tête ! 

           Quant à la "Libellule à bulles, virgule, contorsionniste", elle est dotée d'une trompe pour moitié bicolore, et moitié ponctuée de minuscules entrelacs ; et terminée par une tête dont on jurerait que c'st celle d'un… serpent ! Et le corselet disparaît sous une forêt de poils d'où émerge une "main" à trois doigts. Tandis que les ouïes sont de véritables écouteurs, et que la bouche est tapissée de ce qui ressemble fort à des dents !! 

           Même descriptif pour l'abeille assise sur son derrière ! 

 

          Mais c'est quand Sévange en vient aux animaux, sortes d'aliens humanoïdes, qu'elle fait le plus fort ! Tous ont la station debout. Et des yeux exorbités semblant regarder le visiteur en off, en contestant assurément sa présence ! Le cochon, par exemple, porte carrément des lunettes. Il a un groin épaté ; une raie bien droite dans sa chevelure, les oreilles cassées. Il s'appuie sur deux cuisses énormes terminées par deux pattes fluettes et des ongles à deux sabots. Mais le plus évident est son sexe long et fin, orné de poils savamment enroulés en moustache conquérante, tandis que les testicules sont frisottés !  

          Le singe -est-il bien un singe ?- A en juger par le port de son corps, oui. Mais il a un bec et des pattes d'oie, de longs bras aux mains griffues. Et il a les tripes à l'air, belle leçon d'anatomie, en somme ! Et de sa tête, émerge un arbre en fleur ! 

          Quant à la chouette, elle a la tête carrée, surmontée de cheveux/clefs entremêlés. Des clous sont plantés de chaque côté, la figure ridée d'où pend un bec pointu. Son corps est couvert de pustules, avec deux minuscules tétons et deux bras si démesurément longs qu'ils se terminent en pieds posés sur le sol.  Les pattes arrière sont deux os longs couverts de poils à hauteur de cuisses, terminés par trois ergots griffus. Il s'agit sans doute d'une femelle dont le sexe distendu laisse tomber une série d'ovoïdes avec des yeux. Est-ce sa façon de perpétuer l'espèce ? Qui sait !

 

          Ainsi, Sévange mène-t-elle depuis des années avec sa gravure, une histoire surprenante. Qui l'entraîne vers une parodie d'étude animale. Si le visiteur voulait être féroce, il penserait qu'elle a de lourds griefs contre la gent animale et insectivore, les deux espèces intimement liées dans son esprit. Et, n'était l'accent sur le É de son nom, il dirait qu'elle SE VENGE !! Néanmoins, dans cette présentation, elle a si bien dompté les jeux de noirs, de blancs et de gris infinis, de violacés, que chaque "scène" parle d’elle-même ; oblige sans littérature ni psychologie, ce spectateur à suivre les créations de la graveuse parmi ses “allochtones” ; à travers les arcanes de son imaginaire fantasmatique, caché bien au-delà de la réalité !

Jeanine RIVAIS

 

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HERVÉ THAREL : 

 

VOIR  AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ :    FESTIVALS IVe BIENNALE LYON 2011.

 

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CENTRE SOCIAL DE BEAULIEU : 

JOSE BERGAMIN

    Vues de loin, les œuvres de José Bergamin donnent l'impression de multiples champs de fleurs ! Car ce qui frappe de prime abord dans sa création, c’est la grande explosion de couleurs, les complémentarités et les oppositions des bleus crus qui s’enchevêtrent, des jaunes et des rouges sans nuances qui se chevauchent, des verts denses qui s’interposent. Mais, en s'approchant, le visiteur se rend compte que de fleurs, il n'y a point ; qu'en fait, si les taches de couleurs sont bien là, omniprésentes, elles sont "peuplées" d'une multitude d'objets, cercles, taches, vibrisses, pointillés, têtes encore et encore, infimes vermiculures incrustées dans les couleurs…, tout cela minuscule si dru, si enchevêtré, collé, serré, ocellé, carrelé, croisillonné, fleuronné, à tel point que pratiquement, n'existe aucun interstice ! Il faudrait poursuivre à l’infini cette énumération, la subjectivité de chaque visiteur lui faisant noter la psychologie et le pittoresque de tel ou tel détail plutôt que ceux d’un autre…

     Subséquemment, le travail de José Bergamin possède une qualité rare : la vie. C’est là le premier paradoxe de cette œuvre miniaturisée ; le second étant qu'aucune perspective ne peut exister dans cette création, même si, en divers cas, l'œuvre est bâtie sur une oblique. Parfois même, l'oblique est incluse dans un carré, comme s'il avait craint de n'avoir pas assez de plans, et les avait multipliés, créant ainsi le tableau dans le tableau, dans… Le dernier paradoxe étant que cette vie existe sans "vivants" si ce n'est quelques têtes expressives ici et là, mais il est évident qu'elles ne "racontent aucune histoire" ! Ce microcosme naît donc uniquement de la récursivité des bribes et objets évoqués plus haut ; de cette manière obsessionnelle de décorer chaque tableau, avec un sens aigu du dessin et des couleurs fortes déjà évoquées qui génèrent une impression de grande vitalité, de sensualité, de réalisme poétique, d’énergie physique, de rythme et d’harmonie dans les luminosités.

 

          En somme, José Bergamin est l'auteur d’une œuvre personnelle, chaleureuse ; un univers serein, guilleret, insolite, d’une singularité heureuse…  précieux témoignage de son imaginaire fertile.

Jeanine RIVAIS

 

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THIERRY FABRE : 

 

VOIR AUSSI : 

TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "THIERRY FABRE OU L'ART DE STRUCTURER SES CREATIONS ECTOPLASMIQUES" : http;//jeaninerivais.jimdo.com/ BIENNALE DROME ET ISERE DES ARTISTES SINGULIERS ET INNOVANTS 2022. Lieux et exposants ; OFFICE DU TOURISME  SAINT-JEAN-EN-ROYANS 

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FAFA DE SAINTÉ 

 

MIGRATION DE FAFA DE SINTÉ ET SOUVENIR DU PAYS NATAL

 

Depuis combien de décennies, Fafa de Sainté a-t-elle quitté son Maroc natal pour s'installer en France ? Où elle s'est si bien adaptée qu'elle a carrément supprimé son nom d'origine et en a créé un qui qui la situe complètement dans sa ville d'adoption : (Fawzia est ainsi devenue Fafa ; et de Sainté est l'abréviation populaire de Saint-Etienne). Cependant, sa culture originelle est restée tellement puissamment implantée, avec ses coutumes intimistes et coutumières que chacun de ses tableaux en rappelle un petit morceau. Et, ayant su rester indifférente aux mutations sociales et artistiques issues de tous les horizons, elle a trouvé dans les profondeurs de son environnement séculaire mémorial, un langage pictural qui constitue la forme, le fond et l’esprit de ses œuvres.

          Autodidacte, rien ne suggère la moindre curiosité à l'égard de civilisations étrangères. Par contre, il est évident qu'elle a vécu, qu'elle vit intensément chaque détail de sa vie de naguère. Qu'elle en explore les moindres recoins, les plus subtiles nuances. Et qu'elle les traduit dans un style très naturaliste ! De sorte que, pour le spectateur, ses œuvres prennent un petit air exotique né de sa façon -bien à elle- de donner semblable importance à tous les thèmes qu'elle aborde.

          Bien à elle, en effet, la manière dont Fafa de Sainté traite ses paysages ou les éléments de intérieurs d'habitations, car, tels des oasis verdoyantes sous un ciel d'un bleu intense, elle met en avant à petites touches, à mouvements et postures à peine suggérés, une multitude de plantes, de vases, d'oiseaux…  serrés les uns contre les autres : Un art de restituer au plus près, à travers sa gestuelle personnelle, la scène qu'elle a en tête …

          Cette façon de ne laisser aucun vide dans ses tableaux, Fafa de Sainté  la conserve pour les rares personnages qui jalonnent ses" scènes" : tête au gros nez épaté, aux lèvres entr'ouvertes sur un énorme cigare, encastrée au milieu de tables jonchées de fruits, et de bouteilles dont aucune étiquette ne précise le contenu ; danseuse en robe opulente, frappant son tambourin à bout de bras, dansant entre chats et oiseaux au bord d'un lac plus bleu que bleu ; silhouette humaine disparaissant derrière quelque tête de chèvre, seul son cigare dépassant de sa bouche bée ; femme chapeautée ou à l'opulente chevelure blonde (!) assises sur un banc ! 

          A la fois semblable est l'infinie précision de la composition ; mais différente, parce que, comme si elle procédait pour une photographie, l'artiste agrandit le point de vue et installe un décor, multiplie les pans de murs, les habitations vides d'habitants. Parfois aussi, pour varier peut-être son aperçu sur un thème, elle glisse des bandes étroites proposant des écritures dont le sens échappe tout à fait au visiteur. 

          Bien sûr, il faut également parler du talent de coloriste de cette surprenante autodidacte, son savoir-faire naïf et néanmoins tellement élaboré mêlant fonds quasi-inexistants et teintes lumineuses. Donnant à ses œuvres une richesse qui à la fois les rapproche des couleurs traditionnelles du Maroc, mais en fait une créatrice personnelle, sincère, d'une sensibilité toute féminine aux mémoires populaires. Son potentiel imaginatif inné, son sens de l'harmonie, son inspiration issue d'un quotidien ancestral revisité, ont façonné au fil des années, son univers éminemment poétique. 

                Tous éléments qui confirment, au fil du temps, que l’artiste, bien que transfuge, a préservé son identité culturelle, son intense créativité originale, son inspiration issue d’un quotidien ancestral revisité… Que celui-ci a généré, en somme, hors de toute orthodoxie et de tout apport allogène, un univers pictural mystique, à la fois posé et exubérant. 

Jeanine RIVAIS

 

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CATHERINE GILALCALA :

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS "GIL ALCALA ET SON ŒUVRE DESSINEE PROTEIFORME" : FESTIVALS, http://jeaninerivais.jimdo.com/ VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

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DIDIER HAGBE

 

L'AFRIQUE AU CŒUR DE DIDIER HAGBE, peintre

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     Il semble bien que Didier Hagbé ait beaucoup bourlingué depuis le Cameroun où il est né, jusqu'à Saint-Etienne où il réside actuellement. Mais que son cœur soit resté au bord de son fleuve natal, parce que chacune de ses œuvres apparaît comme un voyage très personnel au cœur de l'Afrique !?

         Pour autant, son souci n'est ni le réalisme, ni l'ethnographie à la Jean Rouch : Il s'agit d'une circumnavigation de lui à lui, à travers des chocs émotionnels, des coups de cœur, des visions suggestives, des images rémanentes de son voyage mental. A moins qu'il n'ait gardé depuis l'enfance, le goût des civilisations énigmatiques et se soit dévolu le rôle de créateur imaginatif de peuplades étranges, allochtones humanoïdes témoignant de différentes inspirations, tantôt réalistes, tantôt fantasmagoriques.

           Côté fantasme, y sont souvent proposées des foules : ici, sur une "place" noire de monde, se détachant nettement sur un fond rouge orangé, deux dresseurs proposent un animal bicéphale, au grand dam du public roulant des yeux énormes et montrant ses dents en hurlant. Là, sur un fond rose violacé, la foule est si drue qu'il est difficile de dire à qui est ce buste, à qui ces jambes, à qui cette tête… sauf que certains sont noirs compacts, tandis que d'autres ne sont que linéarisés en noir, mais que tous ont des yeux blancs largement ouverts et qu'entre ces anatomies éventuelles, foisonnent de minuscules pictogrammes ou dessins de maisons bancales, têtes d'animaux, etc. Ailleurs, peut-être s'agit-il d'une scène de guerre, ou d'un cimetière, puisque la plupart des individus sont couchés dans des caisses, tandis que deux personnages seulement sont debout, à l'extrême droite du tableau. Ailleurs encore, les personnages disposés en strates horizontales, comme sur des gradins de stade, regardent le visiteur en off.

          Côté réaliste, volontairement fantaisiste, Didier Hagbé en vient à des couples : sur un tableau, ils sont nus et se détachent élégamment en bleu sur un fond floral. Sur un autre, deux hommes, dans leurs costumes bariolés, sont tranquillement assis entre des arbres, sur des chaises qui n'ont rien d'africain ! Sur un troisième, un homme assis sur un tabouret, une jambe négligemment posée sur la table, raconte sans doute une histoire drôle à la femme assise en face de lui et qui rit, bouche fendue jusqu'aux oreilles. Tous deux sont de noir vêtus, dans une pièce aux murs tapissés de fleurs et d'animaux, au milieu de gens qui vont et viennent ! 

          Enfin Didier Hagbé en vient à des portraits et toute la famille regarde vers le photographe, les seins des femmes très nettement arrondis, le téton proéminent, le reste des anatomies découpé de sorte que seuls les yeux protubérants sont évidents. Ou bien ils sont "photographiés" format carte d'identité, la femme à la coupe afro à l'avant, l'homme derrière, bouche bée, une partie de son visage dans l'ombre de la femme, une énorme boucle  pendant à son oreille ! 

 

          Pour témoigner de sa relation à l'Afrique, l'artiste revient donc à des scènes primitives, trouve le trait qui les traduira exactement mais se fera oublier afin de ne pas entraîner le spectateur dans un exotisme de mauvais aloi ; s'assure que l'émotion est sur la toile sans se laisser écraser par son poids de vie ; fait exister le tableau et quitte la réalité pour prouver qu'au commencement est bien le rêve. 

          Tout cela conçu en couleurs vives qui, mélangées de noir, commencent à s'opposer ; des rouges violents affrontent des bleus ; des jaunes se confrontent à des violets…. Et il faut alors parler du talent de coloriste de Didier Hagbé qui sait jouer de ces confrontations et les gère sans hiatus et qui, grâce à la conjonction de couleurs pures sur couleurs pures, donne à ses œuvres une connotation de vie et de grande convivialité. 

Jeanine RIVAIS

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          Ils sont là, toujours à l'avant-plan du tableau, les personnages de Christelle Link, affrontant l’intrus situé en off qui, de "regardeur" devient le regardé. Ainsi se retrouvent au premier plan le couple enlacé sous la neige ; le couple en folie au volant de sa voiture verte à l'avant de laquelle sourit une large bouche ; le roi et ses sujets dansant en se déhanchant à qui mieux mieux ; les oiseaux se bécotant perchés sur une branche. On pourrait poursuivre à l'infini vu que l'œuvre de cette artiste est foisonnante, et son imagination fantasmagorique infinie ! 

          Car le monde de Christelle Link est celui du conte, où chaque "histoire" picturale pourrait commencer par "Il était une fois…". Néanmoins, aucun fil d’Ariane n’en relie les composants. Simplement, ils sont là, juxtaposés, autonomes, leur interdépendance psychologique naissant du seul besoin "physique" (géographique ?) de l’artiste d’équilibrer et d’emplir son tableau. Par ailleurs, à l’instar de nombreux créateurs "naïfs", la peintre a horreur du vide ! Alors, tel un djinn soufflant  des nuages dans sa bouteille, elle emplit elle aussi ses œuvres, surcharge ses personnages d'autres personnages, de végétaux, de visages … continue jusqu’à ce que le plus infime espace soit piqueté d’étoiles et de fleurs, ponctué de fines taches multicolores, orné de délicates arabesques, tapissé de tours de Babel, montagnes aux neiges éternelles, briques moustachues, clowns, fleurs, si compact qu'il ne reste pratiquement aucune place pour le fond !

          La main semble incapable de s'arrêter, tant que l'esprit n'a pas le sentiment d'avoir fignolé le tableau, supprimé tout hiatus, trouvé son ordre vital, sa plénitude ; tant que le cœur n'a pas exprimé son "dit" si particulier. Et quelles aventures où la-jeune-fille-aux-jambes-écartées-qui-cache-dans-son-giron-une-tête-grimaçante-tient-un-œil-à-la-main-peut-être-celui-de-la-tête-à-la-chevelure-flottante-tandis-qu'une-énorme-tête-de-chien-lèche-le-visage-d'un-roi-hilare-etc. Et lorsque, enfin, cesse cette boulimie picturale et mentale, l'œuvre est là, attestant que le monde de Christelle Link est cette multitude de mondes à la fois, esthétiquement protéiforme et un tantinet ludique ; témoignage d'une gestuelle obsessionnelle, d'un amalgame de vive imagination, de raison et de féerie, de sagesse et d'émerveillement, de couleur et d'harmonie.

          Car, si à première vue, le travail de Christelle Link peut sembler abusivement surabondant, se dégage bientôt dans les multiples enchevêtrements et les profondeurs de ce maelström, une composition récurrente : jamais complètement au centre, toujours un peu déjeté sur la gauche, l'élément "principal" (celui de l'avant-plan) : une grande tête avec un gros œil, une tête de clown, une tête jaune aux gros yeux et dont la chevelure a l'air d'être en flammes, un visage aux cils immenses, dénué de cerveau, etc. Et autour de cet élément, sont disposés de façon faussement aléatoire, tous les éléments qui le mettent en valeur : des fleurs volubiles qui envahissent les lieux qu’elles sont censées orner, tous les éléments évoqués plus haut. Ces composants peints sans proportions et sans perspective, mais l'artiste possède intuitivement la capacité de créer, à partir de ces disproportions répétitives, une sorte de “respiration” équilibrée, et subséquemment une grande harmonie. Ces déséquilibres pourraient bien, en fin de compte, être les éléments essentiels qui constituent l’originalité de cette créatrice, et rendent ses œuvres immédiatement reconnaissables.

 

Des œuvres sereines, possédant une évidence tranquille ! Une histoire en teintes douces, ou au contraire très vives, pour lesquelles, là encore, Christelle Link possède un véritable instinct et il faut saluer son talent de coloriste : jamais de noirs, sauf à faire ressortir un autre ton ; mais beaucoup de bleus, et toute la gamme possible des autres couleurs, générant la luminosité de l’ensemble. Des “images” calmes, reposantes, voire oniriques comme si l'artiste ne distinguait plus le réel de la fantasmagorie. Il faudrait suivre (en s’amusant de la connotation ludique de telles non-logiques) l’enchaînement de chaque tableau, pour y voir avec quel bonheur les éléments les plus hétérogènes y sont réunis ; comment tout est lié.  

          Car là, commence la “vie peinte” de cette créatrice ! Un monde sans angles droits, tout en courbes comme une sarabande, où tout s’enchaîne en lignes souples, involutées. Une œuvre originale, poétique et jubilatoire, qui émoustille l’imaginaire et fait rêver le spectateur.

Jeanine RIVAIS

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JÉSA :

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS " JEZA, STREET-ARTISTE ET TANT D'AUTRES POSSIBLES" : FESTIVALS, http://jeaninerivais.jimdo.com/ VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020

 

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         Et d'abord, qu'est-ce qui a pu donner à Marcoleptique l'envie de se choisir un tel pseudonyme ? Gravement, le visiteur se demande si cet artiste serait "narcoleptique", c'est-à-dire atteint de cette maladie du sommeil baptisée "narcolepsie" ? Apparemment, il n'en est rien, et il s'agit seulement d'une fantaisie. Pour peu qu'il s'appelle Marc ou Marco, l'humour et le sens de la dérision aidant, le changement d'une consonne a dû se faire facilement ! Et puis, en venant un jour à la peinture, le voilà plongé dans une boulimie sacrilège au détriment de livres, cartes, sans respect ni pour les uns qui d'habitude sont gardés avec révérence dans les bibliothèques ; ni pour les autres qui sont parfois très anciennes, puisque certaines (à en juger par ses titres), remontent au Moyen-âge ! Ajoutons qu'instinctivement, il aime les couleurs vives, et il se retrouve l'auteur d'une œuvre au premier regard gaie, attrayante, provocante en tout cas ! 

     Attrayante ? Certes, car le visiteur a plaisir à découvrir ce que l'imagination fertile de Marcoleptique peut "voir" dans, ou tirer d'une carte ! 

     Provocante ? Oui, du fait de l'expression inattendue de l'œuvre entière, de l'illusion qu'elle crée. 

           Gaie ? Pas aussi évident ! Car qu'y a-t-il de drôle dans une bruyante querelle entre deux barbons hurlant de la Grèce à la Turquie ? Est-ce drôle de voir trois énormes bouches aux dents bien apparentes prêtes à mordre, avec des yeux exorbités, menaçant l'une l'Europe occidentale, l'autre la Russie, la troisième l'Arabie, manifestant leur colère sur la quasi-totalité du monde, en fait ? Bien sûr, il y a ce couple d'amoureux qui se bécotent au fond de la mer Méditerranée ! Mais ils sont vieux tous les deux ; et ils sont surveillés depuis la Grèce, par un dieu de l'Antiquité, ce qui ne les rajeunit pas !!! Et puis, quel est ce monstre au corps tout gondolé, agrippant l'Allemagne au-dessus de Munich, de ses trois pattes à trois doigts, sa main assurant l'équilibre de sa tête au bout d'un cou surallongé tentant de toucher le sol ? Et encore, que veulent découvrir toutes ces têtes aux gros yeux sortant de chaque repli terrestre à travers le monde entier ? Etc.

          Le visiteur pourrait décidément prendre une à une chaque peinture de l'artiste, et convenir que sa première impression était complètement erronée ! Constater qu'à passer d'une carte à l'autre, et elles sont nombreuses, il devient évident que la notion de gaieté ne résiste pas à l'examen approfondi de chaque œuvre. D'autant qu'apparaît alors un sentiment de surprise, presque de malaise, quand il s'aperçoit qu'il n'y a rien de fortuit dans ces représentations : qu'elles occupent en fait, des régions du monde, en guerre, à tout le moins ennemies. Et les créations de Marcoleptique deviennent alors des œuvres militantes, pour ne pas dire politiques ! 

 

          Mais, au fait, comment fait-il pour tirer ainsi de ses cartes, des monstres aussi divers, des histoires apparemment si disparates, mais revenant toujours au même point ? Il semble bien qu'il lui faille être en harmonie avec chaque carte, que telle géographie lui soit absolument évidente, en somme lui saute aux yeux ! Alors seulement, il va placer un groupe, une scène, un être unique… exorbiter ici les yeux, faire hurler la bouche, écheveler les tignasses, là, caresser les calvities, etc. Et puis relier les points pour que la main du monstre soit sur le point d'attraper la jambe de la souris qui court sur l'Indonésie, sa poupée à la main ; que l'"Insulaire" d'Amérique Centrale se remette de l'émotion d'avoir rencontré le monstre sorti du lac du Venezuela.  Que le cochon europasiatique soit en train de fouir dans la bouche grande ouverte de l'Afrique enturbannée… Tout cela si naturel que le visiteur déjà évoqué se demande si c'est le monstre qui a envahi et colonisé la géographie ? Ou la géographie gloutonne qui a aspiré le monstre ? 

 

          Quoi qu'il en soit, la création de Marcoleptique est inattendue, sensible et talentueuse, passionnée assurément ! Sa vision personnelle est finalement pessimiste ; même s'il faut beaucoup d'humour pour mettre sur pied un tel hors-monde ! Depuis que l'idée farfelue de refaire cette planète tellement fantasmagorique lui est venue, il joue les naturalistes tout en restant étranger au réalisme ! Ainsi fait-il surgir son propre univers à partir de rêves, de souvenirs, de poésies ou d'idées mythiques peut-être, qu'il transpose sur ses cartes. Il pourrait, lui qui se définit comme "déstructuraliste figuratif" admettre que ses destructuralisations sont autant de reconstructions, et tout simplement, comme se définissait naguère Gustave Moreau, se considérer comme "un ouvrier assembleur de rêves" grâce à sa peinture aux détails empreints de mystères, de passions et de symboles.

Jeanine RIVAIS

 

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RENÉ MATHIEU  : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS : 6e BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2018

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REVES D'AILLEURS : 

CLAIRE TEMPORAL : 

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ :    FESTIVALS BANNE 2013.

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS " CLAIRE TEMPORAL OU L'ART D'ACCOMMODER MILLE PETITS RIENS" : FESTIVALS, VIIe BIENNALE des Z'ARTS SINGULIERS ET INNOVANTS DE SAINT-ETIENNE 2020.

 

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GALERIE MINES D'ARTS : 

 

EVA MIFSUD 

 

EVA MIFSUD EN QUETE DE L'HOMME

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          Attentive à ne pas tomber dans l'académisme, Eva Mifsud s’exprime en une figuration très libre, jamais réaliste... Elle a su se dégager des recherches protéiformes de ses prédécesseurs concernés par les mêmes quêtes picturales qu'elle ; et trouver sa ligne personnelle. 

          Et, à l’évidence lui convient cette formulation sans entraves, où s’exprime pleinement son talent : Peignant dans toutes les nuances de bleus, les gris/violine et les ocres, créant des jeux de lumières aux subtiles compositions, elle obtient des couleurs vives ou sombres, de la plus grande harmonie. Lesquelles rejoignent et conditionnent la structure du tableau. Car désormais, le "sujet" est installé, l'imaginaire cheminant de concert avec la réalité.

          L’ensemble est statique, immobile et solide, structuré, équilibré, immuable dans son esprit. La composition semble, en effet, la préoccupation principale d'Eva Mifsud : Peut-être, par goût viscéral pour les lieux parfaitement ordonnancés ? Peut-être à cause de réminiscences inconscientes d’exigences apparues d'œuvre en œuvre ? Ainsi choisit-elle de façon récurrente, quasi-obsessionnelle, le thème de l'humain. Auquel elle a donné tant d'importance qu'il occupe la totalité de l'espace, ne laissant qu'une place infinitésimale au fond, sauf quand il est nécessaire, comme le tableau où l'homme essaie de grimper dans un tronc d'arbre tandis que s'approche dangereusement un dinosaure dont la tête le touche presque. Ou celui où la femme au corps tendu à l'extrême, essaie d'affronter les vagues. Ou encore celui où un visage observe un tas d'animalcules sans doute malodorants, à en juger par son air dégoûté ! 

          L'un après l'autre, les individus se succèdent avec une belle unité, et une richesse formelle remarquable. Ici, l'un, les deux bras serrés autour de son visage apeuré, se trouve en une position gymnique si spectaculaire que ses genoux sont à hauteur de sa tête. Mais souvent, ils sont représentés à mi-corps. Là, un autre semble perdu dans son obsession dont l'évidence apparaît dans son crâne chauve, sous l'aspect d'un visage de femme. Ailleurs, un prisonnier, peut-être, regarde avec nostalgie à travers une grille. Tous sont nus et chauves. Et ils ont des visages d'hommes, aux joues hâves et ridées, aux yeux éteints ou au contraire exorbités, mais tous ont des seins proéminents, ce qui ne manque pas de laisser le visiteur dubitatif !! Nus, sans pour autant qu'ils génèrent le moindre érotisme. Car ceci ne semble pas le propos d'Eva Mifsud. En fait, tous suggèrent une peur intense, une grande tristesse, un grand désarroi ! 

          Ces thèmes graves se croisent, se heurtent parfois ou se complètent dans les œuvres de l’artiste avec une belle fréquence, une continuité, un mouvement progressif, un long travail de gestation à la fois des individus et du tableau ; où se sent la complicité entre le "faire" et le "dit" ; entre la main et le cœur de l’artiste. Ces choix lui garantissant qu'aucune agressivité, aucune violence ne se dégageront de ses œuvres. Pourtant, il n'y a rien de réaliste ni d’ethnologique, dans ces tableaux. Ni d'ailleurs de contexte susceptible d’introduire une indication de temps ou de lieu : des êtres, hors du temps, hors des lieux habituels de vie, hors de toutes modes. En des situations à partir desquelles le spectateur peut épiloguer, continuer l’histoire, décider subjectivement de la suite possible, même si la connotation narrative n’apparaît pas à l’évidence.

 

          Personnages intemporels, donc, à la fois fantasmes et obsessions d’une sombre réalité reflétant peut-être les états d’âme ou les angoisses de l’artiste ? Tout ce petit monde est réalisé en couleurs paradoxalement sombres, mais un long travail de gestation leur confère brillances et nuances, comme il est dit plus haut, avec la conscience que les couches successives disparaîtront pour l’œil, mais que leur présence sous-jacente permettra à l’artiste de les faire vibrer. 

          Tout se passe, finalement, comme si Eva Mifsud, en posant sur la toile ses créatures privées de cadre de vie, réfléchissait avec philosophie, jouait de ses questionnements ; explorait son monde intime avec son œuvre originale, conviviale, curieuse, interrogative et exploratoire, conçue à l’image de la vie, dans cette zone d’ombre un peu mythique, entre deux états aux frontières mal définies, de la condition humaine !

Jeanine RIVAIS

 

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LE PETIT HELDER : 

 

MOKO VEY, NATURE, PAYSAGES ET HUMAINS

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          Moko Vey est-il sous influence lorsqu'il peint ses champignons hallucinogènes ; qu'il les peaufine chapeau bien droit sur fine tige, l'anneau bien évidence ; et les multiplie à l'infini du tableau, suggérant au lecteur que rien ne lui manquera jamais pour nourrir ses fantasmes !?

          Il semble bien qu'il ne s'agisse là que d'un passage, vu qu'il aborde au gré de sa fantaisie, le thème des végétaux avec de magnifiques nénuphars quasi-réalistes, dans une belle palette de couleurs. 

          Mais il se fait aussi naturaliste, et met en liberté des animaux sauvages, souvent capturés et enfermés dans des zoos. Et c'est alors un éléphant, fonçant trompe baissée entre ses immenses défenses. Ou bien, c'est peut-être un grand koudou avec ses longues et multiples cornes, broutant tranquillement dans la savane, tandis que des pique-bœufs lui picorent le dos !!

          D'autres fois, il en vient à l'homme, qu'il coiffe généralement de drôles de bonnets, qu'il dote d'yeux pétillants de curiosité ou d'humour, soit qu'ils se retrouvent devant des éléments de bande dessinée, ou qu'ils fument une cigarette (façon Gainsbourg) en se grattant le nez ! 

          Mais d'autres fois encore, il se lance dans la gravure sur pierre et propose à son visiteur des leçons d'anatomie du cochon, du poisson, voire de la baleine…

        Ajoutons des dessins humoristiques traités en traits noirs très fins, et peut-être aurons-nous fait le tour des talents tellement divers de Moko Vey, sa façon d'explorer toutes les possibilités artistiques, les becqueter un moment, puis passer à la suivante ! A moins qu'il ne les mène de front ? Comment savoir ? 

Jeanine RIVAIS

 

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LES MOYENS DU BORD : 

JACQUES SOULIÉ : 

 

VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS "LA COMPLAINTE DU PAUVRE JACQUES" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ ART CONTEMPORAIN.

 

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GALERIE L'ECHAUGUETTE ROCHETAILLEE : 

COLLECTIF ARTISTES INDEPENDANTS FOREZIENS

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Chaque année la galerie L'Echauguette offre ses cimaises à plusieurs peintres. Cette année encore, il en est allé ainsi. Sauf que le Collectif qui exposait là n'avait vraiment rien à voir avec la Biennale des Arts singuliers et innovants ! Que les œuvres proposées relevaient plutôt des apprentissages que de créations d'artistes aguerris. Et que les thèmes évoqués (paysages, de jour, de nuit, l'été, sous la neige…et les incontournables tournesols !) n'avaient vraiment rien d'innovant. 

 

Deux artistes seulement tiraient leur épingle du jeu :

 JEAN-FRANCOIS BAZZARA et ses sculptures très classiques mais de belle facture. 

 

          Et surtout

LES PEINTURES SURREALISANTES DE CHRISTIAN KOUYOUMDJIAN

dit NOUCHE dont les peintures érotiques surréalisantes auraient mérité meilleur entourage. Cet artiste qui, modestement, se dit peintre du dimanche et… sous une forme humoristique peintre des autres jours aborde de façon récurrente sa conception de la femme. 

      Car, telle une obsession ou une fantasmagorie qui le poursuivrait, la femme nue semble bien être l'unique sujet de ses peintures. Non pas la femme à la mode, mince et sans seins, mais la femme de naguère, bien en chair, avec des rondeurs, des cuisses solides, des seins volumineux. ! Et puis, comme il n'est pas bégueule, le Mont de Vénus est toujours poilu, mais c'est là qu'il crée un paradoxe, car ce n'est pas "La Naissance du Monde" qu'il propose, mais bel et bien un sexe masculin au repos absolu ! Ou bien, il peint une scène orgiaque de couples enlacés sur un entassement de copulations, et alors, tout soudain, il a des pudeurs de fille en fleur, pose une feuille stratégique sur le bas-ventre et lève des bras croisés pour cacher les seins ! Mais il place aussi la femme attachée pieds et poings liés, tout son corps tendu vers l'avant, tentant de se libérer de son rocher, ou d'une meule géante ? Qu'importe, elle est en grand danger, d'autant que les poissons qui flottent autour d'elle et les détritus entassés au sol, laissent penser qu'elle pourrait être au fond de l'eau ! Par contre, elle peut disparaître sous les fleurs, faisant de jolis rêves charnels où une tête masculine est posée au-dessus de sa chevelure, surmontée d'une main protectrice et…d'un énorme phallus ! 

          A ce jeu, quelle peut être la finalité ?   Entre la femme exposée nue et la femme dont certains éléments sont cachés, quelle est la relation ? Et quelle subjectivité forcenée lui fait dissimuler tel sein, remplacer tel sexe ? A moins qu'il ne s'agisse de l'inverse : Envisager des réactions pudibondes étant impensable -le reste de l'œuvre en témoigne-, se peut-il qu'il veuille prouver que le cache ne supprime en rien l'érotisme, qu'au contraire il le sublime !? S'agit-il encore de procéder par rébellion, détruire la parfaite unité, et créer un dualisme ? Entre humour et érotisme, s'agit-il enfin de renouveler à sa manière la définition de la provocation ? 

          Quoi qu'il en soit, Christian Kouyoumdjian est l'auteur de très belles œuvres évitant toute vulgarité, proposant un travail original plein de folie, une vision de la femme un peu rétro, décalée, qui sort du cliché habituel. Des images qui touchent, parce qu'elles ont toujours un lien avec la vie.

Jeanine RIVAIS

 

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ATELIER RENC'ART :

 

ADRIEN CACHEUX

 

 LES STATUES MASCULINES FAÇON ANTIQUES D'ADRIEN CACHEUX

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          Pourquoi certains artistes dont les noms ont survécu à des millénaires, ont-ils presque toujours sculpté des hommes, nus qui plus est ? Le visiteur, face aux œuvres d'Adrien Cacheux, cherche quelques réponses à cette question : Est-ce parce que la nudité renvoie à l'intemporel, donc qu'elle n'obéit à aucun code de mode, de temps, de géographie… Parce que les corps réalisés sont idéalisés : en fait les personnages ne sont pas des personnes, mais des allégories qui véhiculent des idées, des concepts dans lesquels la question de la nudité ne se pose pas. Enfin, parce que c'est une façon d'outrepasser des tabous, la seule occasion de montrer des corps nus qui ne sont pas autorisés ailleurs ?!

          Et pourquoi l'homme ? Il semble bien qu'Adrien Cacheux, travaillant la terre, soit absolument concerné par ces raisons lui qui, sachant qu'il n'y a pas vraiment de remords possible, part du plein, attaque la matière d'un geste définitif pour donner corps à la forme vers laquelle il tend. Que ce qui le guide, c'est à la fois l'idée de satisfaire à l'exigence du matériau et de le dominer en le pétrissant, voir ce qui est "en trop", et savoir le retirer : En somme, tirer de ce pain de terre anonyme, la sculpture enfouie dans son esprit et dans son cœur. 

          Le résultat est un nombre d'œuvres en terre, à la fois très différentes et finalement toujours la même. Car Adrien Cacheux est un céramiste qui aime jouer des contrastes entre terres brutes, brillances et matités. Des œuvres conçues à l'évidence sans modèle, avec la volonté de s'affranchir du réalisme, tout en en restant très proche, travaillant à l'instinct, au ressenti, à l'impatience de savoir ce que va devenir le modèle en gestation. Et puis, animé d'une grande sincérité, il est l’auteur d’une œuvre très personnelle ; où la profondeur va de pair avec l’esthétique ; où il est non moins évident que son approche figurative explore le corps humain dans tous ses états ; qu'il en affectionne la figure hiératique, lui qui a sauvegardé une facture un peu archaïque, rappelant la simplicité des formes et des postures souvent symboliques des sculptures antiques.

          Evident aussi qu'il progresse en multipliant dans ses personnages, les aléas des membres, des corps, des têtes. Ainsi, l'homme d'Adrien Cacheux se retrouve-t-il tassé sur un tronc d'arbre, genoux à hauteur du visage ; le corps replié sur lui-même en une courbe gracieuse, fesses à l'avant-plan ; déjeté sur le côté droit ; assis en ciseaux sur le sol ; grimpé sur le dos d'un autre individu ; tassés, minuscules, visage en panique, entre les bras d'un colosse… Jamais en réelle extension. Des hommes arrêtés sur un geste, une attitude plutôt, mais le plus souvent en des postures très gymniques ! 

          Tout cela, après un long travail de l'artiste pour sculpter chaque corps, de façon à montrer la tension des bras qui ont saisi les pieds ; le retrait arrière du cou pour permettre au visage de regarder droit devant lui ; la saillie des muscles des bras sur lesquels s'appuie le corps ; celle des muscles des bras encore, repliés pour que la main s'appuie sur la nuque. Tous cela dans la plus parfaite discrétion, pour que "muscle" ne signifie pas "biscoto" ; que chaque mouvement s'enchaîne parfaitement avec le précédent, et prépare le suivant. 

 

          Ainsi, tous ces personnages laissent-ils apparaître la passion d'Adrien Cacheux, ses sentiments mélangés de gravité, d'érotisme peut-être, d'une pointe d'humour parfois. Chaque fois, il sait rendre telle position, jouer des contrastes entre la dureté des visages ou des expressions corporelles ; la raideur des uns ; la rêverie peut-être, chez les autres, etc. 

      Finalement, quelle que soit leur formulation, sculptures de terre rouge, de grès, de terre blanche ou noire, simples ou sophistiquées, ces œuvres sont, par leur totale adéquation entre réalité et fantasmagorie, porteuses d’un message intemporel d’une puissante poésie.

Jeanine RIVAIS

 

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GALERIE CENTRE SOCIAL DU BABET

CHARLOTTE LIMONNE

 

LES PLANCHES BOTANIQUES DE CHARLOTTE LIMONNE

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"Dans un grain de sable voir le monde / Et dans chaque fleur des champs le paradis". (William Blake)

          Charlotte Limonne est sûrement une botaniste avertie puisque chacun de ses tableaux représente une plante. Qu'elle choisit à différents stades de leur développement : en gestation ou lors de leur plein développement.

          Mais pour les plantes en gestation, des glands apparemment, elle triche : Réalisés en terre traitée au raku peut-être, ou en feutre et laines, leur surface est anarchiquement perturbée, leur prépuce bruni comme brûlé, ou ridé, des taches blanchâtres suggérant des moisissures, des lambeaux de tissus suggérant des morceaux de cette peau qui se déliterait. Ils cessent d'être étude botanique pour devenir recherche plastique ! Et, comble de l'illusion, leur germe d'habitude si fragile est constitué de cors de cerfs sans doute glanés au cours des pérégrinations de l'artiste ? Voilà donc la botaniste devenue sculptrice, jouant sur les apparences ! 

 

          Par contre, botaniste, elle le reste pour les plantes devenues adultes, aux belles feuilles vertes, aux fleurs délicatement reproduites. Présentées, en somme à la manière des grands albums célèbres, avec le nom de la plante et la famille à laquelle elle appartient ! Célébrant ainsi à sa manière, la flore de la région où elle habite, tantôt discrète, tantôt exubérante. Unissant l'artistique à la science. 

          Une création originale et inattendue.

Jeanine RIVAIS

 

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LA MEDIATHEQUE LOUIS ARAGON FIRMINY

 

LE COLLECTIF ARTUX

LES SALES GUEULES D'ARTUX

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Décidément, la banlieue de Saint-Etienne regorge d'associations très singulières et innovantes. Et La Biennale qui revendique ces deux adjectifs et a, une fois encore, pendant un mois, éveillé la ville aux arts marginaux, a su les dénicher.

          La preuve en est, ce COLLECTIF ARTUX qui se définit par "nous", sans nommer aucun de ses adhérents et qui, ayant choisi comme thème "L'Arbre", s'est lancé dans une grande exposition d'une vingtaine d'entre eux, sans oublier les autoportraits de ce fameux "nous". Pas de noms, mais des têtes, en somme, ou plutôt des "sales gueules", comme ils l'affirment ! Et le moins que puisse dire le visiteur, c'est qu'ils ne se sont pas flattés !! Et que leurs choix picturaux ne sont pas roses, non plus. D'autant qu'ils ne sont exécutés en relief qu'avec des matériaux grossiers, difficiles à maîtriser. Finalement, plusieurs aspects sont étonnants, dans cette décision qui se veut "Symbole écologique" :

          Ceux que l'on nomme "les écolos" ne veulent-ils pas ne voir QUE du VERT autour d'eux ? Or, à Firminy, l'écologie se détermine en brun, ocre toutes nuances, ou gris foncé. 

          Sur toutes les œuvres sauf une où l'arbre est accompagné de plusieurs autres, échevelés au milieu des rocailles, un seul arbre a réussi à se développer.

          Tous ces arbres ont "grandi" sur un même tas de pierrailles, sans un brin de terre, sans une herbe.

          Tous les arbres sont déjetés par un fort vent et aucun ne porte, désormais, la moindre feuille ! Résultat, ils sont tous tordus, certains plus que d'autres qui sont même torsadés.

          Une partie de ces arbres "vit" dans une atmosphère légèrement plus claire que leurs branches ; mais la plupart sont ton sur ton sombre ! Dans l'esprit futur d'Artux, la pauvre terre vivra dans une atmosphère ocre brun ! 

 

          C'est donc une vision désespérée qui anime ce "nous" d'Artux ! C'est en tout cas l'effet que produit cette litanie d'arbres placés côte à côte ! Il reste, pour ce visiteur, à espérer qu'ils se trompent, que longtemps encore, les arbres seront verts. Et à respirer une grande goulée d'air sous le ciel bleu, à la sortie ! 

Jeanine RIVAIS

 

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ENSEIS FIRMINY ET ADAPEI SAINT-PAUL EN JAREZ (LE JAREZIO, LA MAPHA)

DEUX LIEUX HAUTEMENT QUALIFIES EN ART-THERAPIE

 

 

            L'Enseis et L'Adapei sont deux centres des environs de Saint-Etienne, jusqu'où la VIIIe Biennale des Arts singuliers et innovants étendait ses tentacules. Ce sont deux centres préoccupés par le handicap : Celui de Firminy a pour but de former des éducateurs ; celui de Saint-Paul en Jarez, de prendre en compte ce qu'ils ont étudié, compte de nombreux résidents auxquels ils assurent un mieux-être en pratiquant avec eux l'Art-thérapie.  

          A propos de cette collaboration, Louis Molle président de la Biennale, écrivait : 

"Dans l'univers particulièrement vaste de l'"Art" et principalement dans celui de l'"Art singulier", il est des acteurs qui ne se contentent pas de s'exprimer au moyen des acquis techniques en usage, mais partent vers d'autres horizons à la recherche de nouvelles aventures. Cette démarche fait sens et nous intéresse. 

Du Musée à l'Hôpital en passant par d'autres lieux atypiques, nous avons fait le choix de promouvoir l'"Art brut", l'"Art singulier" et toutes formes d'"Art innovant" particulièrement communicatives. Nous revendiquons notre utilité sous la forme de catalyseur de lien social dont l'Art est un moteur reconnu.

Nous travaillons au plus près de l'humain avec des artistes connus, mais tendons la main à nombre d'entre eux non médiatisés, à la découverte de pépites méconnues y compris dans l'univers de créateurs ayant des difficultés relationnelles. Sérieuse, sombre parfois, le plus souvent drôle et impertinente, cette manifestation est portée par un esprit d'échange et de partage. Gardienne de nos différences, elle se doit de parler à tous et de n'exclure personne". Louis MOLLE

Ces deux lieux habitués à travailler ensemble et à se compléter, proposaient un fort sympathique finissage au cours duquel une double exposition présentait d'une part un ensemble de sculptures de récupération et des faïences généralement dans des jolis bleus, avec de fines décorations. Et l'imaginaire de certains auraient pu laisser rêveurs bien des créateurs situés dans l'officialité ! Beaucoup d'émotion était patente, à regarder l'une après l'autre ces petites créations.

Dans une autre salle étaient les œuvres de l'Adapei, peintures cette fois. Presque toutes de format carré dont chacun sait qu'il n'est pas très facile à "remplir" ; ou léger rectangle. Rares étaient les œuvres qui auraient pu représenter une scène humaine, ou même un paysage. Mais ces compositions formelles étaient d'une richesse, d'un imaginaire remarquable, d'une touffeur surprenante ne laissant découvert aucun espace ! Et quelle richesse de nuances ! A croire que tous ces peintres sont des coloristes nés !  

          A visiter certaines expositions dites "d'Art-thérapie", la proximité des œuvres fait que le visiteur se demande quel est l'espace de liberté laissé aux patients ! Rien de tel ici, où la grande variété des compositions, des combinaisons de couleurs, ne laissait aucun doute sur le fait qu'il s'agissait bien d'œuvres authentiques, personnelles et originales ! 

Un grand bravo à ces associations, et nul doute qu'un tel travail soit bénéfique aux résidents qui l'ont offert aux yeux des invités. 

Jeanine RIVAIS

 

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ESPACE ARSENE UNIEUX

JOHANNE JOE

 

L'IMAGINAIRE A L'INFINI DE JOHANNE JOE

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Bien que détestant le franglais, chacun peut affirmer que Johanne Joe "a un look d'enfer" ! Grande, la silhouette encore jeune, elle est mince au point d'en paraître étique ! Et toute vêtue de noir ! Cheveux blancs coupés courts. Mains aux longs doigts. Grosses lunettes.

Pourquoi décrire le physique de cette artiste ? Parce que, austère, il est l'exact contrepoint de l'exubérance de son œuvre ! Totalement autodidacte, elle a commencé très jeune à exprimer ses "dits" complètement libérés de tout souci de techniques ou de conventions ; et semble incapable de s’arrêter. A en juger par les listes couvrant plusieurs pages de titres d'œuvres, elle a couvert (couvre), en des dimensions parfois spectaculaires, des milliers de supports de toutes sortes, de la toile au papier, de la bombe vide à la terre, etc. ! Et désormais, se pose la question : Comment définir ses œuvres, sinon comme les “écritures” picturales fantasmatiques d’une “auteure” traduisant des rêves sur des thèmes aux formulations variables, mais tournant autour de l’homme, avec détails obsessionnels récurrents ?

          Dans les œuvres de Johanne Joe, ce ne sont pas les lignes qui comptent, même si elles sont multiples ! Elles ne font que délimiter des espaces. Et ce qui est remarquable, c'est leur continuité, leur finesse et leur régularité incroyable, de sorte qu'elles canalisent les couleurs. A ceci près que les couleurs sont plutôt des nuances qui s'enchevêtrent, s'autorisent à dépasser toutes limites, chevauchent les frontières, vivent en plusieurs lieux à la fois, contreviennent à tout ordonnancement préétabli. Elles servent ainsi de base évanescente à toutes sortes d’infimes caractères pictographiques qui modifient les connotations linéaires, génèrent des passages scripturaux si courants dans les créations singulières.

           "Passages" dans lesquels "nagent" des têtes de personnages humains linéarisés, des corps sans jambes, des bras et des mains sans corps, parfois à peine évoqués dans quelque coin ; d'autres fois au contraire très évidents, au nez et la bouche rouge vif ; etc. Aucun fil d’Ariane ne relie ces composants. Simplement, ils sont là, juxtaposés, autonomes, leur interdépendance psychologique naissant du seul besoin "physique" (géographique ?) de l’artiste d’équilibrer et d’emplir son tableau.

          Ailleurs, la géométrie est omniprésente, en lourds traits noirs alentour de la "scène", constituée de rouages à dents, manomètres, rectangles perforés… entre lesquels s'enchevêtrent de multiples formes, d'où est absente toute présence humaine.

           Ailleurs encore, ce sont justement les présences humaines qui couvrent le support, la plupart de profil linéarisé. Parfois, et c'est surprenant, présentant un demi-visage de face, l'autre moitié de côté générant en fait un deuxième visage greffé sur la moitié évoquée. Gros nez dans tous les cas, lèvres lippues. Tous ces êtres sont serrés, au point qu'aucune respiration n'existe dans cette œuvre !   

          Ailleurs, enfin, (en admettant que ce mot fasse partie du vocabulaire de l'artiste !), elle en vient à des têtes. Tantôt têtes en couple, auréolées façon saints d'église, des yeux et des nez flottant dans le nimbe ; chaque anatomie réalisée au moyen de têtes barbues, petits personnages entiers ou non, accolés… en somme le personnage dans le personnage dans… Tantôt, le visage est conçu en une expression qui frise le réalisme, longuement peaufiné, avec de multiples détails et de belles couleurs ocre foncé et rouges, couvert d'objets, mécaniques peut-être, (minuscules bras à roulettes, trépieds, angles, têtes de clous à ressorts, etc.),  le tout lové dans un entourage fait d'alvéoles comparables aux circonvolutions du cerveau. 

          Dans toutes ces variantes, chaque toile fourmille de subtiles vibrations, comme si Johanne Joe était impatiente d'"exprimer" son histoire, en une sorte d’explosion, d’élan heureux des couleurs ! Car, avant tout, cette artiste est une coloriste. Possédant un sens inné des teintes douces, qui lui fait associer des gris et des jaunes en des progressions chaleureuses ; des bruns patinés de terres ; des rouges mats. Tout cela joint au mouvement propre des personnages de la toile, car la peintre veille à ce que chacune soit "lisible" au premier regard !

 

          En somme, ces éléments, ces ajouts composent des tableaux exubérants qui jouent avec conscience et jusqu’à l’épuisement de l’hyper-séduction de leurs effets. C’est précisément la tension entre l’attraction de la pétillance et la saturation qui semble intéresser Johanne Joe. Car ses œuvres n'ont rien de simple ! Très indépendante, ancrée dans une volonté d'originalité et de sincérité, ses peintures ont le caractère obsessionnel de celles de l'art brut. Mais elles sont également proches de cette mouvance appelée depuis un demi-siècle la Figuration Libre. Et elle use sans limite de cette liberté, voyageant picturalement vers des sphères où règnent la plus grande fantasmagorie, le plus complet onirisme. Boulimique pourrait-on dire, picturalement et mentalement, comme prise de frénésie de remplir l'espace qu'elle sélectionne, d'exprimer ce qui bouillonne en elle, menant plusieurs "aventures" à la fois, passant de l'une à l'autre comme si l'histoire de l'une corroborait, affirmait, complétait… celle de l'autre qui au fond, est la même… Il reste que ces compositions polychromes sont un régal pour les yeux du visiteur, que son émotion est puissante et qu’immense est son respect pour le talent et la constance d’une telle création… 

Jeanine RIVAIS