Depuis combien de temps Kelly Beretta s'adonne-t-elle à sa passion qui consiste à créer des sculptures tantôt en les pétrissant de ses mains, en argile ; tantôt en faisant "du créatif avec du vieux", dévoyant des matériaux récupérés ; tantôt en mélangeant les deux, une façon de conjuguer imaginaire et détournements d'objets de leur fonction primitive, en une hybridation, une reconstruction tentant de leur insuffler une vie nouvelle ?

Vie nouvelle humanoïde, car il semble bien que l'humain soit son unique, à tout le moins sa principale préoccupation. Qui plus est, mis à part quelques taureaux ou moutons perdus ça et là, quelques individus à casquette, à bonnet de marin ou cheveux coupés ras attestant qu'ils sont masculins, les autres sont toutes féminines. 

        Mais, masculins ou féminines, tous ont des anatomies bien étranges : Ne parlons pas des têtes qui se promènent, seules, sur les étagères ; mais des handicaps qui touchent certains et certaines des protagonistes : Les uns ont des bras, mais pas de jambes et les bras sont toujours disparates parfois tronqués ! D'autres sont entières, mais avec des jambes sans pliures et fildefériques ! 

Ces femmes "entières" sont éminemment élégantes : jupes à volants, corsages ajustés, petits bonnets pimpants coquinement penchés, chapeaux à plumes… alors, pourquoi pousser la méchanceté (?) l'humour (?)  jusqu'à détruire toute cette coquetterie par les affreux godillots qu'elles doivent traîner !?

Subséquemment, se pose la question de savoir ce que récupère Kelly Beretta ? Des cafetières en quantité, des blanches, des bleues à rayures, des rouges à pois… pour les bustes ; d'où la disparité des bras, l'un étant l'anse, l'autre le goulot !  Des boîtes à conserves pour les jupes-portefeuilles ; et surtout des moules à charlottes qui, renversés constiuent la majeure partie des vêtements féminins. Enfin, des formes et embauchoirs pour les infâmes grolles de ces petites coquettes ! D'autres choses, sans doute, qui n'apparaissent pas au premier regard ? 

Car, malgré la réitération évidente des "modèles" féminins, Kelly Beretta fait preuve d'un imaginaire surprenant : ses matériaux de récupération sont puisés dans des réminiscences d'un passé artisanal et industriel pratiquement obsolète. Néanmoins, leur apparence "neuve" atteste que, contrairement à de nombreux récupérateurs, la notion d'usure témoignant du passage du temps ne fait pas partie de ses préoccupations. 

Ainsi, la créativité de cette artiste consiste-t-elle à conjuguer des techniques, pratiquer des détournements, réaliser des interprétations de la réalité, proposer des hybridations qui deviennent SES nouvelles réalités. Portant sur tout cela un œil critique peut-être, ironique et humoristique assurément ! 

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".