LE COURTIL "FANTASQUE" DE VALERIE COUMES
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« Ce n’est pas l’imaginaire de l’artiste qui le rend obsessionnel (sinon nous serions tous des artistes) mais sa manière de nous en rendre complices. Le style, lui, est nécessairement obsessionnel car il est le résultat d’un long processus de répétitions et de recherches. (…) Gérard Garouste.
Le dictionnaire nous dit qu'un courtil était "un petit jardin attenant à une maison de paysan, généralement clos de haies ou de barrières. Près de la maison, dans les "courtils ou bordages", se trouvait l'endroit privilégié auquel on réservait les soins assidus, la bonne terre".
Réserver "la bonne terre", n'est-ce pas ce que fait Valérie Coumes lorsqu'elle im/plante ses personnages sur les minuscules "clos" que sont les disques vinyles qu'elle affectionne ? Mais lorsqu'elle qualifie ses petits espaces de "fantasques" -fantaisistes, farfelus, originaux-, n'use-t-elle pas d'une métonymie ? N'est-ce pas son esprit qui est fantasque et traduit ses fantasmagories dans ses œuvres ?
Quoi qu'il en soit, le spectateur peut s'interroger sur l'obsession du support circulaire pour toutes ses œuvres murales ! Voire pour celles en pied dont l'assise est également un cercle. Est-ce parce qu'elle est sensible à l'esthétique du cercle, à la pureté de ses contours ? Mais les débordements des personnages ou des fioritures qu'elle colle dessus, rompent fréquemment cette ligne ! Est-ce parce qu'elle est fascinée par les médaillons sculptés ou peints, fixés aux linteaux des bâtiments de naguère ? Est-ce parce que le cercle est le symbole de l'univers ? Mais ses univers seraient tellement restreints, presque des huis clos, qu'ils ressembleraient davantage à des objets votifs qu'à des créations fantasques !
D'ailleurs, est-il important que l'artiste précise qu'il s'agit de "disques vinyles" ? Cette affirmation la ramène vers les réminiscences d'un passé industriel totalement révolu ! N'importe quel cercle dans un matériau contemporain ne pourrait-il pas aussi bien convenir ? D'autant qu'elle triche, car ces disques sont couverts de peintures, papiers, etc. qui les dissimulent totalement ! Elle suit là une démarche "fantasque", au long de laquelle le visiteur ne peut pas forcément la suivre !
Heureusement, ce visiteur oublie très vite ces questions pour suivre les ornementations peintes se développant par mouvements d’arabesques, motifs enchevêtrés, lignes brisées, hachurées, points
en suspension, etc. Au sein desquels sont blotties les créatures de Valérie Coumes. Et c'est là que le mot "fantasque" prend tout son sens ! Car en fait, de ces créatures conçues dans des terres
diverses, ne sont visibles que les têtes, perpendiculaires aux supports, comme si tout le reste de leurs anatomies était enfoui "dans" le disque. Tête solitaire avec son fennec et sa main aux
doigts démesurés, perdue dans un enrubannement rose ouaté. Agglomérats de têtes de différentes ethnies, les unes rébarbatives, les autres hurlant, énigmatiques parfois, jamais souriantes.
Agrégats de têtes semblables à celles des gargouilles ou des grotesques du Moyen-âge ! Etalage, enfin, de l'anatomie détaillée d'un "occupant" qui, paradoxalement dans ce monde humanoïde, est un
oiseau (un corbeau, apparemment) à quatre membres, les membres postérieurs palmés ; pris dans un réseau de fines antennes articulées…
Ainsi, de questions en réponses, chacun peut-il constater que Valérie Coumes est l'auteure de créatures personnifiées, expressives ; d'êtres hybrides étranges malgré leur proximité avec les humains, qui méritent bien l'adjectif "fantasques". Mais, du fait qu'elle invente pour eux un langage et un univers onirique, ils mériteraient plutôt, assurément, celui de "fantasmagoriques" !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".