VICTORIA DENIM SOUS LES TROPIQUES

*****  

Qu'est-ce qui peut déterminer une personne à tout quitter, laisser derrière elle choses, lieux et gens avec lesquels elle est familière pour partir vers l'inconnu ? Un certain mal-être, peut-être ? La lassitude ? le goût de l'aventure ? Des images captées ici et là qui parlent de paysages flamboyants, de peuples "différents" ? Un peu tout cela à la fois ? 

Est-ce l'une de ces raisons qui a, un jour, poussé Victoria Denim à faire ses valises et partir, un temps en Afrique du Sud, d'où elle a rapporté de multiples portraits. Puis, nouveau départ, cette fois sous les Tropiques : La Réunion d'abord, cette terre de contrastes au relief accidenté et montagneux, sec par endroits, humide à d'autres, ses canyons, ses plages sauvages… qui ont créé un enchantement qu'elle a traduit par de nombreux tableaux : Têtes  linéarisées de blanc et fin surlignage noir, l'un un angelot collé à l'oreille, l'autre un oiseau…  Couple adorant un totem, entourés d'oiseaux au plumage multicolore, etc. La magie, déjà !  

Enfin, la Nouvelle-Calédonie ! Une cascade d'œuvres témoigne de l'inspiration qu'elle a trouvée là-bas ! Univers de plantes exotiques, lagons, femmes se baignant dans une eau bleue de rêve, au milieu de poissons de toutes les couleurs ! Découverte intime et profonde, axée, apparemment, sur la Terre féconde, la Terre/mère, la Vie imbriquée dans ces formes naturelles.

A  première vue, ces œuvres très exotiques, très colorées, ne semblent que décoratives. Mais une attention plus grande dévoile tout un monde psychologique qui gît, qui vit, qui s'envole. Du sorcier touillant sur le feu, son mélange magique d'où émergent des têtes de mort, tandis que des autochtones dansent alentour, aux pêcheurs autour desquels sautent des poissons… apparaît toute une symbolique de vie bucolique! 

MAIS, autour de la vieille femme apprenant à l'enfant ce qu'est le monde, tandis que des oiseaux volent autour d'elles, tournicotent des sorcières chevauchant leurs balais ; la fumée du sorcier emporte un flux de minuscules lutins que l'on appelle là-bas des moiken (¹). Ces ajouts intégrés parfaitement aux paysages témoignent que Victoria Denim a pénétré –du moins s'y est-elle puissamment intéressée- les croyances de ces quelque cent-vingt ethnies qui peuplent cette île ! Trouvé, peut-être dans toutes les traditions primitives, le lien qui les unit malgré leurs différences!? 

Ainsi, de tatouages en sculptures de bois, pierre, etc., de tableaux à l'infini résumant subjectivement  toutes les coutumes qu'elle a étudiées et sans doute partagées, il semble bien, à en juger par la façon dont ses peintures sont devenues témoignages de civilisation, que Victoria Denim se soit trouvé là-bas une symbolique toute personnelle. Symbolique d'une existence qui s'est libérée, épanouie. 

Pourtant, comme Matisse quittant la Polynésie, comme Gauguin et plus près de nous Jacques Brel abandonnant Hiva Oa, a-t-elle finalement trouvé quelque chose qui ressemble à la paix intérieure, ou à la régénération ? En tout cas, comblé un manque ?  Bien que nous conviant sur la toile à découvrir ses états d'âme, elle est seule à savoir si elle a changé profondément, et pourquoi elle est revenue ? 

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE". 

 (¹) "Moiken" : (prononcer moi-kène). Ce mot est introuvable sur Internet. Son orthographe reste donc incertaine.