PIERRE-YVAN DIDRY ET SES MÉTAMORPHOSES DE METAL

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Pierre-Yvan Didry est sculpteur. Peut-être, d'ailleurs, faudrait-il dire parfois "orfèvre". Ou même "aéro-modeleur", puisque son principal souci est de réaliser une parfaite harmonie entre ses œuvres et le vent. D'ailleurs, il semble bien que "modeleur" soit son appellation la plus adéquate, parce que comme le disait de lui-même Jean Dubuffet, cet artiste "ne crée rien, il fait art à partir du donné". 


Le "donné" chez Pierre-Yvan Didry, ce sont le métal et les gemmes. Son geste créateur va de la récupération peut-être, au façonnage du matériau, à sa métamorphose, jusqu'à la phase finale, qui consiste à transcender le résultat. Au cours de ces opérations, dont le point de départ est d’interroger des expressions de la vie qui courent dans son subconscient, le métal brut devient plaque fine ou fil malléable. 

Au moyen de ce fil, les formes qu’il crée partent d’un point central concentrant les "lumières" qui éclatent de toutes leurs nuances vers les limites de l'oeuvre, prêtes à en sortir, partir "vers" l’extérieur. Grand maître d’oeuvre par la géométrie, voire la symétrie, l'artiste lance des fils obliques, comme pour contrôler la matière, l’insérer dans une norme, l’ordonnancer dans son propre mouvement, lui insuffler sa force et sa discipline intérieure. Mais, pour rigides qu’ils soient, ces fils partent dans toutes les directions, confortant l’impression de composition ouverte des œuvres. Jusqu'au moment où la forme imaginée devient réalité. 

Intervient alors l'orfèvre taraudé par la genèse fine et précieuse de son monde. Il sertit dans les "bagues" pré-arrondies chantournées au long du "tricotage" des fils métalliques, mille perles, pierres, cheveux ou crins… répartit leurs concentrations de plus en plus loin du point originel. A ce stade, l’artiste est désormais en parfaite concordance avec ce petit morceau de chaos dans lequel il a installé une "vie".

           Puis, soit que sa propre faculté mentale éprouve le besoin de concrétiser des formes jusque-là à peine ébauchées, soit que son subconscient prenne le pas sur son intelligence et sa créativité, apparaissent enfin des têtes, des sortes de gerbes, des couronnes, pommeaux de cannes, chouettes ou faucons,  et… de surprenants insectes aux pattes et aux trompes démesurées, têtes de coléoptères sur-brodés et colorés, papillons, voire, plus inattendu encore, étrange fennec aux yeux perçants, à six ailes et quatre pattes Toutes ces œuvres sont conçues à échelle humaine, le spectateur devant se pencher peut-être où à peine lever la tête pour les appréhender dans leur entièreté. Sentant, toujours, le léger sifflement de l'air dans les interstices laissés par cette dentelle de métal qui, petit à petit a été composée.. 

 Parfois, pourtant, les créations de Pierre-Yvan Didry sont moins ciselées. Les plaques du départ sont devenues bandes fines qui éclosent, monumentales, en fleurs géantes, notes de musique, arches, stabiles ou mobiles. Le promeneur les appréhende alors comme intégrées à des paysages indépendants de l'artiste, des compositions arborées ou florales, constatant chaque fois combien les œuvres de métal font désormais sans hiatus, partie de leur environnement !  

Ainsi, l'imaginaire de l'artiste fuse-t-il de tous côtés, en tous sens. Il se cherche, se diversifie et se différencie d'une œuvre à l'autre, le fil de son aventure étant par définition indompté, où se mêlent hasard et volonté, vive lumière et vent léger. C'est par l'infinitude de ces créations que tout se mêle et se démêle chez ce créateur hors-normes. 

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".