"J'étais timide", dit-elle ! "Et rebelle" ! 

Abordant la cinquantaine, il y a maintenant longtemps que Véronique Dominici a vaincu sa timidité, tout en gardant, peut-être, son âme d'enfant ?! Et si la rébellion est toujours présente, elle est désormais constructive, et lui sert à extirper la beauté et la poésie d'un pain de terre qui, entre ses mains, devient un matériau sensoriel, à la fois résistant et se pliant à son désir. Tour à tour, la masse, le volume, la forme deviennent individu. Corps et visage vont se conjuguer pour exprimer des sentiments toujours au sommet de l'expression. 

Et puis, au fil des années, elle a glané ici et là, des objets abandonnés parce que plus aimés, et les a intégrés à ses éléments de terre. Dont ils déterminent le caractère, tout en devenant éléments de décoration : plumes, croix, chapeau, oripeaux… de la femme échevelée ; "petite robe noire" et fleurs de celle qui, spontanément, pourrait être Edith Piaf, mais implique sans doute un deuil ? Parfois, l'usage est plus "dérangeant", comme cette fourrure installée autour d'un coffre contenant une énorme patte d'oiseau aux serres puissantes, qui supporte trois cornes d'abondance terminées par des escargots ! 

Il faut dire que toute timidité semble bien évanouie. Et que, culture ou audace, cette oeuvre est souvent proche de créations surréalistes, surprenantes ou incongrues, telle cette tête ovine posée sur une couche ouatinée, aux côtés de ce qui peut être un moine… ? Et le spectateur se demande alors si Véronique Dominici a vu (et aimé) les films de Bunuel ou de Fellini ? 

Ces mélanges de "normalité" et d'"invraisemblance" sont d'autant plus surprenants que, pour elle, les formes naturelles jouent un rôle irréfutable dans ses personnages. Hyperréalistes, toujours. Même si, jambes serrées, ils sont tous posés sur un cercle qui figure, peut-être, une scène ? Laissant supposer que Véronique Dominici est chaque fois au théâtre ? 

Et c'est alors que le spectateur prend conscience du fait que les œuvres de cette artiste sont autant de témoignages de son angoisse existentielle et de sa volonté de traduire qu'en fait, c'est la vie qui, pour elle, est un théâtre tragique. D'où la réitération des personnages échevelés et en pleurs, d'individus cherchant refuge dans la religion, comme cette femme tête tournée, entourée de crucifix, éclairés de petites lampes comme pour un hommage encore plus profond ; cette autre femme couverte de tatouages ou de dentelles noires, coiffée d'une couronne virginale ; ou cette cape vide (l'Eglise ? ) au pied de laquelle une naine est en prière, entre un clown ironique et un cochon/ tirelire. Tant de symboles suggèrent que Véronique Dominici est paniquée face à la vie, et qu'ils l'aident à exprimer un répertoire complet de ses émotions, joie, tristesse, espoir, résignation… jamais révolte ou colère ! Même lorsqu'elle fait son autoportrait, elle chapeaute ses cheveux d'une sorte d'araignée mécanique dont l'une des pattes passe devant ses yeux ! En fait, seul le visage de son moine aux yeux clos est serein et la tête ovine devient peut-être agneau pascal, renforçant encore l'idée de soumission !? 

Plus ce spectateur pénètre dans l'œuvre de l'artiste, plus il se rend compte que sa vie est une longue affirmation qu'elle est dramatiquement concernée par le monde ! que son œuvre est sa façon de traduire son amour pour autrui, son impuissance à égayer la vie, à la rendre chaleureuse. Une sorte de message permanent, en somme !  

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUIN 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".