LES ASSEMBLAGES DE PAUL HERAIL
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Paul Hérail est-il un riverain de la mer ? Ses assemblages, en tout cas, sont essentiellement en bois d'épaves flottés glanés au cours de ses promenades, métaux divers, galets, cordes abandonnées sur les rivages…
Témoins de l'érosion produite par l'eau, le sable et les cailloux, ces matériaux ignorent les angles droits, et se retrouvent uniquement avec des bords arrondis. Conservant les veines du bois, Paul Hérail en supprime apparemment les accidents, car les corps sont toujours lisses. Ces corps sont pratiquement informels, cubes conservés dans leur entièreté ; et cela semble un truisme de dire qu’ils deviennent "corps" du fait qu'il a ajouté une tête au-dessus !
Tête qui, par ailleurs, peut être de lapin avec de longues oreilles, d'oiseau au bec pointu, mais aussi têtes penchées de couples enlacés par les cordages évoqués plus haut… Et, intervenant peu sur l'aspect originel du bois, Paul Hérail se retrouve parfois avec une branche, dont il fait un oiseau longiligne, très aérien, aux ailes de métal terminées par des éventails de papier, tandis que ce qui est supposément la queue porte ce qui ne peut être qu'un visage !
Ces personnages humanoïdes ou animaliers sont toujours présentés seuls, de sorte que si le passage du temps est évident sur les éléments constitutifs, il faut noter l’absence de toute indication géographique (ville, végétation…), sociale (vêtements, objets…). Et c’est logique : tous ces éléments généreraient des "narrations", des connotations réalistes ; les ramèneraient vers le quotidien, au lieu de les placer en des situations fictionnelles.
En somme, les créations de Paul Hérail témoignent d'un travail très technique, très conventionnel, très carré, très réglé. A partir de là, et quelles que soient les variantes générées par des décennies de recherche, il est finalement l'auteur d'un petit monde stylisé, d’apparence lourde et solide qu'il dispose aux quatre horizons ; d'une création tonique, épisodique et bon enfant.
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUILLET 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".