HERVE PHILIPPE ET SES DOUBLES

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Que sont, pour Hervé Philippe, les personnages dont il ne montre QUE les têtes ? Et qui, finalement, ne sont qu'un seul et même individu qu'il peint et peint encore, de façon récurrente ? un alter ego plus petit ? Un compagnon ? Un ange gardien, peut-être ? 

En tout cas, rarement délinéés ou limités par une infime ligne noire, placés face au spectateur, ils emplissent de teintes vives les espaces également très colorés entre les silhouettes ainsi campées. Car il ne les présente presque jamais seuls, mais plutôt par quatre, semblables sans être tout à fait des clones. Et, grâce à ce sens inné qu’il possède des complémentarités de couleurs, il fait joliment vibrer l’ensemble, génère une sensation de polychromie, alors qu’en fait, il n’use au plus que de trois couleurs ! Finalement, les œuvres proposent un aspect plein, c’est-à-dire sans dentelures, sans espaces intermédiaires autres que la ligne séparatrice. Monolithiques, ces visages ont plusieurs traits communs : le nez réduit à une ligne épaisse, plus ou moins oblique. Les yeux jaunes, à la pupille noire, qui regardent toujours vers le haut. Leurs cheveux qui sont noirs, parfois simplement posés sur la tête comme une perruque, d'autres fois encadrant strictement les joues. Ils sont sans cou, l'amorce d'épaules directement reliée à la tête. Et ils n'ont jamais d'oreilles ! Par contre, leur pommettes sont différenciées : quelquefois faites de deux traits parallèles, ou bien de petites taches florales ou géographies incertaines…

Se posent alors quelques questions : Pourquoi Hervé Philippe peint-il presque toujours des personnages masculins (ce qui renforce l'idée d'alter ego !) et très rarement un personnage féminin ?  

Pourquoi ne peint-il que des visages et jamais des corps ; comme si, seules, les expressions faciales l'intéressaient et que cette façon de focaliser sur les visages lui permettait de donner la vie à l’œuvre sans qu'il ait forcément besoin du mouvement des corps.

D'ailleurs, il procède de même lorsqu'il peint un animal, vache ou éléphant ! Seule la tête est présente sur la toile ! 


Que peut donc signifier, pour Hervé Philippe cette obsession des têtes sans corps ? Est-ce une façon d'affirmer son originalité en n'essayant jamais d’investir l’espace en scènes narratives ? Est-ce une manière de susciter avec chaque dessin une émotion telle que le spectateur n’a plus qu’à créer sa propre histoire à partir de l’évidence qui lui est proposée ? Par ce style tellement proche des "dits" de l'Art brut, est-ce un moyen pour lui de récuser le monde extérieur des adultes qui lui ferait peur ? Et en conservant cette facture si enfantine, réduite à sa plus simple expression, a-t-il la certitude de "retomber chaque fois en enfance", tout près de ces petits "êtres" qui le conforteraient ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN JUILLET 2015, APRES LE FESTIVAL DE MONTPELLIER, "SINGULIEREMENT VOTRE".