HOMMAGE A MICKAEL BETHE SELASSIE
1951-2020
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Mickael Bethe Sélassié nous a quittés le 5 décembre. Encore un ami et un artiste au talent infini qui quitte la scène !
Il était éthiopien, mais était venu habiter en France depuis ses vingt ans !
Je l'avais rencontré lors d'une de ses expositions, en 1996 et l'effet que m'avaient fait ses sculptures ne s'était jamais démenti lors des rares rencontres où nous avions pu parler de nouveau. C'est alors que j'avais écrit mon texte sur son travail.
CIRCUMNAVIGATIONS ET ETHNOLOGIE CHEZ MICHAËL BETHE-SELASSIE
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S’appuyant sur Beth qui signifie “maison”, et Sélassié “trinité”, Michaël Bethe-Sélassié joue sur les mots, emmène le visiteur vers son patrimoine ancestral, vers les nostalgies inhérentes à son déracinement, vers SA Maison de la Trinité, l’Abyssinie : ce nom aux sonorités mouillées, creuset en ses quatre points cardinaux du Christianisme, l’Animisme, l’Islam et le Judaïsme, voire un peu de paganisme romain, a bercé son enfance. Ses contradictions et ses complémentarités illustrent une démarche tournée vers ses racines, mais suffisamment intelligente et curieuse pour empiéter sur les autres cultures africaines et s’imprégner des savoirs occidentaux. Elles se retrouvent dans une œuvre puissante, folklorique au sens noble du terme, très profondément allocentrique !
Tout de même, avant de “migrer” vers des connotations étrangères, Michaël Bethe-Sélassié revient aux gestes artisanaux, ébauche une armature en baguettes de rotin, la renforce de métal grillagé ; et, à petits gestes immémoriaux de la main, recouvre cette infrastructure d’une multitude de copeaux de pommes de terre, d’agglomérats de cellulose mouillée ; oblitère peu à peu le “squelette” de cet “être” encore anonyme. Avec lui, l’artiste va cohabiter plusieurs jours, jusqu’à ce que la matière séchée tel un fruit lentement mûri, soit prête à être “personnalisée”.
Curieuses créations, d’ailleurs, mélanges de personnages plats sur montures en reliefs ; chars brinquebalant, véhiculant des auriges tournés vers l’arrière... Mais ces paradoxes ne sont qu’apparents, car une fois posée la “peau” colorée, l’élégance extrême générée par ce déséquilibre montre que si les deux éléments sont supposés appartenir à des schémas mentaux différents, ils ont en réalité été conçus “ensemble”.
Plus surprenants encore sont les autels, véritables cités aux multiples recoins au fond desquels se nichent des individus : car aucune œuvre de l’artiste ne présente un unique personnage. Même le moins élaboré devient une sorte d’ex-voto porteur de figurines dont chacune en génère une autre aux yeux grands ouverts sur la vie, aux jambes en relief, aux bras collés le long du corps, car “les hommes ont le droit de parcourir le monde, pas de le toucher” (¹). Toute une symbolique généalogique couvre, à la manière des portes de greniers d’Afrique Noire, les mégalithes multifaces de Bethe-Sélassié : en haut, le patriarche, majestueux et bienveillant, puis ses guerriers, etc. Tout du long, s’ouvrent des passages ombreux, car la coutume exige que le voyageur puisse “entrer par toutes les portes de la ville”.
Et les couleurs ! Broyées comme celles des peintures rupestres à partir de terres et de pierres, leurs polychromies confèrent aux œuvres la chaleur vibrante des tonalités rituelles, l’harmonie rythmique des rouges purpurins, des bleus des grands ciels éclatants, des ocres des terres assoiffées du désert...
Finalement, la remarquable unité de l’œuvre de Mickaël Bethe-Sélassié montre qu’à travers son africanité revendiquée, il est parfois en accord avec ses circumnavigations et ses explorations ethnologiques. Même les cromlechs colorés, les rois mages, les acrobates de cirques... qui, dans son esprit lui font faire un détour par les civilisations occidentales, le ramènent en fait aux palabres, aux danses, aux totems dispensant sur le village ancestral leur ombre tutélaire.
Jeanine RIVAIS
(¹) Michael Bethe-Selassie
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1996.
CIRCUMNAVIGATION AND ETHNOLOGY AT MICHAEL BETHE-SELASSIE'S
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Founded upon "Beth" which means "home", and "Selassie" "Trinity", Michael Bethe-Selassie plays on both words, takes the visitor along towards his ancestral inheritance, towards the nostalgias inherent to his being torn from his surroundings, towards HIS Trinity-Home, Abyssinia : that name with such wet sounds, a melting-pot in its four cardinal points for Christianity, Animism, Islam, Judaism, and even a little Romanian paganism, lulled his childhood. His contradictions and complementarities illustrate an approach turned towards his roots, but intelligent and curious enough to encroach on other African cultures and enjoy Western knowledge. They are to be found in a powerful artwork, folkloric in the best sense of the term, most profoundly allocratic.
All the same, before "migrating" towards foreign connotations, Michael Bethe-Selassie comes back to handcrafted gestures, sketches a frame of rattan-stick, enforces it with metal mesh. And, with small immemorial gestures of his hand, covers this infrastructure with a multitude of potato-chips, of wet cellulose agglomerates. By and by, he obliterates the "skeleton" of this still anonymous "being". This done, the artist is going to live with "him" for several days, until the material, dried like a slowly ripened fruit, is ready to be "personalized".
Curious creations, by the way, mixtures of flat characters on embossed steeds ; dangling chariots carting auriges turned backward… But these paradoxes are only apparent, because, once the "colored" skin is spread, the extreme elegance generated by this disequilibrium shows that, if these two elements are supposedly belonging to different mental schemes, they have in fact been conceived "together".
Still more surprising are the altars, genuine cities with numerous corners at which bottoms one can find nested characters : for, none of the artist's works presents a lone somebody. Even the least developed becomes a sort of votive offering, bearer of figurines ; each generating another one with its eyes wide open on life ; its legs embossed, its arms glued to its sides. For, "Men have a right to run around the world, not to touch it" (¹). A whole symbolical genealogy covers, like on Black African granary-doors, Bethe-Selassie's multifaceted megaliths : Above, the patriarch, majestic and benevolent ; then his warriors, etc. All along, dark passages open, because habit demands that any traveler may "walk in through all the city doors" (¹).
And colors ! Crushed like those of rupestral paintings from sills and stones, their polychromies give the works the vibrating heat of ritual tones, the rhythmic harmonies of crimson reds, blues of the bright wide skies, ochres of the thirsty earths of the desert…
Finally, the wonderful unit of Michael Bethe-Selassie's artwork shows that through his claimed Africanity, he sometimes is in accord with his circumnavigations and ethnological explorations : even the colored cromlechs, the Magi, the circus acrobats… that, in his mind make him go a roundabout way to Western civilizations, take him, in fact, back to palaver, to dances, to totems providing over the ancestral village their protective shadow.
Jeanine RIVAIS
THIS TEXT WAS WRITEN IN FRENCH IN 1996 AND TRANSLATED IN ENGLISH IN 2015.
(¹) Michael Bethe-Selassie.
Translation by Jeanine Rivais