LaM : LILLE METROPOLE MUSEE D'ART MODERNE, D'ART CONTEMPORAIN ET D'ART BRUT
Deux grands évènements d'envergure internationale se sont déroulés à Villeneuve d'Ascq le 21 septembre 2010 : la réouverture du musée initialement intitulé "Musée d'Art moderne et contemporain" (MAM) ; et l'inauguration du Musée d'Art brut. Ce nouvel ensemble tout neuf est désormais appelé le LaM. Cette manifestation a eu lieu sous le patronage de Frédéric Mitterrand Ministre de la Culture, de Martine Aubry Présidente de Lille Métropole Communauté Urbaine, de Bernard Derosier Président du Conseil Général, de Jean-Michel Bernard Préfet. En présence également de Pierre Mauroy qui a initié le projet. Et de Sophie Lévy, Directrice/Conservatrice du nouveau musée.
Etaient donc concernées la "partie originelle" qui rouvrait ses portes après quatre années d'interruption pour travaux, et se retrouve agrandie et modernisée ; et "l'extension" pour laquelle tout était à faire.
Un concours avait été lancé en 2002 pour la restructuration et l’extension du Musée. La lauréate, l'architecte Manuelle Gautrand a conçu un nouveau bâtiment dont les volumes viennent encastrer harmonieusement l’arrière de l’édifice créé voici vingt-cinq ans par Roland Simounet. Ces deux architectures ont été à la fois pensées pour mettre en valeur les œuvres qu’elles abritent et, nichées au creux d'un parc magnifique jalonné d'œuvres monumentales de Picasso, Calder, Léger, etc., permettre au visiteur une promenade sans rupture dedans/dehors.
Tous les amateurs d'Art brut, tous les membres de l'Association de l'ARACINE (¹) peuvent se réjouir. Car la Collection du Musée préalablement installé dans des conditions très précaires à Nogent-sur-Marne, a enfin un lieu personnel. La donation effectuée en 1999, l'a été en échange de l'engagement à la présenter au public dans sa totalité, et à l'accroître dans le même esprit. La collection était alors riche de 3500 oeuvres de 170 artistes découverts essentiellement par Madeleine Lommel qui est décédée le 14 avril 2009, à 86 ans. Quelques mois avant l'aboutissement de son rêve et de ses efforts ! (Un hommage lui a été rendu l'automne dernier, lors de la dernière exposition à Paris du MAM "hors les murs").
Manuelle Gautrand parle d'intimité et de douceur quand elle explique comment elle a raccordé son œuvre à celle de son prédécesseur. Elle a œuvré pour que s'allient la brique et le béton, pour que les grandes baies vitrées et les moucharabiehs du nouveau musée permettent une lumière tamisée sur les œuvres souvent très fragiles, et jouent avec les lignes droites rigides de la partie primitive. Par ailleurs, hautement symbolique, peut-être, de tous ces êtres qui ont souffert et que, seule leur création a pu aider à lutter contre leur mal-être, elle a donné à ce nouveau musée, la forme d'une main ouverte.
A partir de cette naissance/renaissance, le LaM est le seul musée au monde à associer art brut et art contemporain. "Pourquoi cette combinaison ? En 1997, l’exposition de la collection de L’Aracine dans les anciens locaux, a été plus qu'un succès (72 000 visiteurs), un déclencheur... "L’art brut est une manière différente d’accéder à l’art moderne", dévoile la directrice. L'art brut créé par Jean Dubuffet en 1945, correspond "à un besoin des artistes de revenir aux origines de l’acte de créer""(²). Espérons seulement que le LaM saura préserver l'intégrité et l'autonomie de la collection d'Art brut. Et résistera à la tendance si fâcheusement répandue actuellement, de s'en servir comme faire-valoir de l'Art contemporain !
Un peu d'histoire :
Le musée originel est né d'une première donation, celle de Jean et Geneviève Masurel en 1979. A l'origine collection de Roger Dutilleul, ce dernier la lègue à sa mort en 1956, à son neveu Jean Masurel (1908- 1991), sauf son portrait par Modigliani qui va à une autre partie de la famille. C'est Jean Masurel qui achète l'Homme nu assis de Picasso, (1908- 1909), le trésor du LaM qui l'a accroché en majesté dans l'une des salles. La collection de 219 oeuvres ainsi offertes à la communauté urbaine, comprenait des chefs-d'œuvre cubistes de Georges Braque, Henri Laurens ou Pablo Picasso, ainsi que des oeuvres de Fernand Léger, Joan Miró et Amedeo Modigliani… Le Fauvisme, le Surréalisme, l’École de Montparnasse, l’École de Paris, l’Art Naïf et les artistes du Nord de la France y étaient également représentés, dont certains achetés par Jean Masurel qui l'enrichit d'œuvres de Kandinsky, Klee, Miro, le Calder des années 1960, de Staël, Buffet… La donation comportait également 1500 volumes relatifs aux mouvements artistiques du XXe siècle, essentiellement au Cubisme et à l'Art naïf, à l'Impressionnisme et à quelques artistes plus anciens comme Delacroix. Ainsi que des revues essentielles à toute cette période, comme les Cahiers d'Art. Certains ouvrages avaient été annotés par Jean Masurel.
Par la suite, grâce à des acquisitions, le MAM s'enrichit d'une importante collection d'œuvres éclectiques internationales d’art contemporain, Lewis Baltz, Daniel Buren, Dennis Oppenheim, Allan McCollum, Annette Messager, Pierre Soulages ou Jacques Villeglé…" (²) qui sont remarquablement présentées sur les nouvelles cimaises.
Enfin, la collection d'Art brut a envahi les nouveaux espaces : "Dans la "paume de la main", une salle introductive permet de se familiariser avec la variété de l'Art brut. Dans les "cinq doigts", cinq thématiques : l’art des fous, les peintres spirites, les objets transitionnels, les habitants paysagistes, les machines folles". Les plus grands noms de l’Art brut y sont représentés : Aloïse Corbaz, Fleury Joseph Crépin, Henry Darger, Auguste Forestier, Madge Gill, Jules Leclercq, Augustin Lesage, Adolf Wölfli. Bien encore Carlo Zinelli... Parmi les œuvres emblématiques de la collection, les Totems de Theo Wiesen que la directrice commente. "Ces sculptures en bois taillées et placées par l'artiste autour de sa maison en une forêt, montrent qu’il n’y a pas de séparation entre la vie personnelle et l’œuvre. Pour ces artistes, la maison, le quotidien sont envahis par leur créativité et leur pulsion à produire des objets rassurants".
Le musée possède donc désormais la deuxième plus importante collection d'Art brut au monde, après celle offerte en 1985 par Dubuffet, à la ville de Lausanne.
Et maintenant ? Sophie Lévy souhaite donner au musée une dimension internationale. Situé au carrefour de Londres, de Paris et de Bruxelles, et à proximité d’Amsterdam et de Cologne, le LaM devrait rapidement trouver sa place sur la scène artistique européenne (²).
D'ores et déjà, "l'exposition inaugurale intitulée "Habiter poétiquement le monde" présente la façon dont les artistes, les écrivains et cinéastes peuvent « habiter poétiquement le monde, la maison du monde » selon le poète Friedrich Hölderlin, en mêlant création et quotidien. Passé, présent et avenir, intérieur et extérieur se mêlent, le quotidien ne se sépare plus de l’oeuvre, ni du regard. Les frontières entre intime et commun se brouillent dans une mise en doute du quotidien, du communément partagé. Un « habité poétiquement » qui détourne les gestes quotidiens en apparence les plus évidents : se reposer, se vêtir, circuler, s’abriter, manger. Transversale aux collections (en particulier d’art contemporain et d’art brut), Habiter poétiquement le monde est conçue comme une promenade à travers les différents espaces du Musée (salles d’exposition, auditorium, parc, site Internet). Elle laisse une part importante à la création contemporaine et à la performance.(²)
Les organisateurs du LaM prévoient de changer les expositions tous les quatre à six mois, de façon à établir une rotation sur l'ensemble des œuvres des trois collections.
En tout cas, devant l'importance de cette double manifestation, il est agréable de pouvoir se dire : "J'y étais" ! J.R.
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(¹) ARACINE : comme "l'art à la racine", puisqu'il s'agit d'un art "sans apprentissage, au dehors des sphères artistiques". "Au-delà du symbole, le mot signifie : Les Amis Réunis Autour d'une Création Intemporelle, Novatrice, Essentielle !"
(Voir aussi : Madeleine Lommel : Entretien de Jeanine Rivais avec MADELEINE LOMMEL, fondatrice avec Claire Teller et Michel Nedjar et conservateur de l'Aracine,). http://jeaninerivais.fr Rubrique Art brut.
(²) Textes du Musée.
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Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut : 1 allée du Musée, 59650 Villeneuve d'Ascq.
Tél : 03 20 19 68 68
Habiter poétiquement le monde : Du 25 septembre 2010 au 30 janvier 2011.
JOURS ET HORAIRES D’OUVERTURE : Du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Fermeture exceptionnelle les 25 décembre, 1er janvier et 1er mai. L’accès au LaM est gratuit le premier dimanche du mois. Exceptionnellement et jusqu’au 30 janvier 2011, le Musée est gratuit pour les visiteurs individuels, du mardi au vendredi, de 16 h à 18 h.