PIERRES ET GRANIT CHEZ FRANCIS LOZEVIS
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Il faisait gris et le ciel était bas lorsque nous sommes arrivés à "Mes idées", la maison de Francis Lozevis et que nous nous sommes trouvés face à une pancarte annonçant que la maison était en vente, et une barrière à peine fermée par un mauvais fil de fer !
Francis Lozevis, paysan (il reste les cages à lapins qui ont résisté au temps, et les portes de la grange sont toujours grandes ouvertes, comme s'il allait y entrer ! ) ; puis ouvrier, est mort en 1998. Voilà donc vingt ans qu'il a quitté sa maison, et ses sculptures. Ce qu'il en reste, plutôt, car si les réalisations en pierre sont toujours en place (sans doute trop lourdes pour être volées), nombre de socles sont vides désormais, et ne restent que quatre de ses personnages. Espérons qu'elles ont été emportées parce que les gens les aimaient, ce serait au moins une consolation !
La barrière ouverte, (Eh oui, nous avons osé !!), les premières à nous accueillir ont été les têtes, parfaitement conservées, aux visages expressifs, aux yeux réalisés avec des billes ce qui leur donne une grande intensité. La plupart sont reconnaissables : Tintin, Laurel et Hardy. Les autres appartiennent sans doute aux personnages familiers de l'artiste ?
Puis, restées claires parce que réalisées avec des pierres du pays (sans doute récoltées dans ses champs), des œuvres qui appartiennent plus à l'artisanat qu'à l'art : des paniers, un vase, un écureuil, un cygne, le traditionnel moulin (qui se retrouve dans presque tous les lieux insolites, leurs auteurs sans doute fascinés par le tournoiement des ailes).
Dans le soir tombant, l'œil est tout à coup attiré par une tête rigolarde et une main posée sur quelque chose, le reste ayant complètement disparu dans un laurier qui l'entoure comme une cape ! Ce sont Laurel (immense comme il se doit), et Hardy qui a perdu sa tête !
Et puis, disséminés dans la cour, les personnages. Les corps ne sont pas vraiment réalistes, parce que très peu ouvragés : en fait, ils sont presque informels, réalisés avec des pierres de granit levées, auxquelles il a ajouté des têtes ressemblant fort à celles de l'entrée, et des membres tendus en avant comme ceux d'un orateur, ou carrément levés comme si leur auteur se rendait à quelque membre d'une maréchaussée imaginaire !
Ces "corps", de pierre naturelle, donc, sont couverts de lichens, rouilles et autres usnées !
Quelle tristesse, ces socles vides sur lesquels la terre est parfois encore fraîche, témoignant que les oeuvres ont disparu récemment !
Les voisins qui sont là depuis longtemps ont gardé un très bon souvenir de Francis Lozevis. Des petits détails leur reviennent, par exemple qu'à la fin de sa vie, il marchait avec une canne ! Qu'il était très fier de ses réalisations !
Inquiets du devenir de cette maison, nous sommes allés voir Mireille, sa plus proche voisine, la seule à habiter comme lui au Préfailli. Elle garde de lui un souvenir ému, d'autant qu'il lui avait offert une de ses sculptures. Elle a eu la gentillesse de nous donner quelques photos qu'elle avait prises un hiver où, sous la neige, les œuvres avaient un charme particulier. Merci à elle pour son accueil tellement amical !
Elle nous a également donné le nom des gens qui sont en train d'acheter la maison. Je les ai contactés pour savoir ce qu'ils allaient faire des sculptures ? Ils ne sont pas intéressés, mais ils vont demander à des copains s'ils les veulent ! Ils nous recontacteront pour nous tenir au courant !
Ainsi va disparaître un autre lieu insolite, tellement plein de créativité et de fantasmagorie !
Jeanine RIVAIS
Texte écrit au retour de Bretagne.
Photos Michel Smolec
Francis Lozevis : Mes idées, lieu-dit le Préfailli, 56 Saint-Gravé.