LOUIS GUYARD, COLLECTIONNEUR
ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS
*****
JEANINE RIVAIS : Louis Guyard, depuis que nous nous sommes rencontrés, je me demande ce qui vous a motivé pour créer votre collection ? Et depuis quand vous la complétez ?
LOUIS GUYARD : J'ai toujours fait des collections. J'ai un tempérament de collectionneur, déjà enfant je collectionnais : Tout petit, c'étaient des boîtes de Ninas, des cigarillos. Mon père fumait cette marque et me donnait toutes ses boîtes vides. Et moi j'aimais les regarder, les manipuler et les ranger… Je me souviens d'une nuit - j'étais sans doute un peu somnambule - je m'étais levé pour aller voir si mes boîtes étaient bien à leur place dans leur boîte en carton ? Un peu plus âgé, vers quatre/cinq ans, j'ai collectionné des capsules d'eaux de Vittel : Il y en avait des rouges et des bleues, je me rappelle, j'aimais les disposer de toutes sortes de manières, et j'essayais de les compter.
Et puis, quand j'ai commencé à apprendre à lire, j'avais des "petits livres d'or", des contes pour enfants, comme les "Cinq petits pompiers" par exemple, j'en avais au moins une dizaine. Pour moi cette série avait un très fort attrait, pas tellement pour ses textes ni pour ses illustrations, mais plutôt pour son aspect collection. J'aimais les aligner, les comparer, les regarder ensemble ou l'un après l'autre, c'était MA collection !
Un peu plus grand, j'ai commencé à collectionner les monnaies. Des monnaies anciennes ou étrangères, on m'en donnait de partout… Et comme j'avais l'esprit commerçant, je vendais celles que j'avais en double, pour pouvoir m'en acheter d'autres. C'était ma première véritable collection, j'en avais réuni plusieurs centaines. Je n'étais pas un numismate averti et n'avais pas la science, mais j'avais la passion.
Puis, vers quinze/seize ans, j'ai commencé à collectionner les autographes, (ma première collection sérieuse qui dure encore aujourd'hui). A l'époque, je faisais beaucoup de vélo. Je repérais l'adresse des célébrités qui m'intéressaient et j'avais l'audace d'aller les voir, de sonner à leur porte... C'est ainsi que j'ai pu parler notamment à Bourvil, à Danielle Darrieux et à Jean Rostand qui m'avait reçu. J'avais une prédilection pour les peintres. Foujita par exemple, quand je suis allé le voir, il m'a reçu, vêtu d'un kimono il m'a dédicacé une photo avec son pinceau, et m'a même demandé si je voulais un dessin ? j'ai répondu par la négative ! Fallait-il que je sois ému pour refuser ! Un autre jour, je suis allé sonner à la porte de Georges Braque. Il n'était pas là, mais j'avais pu laisser mes coordonnées à la personne qui m'avait ouvert. Et peu après, j'ai reçu dans mon courrier, un magnifique autographe de lui à la plume sur un petit papier guilloché, "presque un dessin", imaginez mon bonheur !!
Je ne peux pas vous les citer tous, mais j'ai eu aussi par exemple les signatures des premiers hommes qui ont marché sur la lune, celles de Chaplin, de Fernandel, d'Albert Schweitzer, et aussi celle du peintre Edouard Goerg qui m'avait écrit une longue lettre dans laquelle il me faisait part de sa surprise que je l'aie contacté.. mais comme il ne voulait pas me décevoir, il me répondait quand même...
Je passe sous silence deux autres collections quelque peu surprenantes que j'ai faites par la suite : Presque cinq mille sacs en plastique publicitaires acquis de 1981 à 2000, tous différents et de qualité. Et une collection de plus de deux cents bateaux en bouteilles miniatures ou en ampoules que je poursuis encore...
Puis au cours de l'année 1968, alors que j'avais changé d'activité, j'ai pu fréquenter assidûment les ventes publiques, mon goût naturel pour l'Art moderne s'était développé peu à peu au fil des ans et était devenu, une véritable passion... Je me procurais donc alors exclusivement les catalogues de ventes de tableaux modernes, à commencer par ceux de Me Blache et de Me Martin qui exerçaient tous les deux à Versailles (la ville où je demeurais à l'époque).
L'année 1968 n'était pas terminée que j'avais déjà franchi le pas en achetant mon premier dessin en salle des ventes, ma plus grande aventure de collectionneur commençait alors... C'était un dessin de Jean-François Raffaelli, un peintre de la fin du XIXe, un artiste intéressant bien référencé, et présent dans de nombreux musées. Il représentait une étude pour Lucrèce Borgia un peu atypique car Raffaelli était plutôt un paysagiste (d'après les livres), je l'avais payé quarante-cinq francs, Je l'ai remis en vente, et revendu deux cents, cela m'a encouragé, mais avais-je bien fait de le revendre ? Sans doute, vu le prix que j'avais obtenu, d'autant plus que le courant ne passait pas suffisamment entre ce dessin et moi.
Un peu plus tard, j'ai récidivé en achetant un petit croquis de Raoul Dufy, il n'était pas signé, mais attesté par Me Blache, je l'avais payé plus cher et revendu également avec un bénéfice, mais avec les frais, j'ai finalement perdu de l'argent, tout ça sans regret, car je crois que je l'avais acheté en définitive surtout pour la notoriété de l'artiste...
1969, 1970 mes achats se sont poursuivis, et ma collection a commencé à se développer… en 1971, j'ai acheté mon premier Tella chez Me Blache qui aimait cet artiste : preuve en est, cette anecdote que l'on raconte : "Me Blache aurait offert à sa femme en cadeau de mariage, un petit couple de Tella".
J.R. : Qu'a donc cet artiste qui puisse expliquer que depuis plus de cinquante ans, vous lui soyez attaché ? Vous l'avez vraiment connu ?
L.G. : Au départ je ne le connaissais pas. Je l'ai découvert dans les ventes de Me Blache qui vendait souvent des oeuvres de lui à cette époque. Mais, j'ai ressenti tellement bien et fort ce premier Tella que je venais d'acheter, que j'ai voulu en savoir beaucoup plus sur cet artiste qui ne pouvait être que très intéressant à mon sens... C'est alors, qu'en stage à la Bibliothèque du Louvre à l'époque, je découvris qu'il y avait eu une vente d'atelier de cet artiste le 19 mai 1969 à Drouot sous le marteau de Me Robert. Le catalogue préfacé par Jean Bedel précisait que Tella avait été découvert, puis aidé par le grand collectionneur Henri-Pierre Roché.
Grand collectionneur, il l'était assurément, il suffit de lire le livre "Henri-Pierre Roché, l'enchanteur collectionneur" pour le comprendre. Un inventaire de 1956 relève notamment dans sa collection les noms prestigieux de Braque, Dubuffet, Léger, Modigliani, et Picasso et aussi les noms de nombreux artistes qu'il avait découverts, dont celui de Tella dont il possédait cent quatre-vingt trois oeuvres.
J'étais très désireux de connaître Tella, mais, je n'avais pas ses coordonnées. Soudain, fin octobre 1973, ô miracle ! j'ai pu enfin le rencontrer d'une manière tout à fait inattendue, au cours d'une exposition "avant vente" au palais Galliéra où l'une de ses oeuvres, "un grand collage" était présenté. Présent à cette exposition, je contemplais ce magnifique collage, quand derrière moi, une personne que je reconnus immédiatement, c'était Tella. D'emblée, je me suis présenté à lui, enthousiasmé par cette rencontre surprenante, il m'invita immédiatement chez lui…
Mon premier rendez-vous fut suivi de beaucoup d'autres, et me permit de réaliser, un peu plus chaque jour la véritable dimension de ce créateur… Très amicales et chaleureuses, nos rencontres étaient très enrichissantes, nous avions tant à nous dire ! Il m'appelait son "fan", je l'ai suivi jusqu'à sa disparition à l'hôpital de Draveil le 20 octobre 1983. J'ai pleuré en apprenant la nouvelle, Tella représentait tellement pour moi !
Ma passion pour l'oeuvre de Tella ne s'étant jamais démentie au fil des années, c'est tout naturellement que je me suis attaché au travail de cet artiste que j'ai, assez rapidement, considéré comme un créateur d'exception. (47 oeuvres de lui à ce jour dans ma collection)
Ces images ont été sélectionnées au hasard du catalogue par Jeanine Rivais.
Commence alors la "visite" de toutes les oeuvres de la collection de Louis Guyard et les illustrations du collectionneur.
J.R. : Tout cela est passionnant, mais il faudrait que vous nous parliez aussi des autres artistes que vous avez collectionnés ! Vous avez commencé votre catalogue par Jaber. Pourquoi ? Puisqu'il me semble que vous l'avez connu plus tardivement ?
LG : Je l'ai connu effectivement plus tardivement, mais les artistes qui figurent dans ma collection ne sont pas classés dans l'ordre des rencontres, ni dans celui des dates d'acquisitions des oeuvres, encore moins dans un ordre alphabétique, mais dans un ordre qui peut sembler aléatoire. Et si j'ai choisi Jaber en premier, c'est que je trouve que son oeuvre est très représentative d'un art brut authentique, et que la joie communicative de son oeuvre me semble bien convenir à une bonne entrée en matière dans la lecture de mon catalogue.
Je compte bien ajouter à celui-ci, un index alphabétique des noms d'artistes qui permettra de retrouver sans difficultés, au moyen des numéros de pages, toutes mes oeuvres cataloguées.
J.R. : Venons-en à Huguette Machado-Rico.
L.G. : J'ai découvert cette artiste dans les années 70, à l'époque où elle passait souvent dans les ventes de Me Martin à Versailles.
J.R. : Mais si elle exposait déjà des oeuvres en 70, quel âge peut-elle avoir ? Je la connais bien, et je ne l'aurais pas cru si âgée !
L.G. : C'est pourtant bien (si ma mémoire est bonne) dans les années 70 (peut-être fin 70) que je voyais ses oeuvres chez Me Martin ? Elle devait être toute jeune à l'époque ! (¹) Je n'ai d'elle pour l'instant, que ces deux petites oeuvres de qualité achetées sur le tard…
J.R. : Chamoro, que nous connaissons elle aussi, depuis la nuit des temps !
L.G. : Je la connais depuis beaucoup moins longtemps, mais ayant eu la chance d'avoir ses coordonnées, j'ai pu la rencontrer, ce qui m'a permis de lui acheter ce beau relief et ces deux petites oeuvres que j'apprécie beaucoup…
J.R. : Pourquoi avez vous associé sur la même page, Machado-Rico et Chamoro ?
L.G. : Ce n'est pas une association ! mais il fallait bien que je trouve un emplacement pour ces cinq oeuvres, ce qui n'était pas facile ! A force de manipuler les photos, de les regarder, de les changer de place… j'ai trouvé qu'il existait une harmonie entre les oeuvres de ces deux artistes et que je pouvais les mettre ensemble.
J.R. : Il n'y a bien sûr aucun hiatus dans cette proximité. Mais les oeuvres sont tout de même d'esprit différent : vernies, sophistiquées chez Huguette Machado-Rico ; plus "primaires" chez Chamoro...
L.G. : Je suis d'accord sur ce fait, mais comme j'avais perçu pour ma part, une véritable harmonie de couleurs entre ces deux Machado-rico et ces trois Chamoro, j'avais quand même choisi de les assembler.
J.R. : Danielle Le Bricquir.
L.G. : Dix oeuvres d'elle, deux pages de cinq photos en vis-à-vis, une présentation parfaite. Une autre artiste intéressante, qu'on retrouve dans maintes collections et qui expose beaucoup… Ici, "le Grand voyage" qui a été exposé au Salon d'automne de 1999 ( une grande oeuvre en deux parties sur deux toiles découpées qui sont liées aux châssis par des cordages..) là une sculpture en bois découpé (²) un beau travail, très inspiré...
J.R. : Désormais, vous ne "parlez" donc plus de dates, mais seulement de coups de coeur ?
L.G. : Mon classement, disons aléatoire, ne tient pas compte des dates, mais il me faut toujours avoir le petit coup de coeur indispensable pour placer toutes mes photos. Ici vous voyez sur une même page successivement, trois petits Chabaud de qualité, caractéristiques de sa production, un Gougelin, un artiste que j'ai rencontré au cours d'une exposition, et le premier Mose Tolliver, les cinq autres suivent sur la page suivante. (je m'efforce toujours de regrouper entre elles les oeuvres d'un même artiste. Vous connaissez Mose Tolliver ?
J.R. : Non.
L.G. : C'est un "grand" de l'Art outsider américain, il a souvent été exposé à la Halle Saint-Pierre. Son oeuvre spontanée peut par certains aspects faire penser à la production de Jaber... je l'aime aussi beaucoup !
J.R. : Je connais bien Robert Rey que nous venons de passer , mais je ne connais pas Dalmaso ?
L.G. : Dalmaso a notamment échangé une longue correspondance avec Dubuffet qu'il connaissait très bien… je sais aussi pour les avoir vues, qu'il a des oeuvres à la Fabuloserie. C'est un collectionneur qui avait ces oeuvres, il me les a proposées. Ses prix étaient abordables et je les ai achetées, je ne le regrette pas !
Et maintenant nous attaquons les oeuvres de Tella : Voilà deux oeuvres de lui quasiment exceptionnelles de "sa grande période", la plus grande, "la Bouche du métro" va être exposée fin 2018 au Musée de la Reine Sofia à Madrid, un musée prestigieux qui détient notamment dans ses collections, "le fameux Guernica de Picasso. Qui aurait imaginé que cette oeuvre qui est continuellement sous nos yeux dans notre chambre, serait exposée un jour pendant presque six mois dans un aussi grand musée ? (j'en éprouve la plus grande satisfaction..). Tella avait été photographié devant l'autre, intitulée "les Etoiles" une représentation brillante et poétique d'un drame de la corrida) en compagnie d'Henri-Pierre Roché au cours d'une exposition à Paris en 1951...
Là, le tableau "la Bandéra", une autre oeuvre exceptionnelle de l'artiste, représente cinq Républicains espagnols exécutés sous Franco. Peinte aux couleurs du drapeau républicain espagnol, elle rend hommage à ces victimes du franquisme. Nul ne peut être insensible à une scène aussi dramatique ! mais curieusement, je ressens si profondément l'aspect artistique de cette oeuvre, que j'en oublie sa représentation tragique...
Puis les dessins, une mosaïque, et quelques aquarelles très diversifiées dans lesquelles l'artiste innove aussi...
Et enfin les collages, comme ce "Goyesca" dans lequel l'artiste rend hommage à la peinture espagnole. Au centre de la composition, "une grande Maja nue de Goya" rendue surréaliste, est entourée d'une accumulation de détails d'oeuvres de maîtres de la peinture espagnole. L'organisation de la composition et l'harmonie des couleurs, contribuent certainement à sublimer ce collage remarquable !
J.R. : Delphine Cadoré : j'ai fait un entretien avec elle il y a un an et demi, à Praz-sur-Arly, chez Louis Chabaud, justement !
L.G. : Oui, je l'ai lu. J'ai dix oeuvres d'elle.
J.R. : Elle doit être contente de vous, car apparemment, elle a des difficultés à vivre de sa peinture.
L.G. : je crois que c'est malheureusement le cas de beaucoup d'artistes.
Et nous en venons à Philippe Aïni, un artiste que j'ai la chance de connaître depuis 1992, et que je suis de très près. J'apprécie au plus haut niveau "l'homme" et son travail qui me passionne… J'ai à ce jour vingt-cinq oeuvres de lui. Ici, une de ses tours admirables, beaucoup plus petite mais comparable en qualité, à sa fameuse tour "Modestie". Là "la Commedia dell'arte" un grand bas-relief réalisé avec des moulages de corps humain et de la bourre à matelas. Cette oeuvre me fait penser à la fresque qu'il a réalisé à Flines-lez-Râches (³).
J.R. : Quand nous sommes allés à Flines-lez-Râches, entrer dans cette chapelle était vraiment impressionnant ! A ce moment-là, peu après sa réalisation, la fresque était encore dégagée, mais il y avait déjà les doigts cassés, les fesses arrachées...
L.G. : Quand je l'ai vue, elle était protégée par un grand paravent devant, mais les gens de la chapelle ont été aimables, ils l'ont enlevé pour moi afin que je puisse faire des photos. Elle est à restaurer en grande partie !
J.R. : C'est honteux ! D'autant qu'il n'avait rien demandé pour la réaliser, qu'il en a même été lourdement de sa poche. Et que, quand on lui a proposé de créer une fresque dans cette église désacralisée, il a bien posé la question : "Mais vous connaissez mes oeuvres ? Vous êtes sûrs que vous souhaitez que ce soit moi qui réalise une fresque" Question à laquelle les membres de l'association avaient répondu positivement avec beaucoup d'enthousiasme !
L.G. : Et après les Aïni, mes trois oeuvres de François Ozenda, celle-là me parait particulièrement intéressante, c'est en réalité un épais relief recouvert de graffitis que j'ai intitulé "La chouette" (bien qu'à la limite de l'abstraction). C'est un très beau travail en noir et blanc d'une grande sensibilité. J'imagine qu'il a dû en faire beaucoup d'autres d'aussi intéressants que je ne connais pas ?
J.R. : Oui, parce qu'il y en a des grands et très beaux chez les Caire (5). C'est d'ailleurs en hommage à cet artiste qu'ils avaient créé leur fanzine : "Bulletin de l'Association les Amis de François Ozenda".
L.G. : J'avais acheté cet autre Ozenda qui comprend des collages dans une vente courante à l'Hôtel Drouot. Personne n'y avait fait attention, car il n'y avait pas de catalogue, et le commissaire-priseur n'avait même pas annoncé que c'était un "Ozenda. Si bien que j'ai eu la chance d'en profiter à un tout petit prix.
Et maintenant Isabelle Lanchon, une artiste discrète que j'apprécie énormément et qui, à mon sens, mériterait d'être plus largement reconnue… Comme Chamoro, elle fait notamment des oeuvres en papier mâché et maîtrise cette technique à la perfection !... Très inventive et inspirée, son oeuvre singulière est très diversifiée, bien pensée et réfléchie… Je ressens fortement et très bien tout ce qui se dégage de ses multiples créations, particulièrement de ses volumes (comme elle les appelle). Je la vois régulièrement, et lui achète beaucoup par l'intermédiaire d'Ebay, et plus encore si je le pouvais !...
Joaquim Baptista Antunès : quelques oeuvres de lui ont été présentées un jour à l'hôtel Drouot. Je me suis précipité, et ai pu acheter ces trois oeuvres à un prix modique, alors que cet artiste est très recherché.
J.R. : C'était un artiste très prisé par Cérès Franco. Elle avait de très belles oeuvres dans sa collection.
L.G. : Là, mes deux Staëllens déjà un peu anciens.
J.R. : Nous aimons aussi beaucoup leurs oeuvres.
L.G. : Puis quatre oeuvres de l'Américaine Julie Steiner. Je ne sais pratiquement rien de cette artiste, mais cela ne m'empêche pas d'apprécier ce que j'ai d'elle…
Et ensuite, une très belle oeuvre de Patrick Guallino. Je suis allé jusqu'à Tourcoing ou elle était mise en vente par un commissaire priseur pour essayer de l'acheter, il y avait le même jour un grand nombre de Jaber (le commissaire-priseur semblait ne pas connaître tout ce qu'il mettait en vente…) mais il a quand même réussi à vendre un peu à petits prix (dont ce Guallino que j'ai finalement réussi à avoir). Il faut dire aussi qu'il n'avait pas la clientèle pour ce genre d'oeuvres.
J.R. : Nous connaissons bien les Guallino. Maintenant, ils signent toujours tous les deux.
L.G. : Oui, mais cette oeuvre date de l'époque où Patrick signait seul. Plus tard, en faisant des recherches sur le Web, j'ai vu une photo de ce Guallino qui figurait parmi d'autres, dans une de ses expositions à la galerie de Cérès Franco. Puis Patrick m'a envoyé un jour un message dans lequel il me disait : "Je suis très heureux de savoir que c'est vous qui avez acheté ce tableau". Or, je ne l'avais pas acheté à la galerie (comme il l'a sans doute pensé) mais à Tourcoing, où il m'avait assurément coûté beaucoup moins cher !.. Sur son site, il a fait par la suite un lien avec le mien qui permet de voir directement la photo de cette oeuvre et la photo où l'on voit cette oeuvre au milieu des autres Guallino dans la galerie.
J'aime aussi André Labelle, ici, un ancien tableau tout à fait atypique mais de qualité, et les quatre autres qui évoquent bien son monde martien.
Et puis, une artiste qui passe continuellement sur Ebay, "Inga", et que je suis de très près, car j'aime beaucoup son travail : elle représente souvent un ou deux personnages enfantins sur fond noir en situation, un art singulier bien pensé que l'on pourrait presque apparenter à de l'Art brut. Je l'ai contactée pour lui demander quelques renseignements, mais elle n'a rien voulu me dire de ce qui l'a concerne, et encore moins sur son travail. les quelques renseignements que j'ai pu avoir, je les ai relevés sur le site d'une collectionneuse que je connais bien, et qui conserve aussi des oeuvres de cette artiste.
Et ma magnifique "page de Raâk" ! je sais que vous la connaissez bien et que vous l'aimez beaucoup...
J.R. : Depadova, nous la connaissons bien également. Nous la rencontrons souvent au Festival de Banne.
L.G. : Les oeuvres que j'ai d'elle sont plus anciennes et plus différenciées que celles qu'elle réalise maintenant que je trouve un peu répétitives. Plus rare, par exemple, dans son genre, cet ingénieux personnage articulé, en métal léger découpé…
Suivent sept oeuvres très originales de Fabienne Flury, dont une qu'elle m'a offerte. j'aime beaucoup cette artiste discrète (je sais que vous avez eu un entretien avec elle). Elle modèle beaucoup de petits personnages qui ont un charme fou ! Mais qui ne peuvent pas à mon avis, s'associer à de l'art brut.
Et une oeuvre de Jean Del Devez, un artiste qui a complètement changé de style. Après avoir longtemps pratiqué une peinture facile, bien faite mais sans grand intérêt, il s'est mis à produire un travail très personnel que l'on peut apparenter à l'Art brut. Il a d'ailleurs participé à la grande exposition "Les singuliers de l'art" en 1978 au Musée national d'Art moderne de la ville de Paris.
Ensuite, deux oeuvres du grand créateur Chomo, que j'ai été très heureux de pouvoir me procurer, la première chez un particulier qui connaissait bien l'artiste, la deuxième sur Ebay, qui est pratiquement abstraite.
J.R. : Puis deux Danielle Jacqui.
L.G. : Une poupée que je trouve ravissante. On ne le voit pas sur la photo, mais cette oeuvre est parsemée de paillettes, ce qui lui donne un éclat particulier. Et la fameuse gouache dont je vous avais parlé. Danielle Jacqui en personne m'a conté l'histoire de cette très intéressante oeuvre qu'elle semblait regretter… Je suis vraiment très heureux de l'avoir !... Et Martha Grünenwaldt ?
J.R. : J'aime beaucoup le travail de cette vieille dame ! Le plus drôle, c'est que nous avons trouvé celui que nous possédons, au milieu d'un catalogue de Robert Vassalo ! Il lui avait été envoyé par quelqu'un qui voulait faire des échanges avec lui. Etait particulièrement prêt à ces échanges, Jean-François Maurice qui dirigeait alors la revue "Gazogène". Mais échanger n'intéressait pas du tout Vassalo ! Ce qui l'intéressait, c'étaient ses peintures, pas celles des autres !
L.G. : Vraiment surprenante la façon dont vous avez acquis ce "Grunenwaldt" ! J'ai acheté ma première oeuvre de cette artiste sur Ebay, sans bien savoir qui elle était vraiment, mais uniquement, disons par intuition. Ce n'est qu'après que j'ai retrouvé sa trace dans mon catalogue de l'exposition "Art brut et compagnie" à la Halle Saint-Pierre, (une de mes références). S'est ensuivi l'achat de ces quatre autres. Maintenant, c'est plutôt dans les ventes publiques qu'on commence à la voir...
J.R. : Maintenant qu'elle est décédée, c'est sa famille qui s'occupe de ses dessins. L'histoire raconte que, lorsqu'elle était vivante, comme elle dessinait un peu en cachette, chaque fois qu'elle le pouvait, elle ouvrait sa fenêtre et donnait un dessin aux gens qui passaient ! Dans ces conditions, elle n'en vendait sans doute aucun. Et si maintenant, vous en trouvez dans des ventes, c'est que ses enfants ont décidé de les proposer.
Et voilà Pauzié ! J'avais fait un entretien avec lui.
L.G. : C'est dans une librairie (4) qui propose continuellement des oeuvres de Jaber que j'ai manqué l'achat de ce qui aurait été mes premiers Pauzié : "des semelles décorées". Placées tout en hauteur lors de mon passage à l'heure de la fermeture, je n'ai pas eu le temps de demander à les voir de près. Le lendemain, je suis revenu à cette librairie avec l'espoir de pouvoir les acheter… Hélas ! ces semelles avaient été vendues ! Quelque temps après, je rends visite à Jean Michel Chesné. O surprise ! Sur ses murs, je vois ces semelles tant désirées…
Finalement, c'est dans une vente publique que j'ai pu acheter mes douze premiers dessins de Pauzié. Le tracé de ces dessins qui représentent tous un personnage est précis, soigné, blanc et en relief, en un mot, de qualité !
J.R. : C'était terrible, chez Pauzié parce que sa femme était une maniaque de l'ordre. Et elle ne supportait pas que les dessins soit en pleine vue, et posés ici ou là. Il devait donc tout glisser sous son lit. Et il me les sortait à mesure que nous parlions !
L.G. : Vous avez beaucoup de chance de rencontrer tous ces artistes.
J.R. : Oui, mais parfois c'est assez déroutant : lorsque les deux créent, il y a souvent conflit. Ou lorsque le conjoint ou la conjointe ne s'intéresse pas à ce que fait l'artiste et que celui-ci déprime. Ou au contraire, quand il s'approprie tellement sa création que l'artiste ne peut plus rien dire ! Et surtout quand il intervient tellement dans sa création ou le titille si fort que celui-ci ne fait plus que ce "qui se vend bien" !
L.G. : Là, deux beaux pastels de John McQuirk : un artiste anglais qui est au Musée de la Création franche. Puis ce personnage vert et rouge de Sanfourche. Et ces neuf oeuvres d'Alain Trez, un artiste que je connais bien. C'était avant tout un dessinateur humoriste bien connu. Il pratique maintenant avec bonheur, une peinture que l'on peut apparenter par certains aspects à l'Art brut.
J.R. : Oui, nous l'avons rencontré quand Nadine Servant a organisé "Le Printemps des Singuliers" à la salle Saint-Martin, près du canal de même nom.
L.G. : Avec cette artiste "Claire Pierron, dite Riri", je vais vous surprendre !.. Elle est l'amie intime d'une artiste sur laquelle vous aviez fait un article dans le "Bulletin de l'Association les Amis de François Ozenda". Cette amie, "Dédé Macchabée", avait fondé un fanzine avec son amie Riri. Or, cette amie a été ma collègue de travail pendant presque vingt ans à la Bibliothèque nationale !
J.R. : Je suis fan du travail de Dédé Macchabée. Tellement naïf et plein d'humour ! J'aime tellement son oeuvre que, lorsqu'elle m'envoie une annonce pour une exposition, je ne change rien à ce qu'elle écrit. Pour les autres, je déclare, lieu, heure, etc. Pour elle je mets sa prose telle quelle !
L.G. : J'avais failli lui acheter une de ses grandes oeuvres, mais finalement cela ne s'est pas fait. Mais à de nombreuses reprises, j'ai acheté des oeuvres à ma collègue. Je ne sais pas ce que vous en pensez ?
J.R. : C'est sympathique, et plein d'humour !
Marie-Jeanne Faravel, nous la connaissons bien aussi. Michel a exposé à Rives, à la première exposition qu'avait organisée son mari, Jean-Louis Faravel.
L.G. : J'aime le travail singulier de cette artiste, sa manière, de dessiner, de composer, de représenter, tout son petit univers qui abonde de vie m'enchante...
Suivent mes deux petits Paul Amar en coquillages. Je suis allé trois ou quatre fois chez lui, j'aurais voulu lui acheter des oeuvres beaucoup plus importantes à des prix très raisonnables, mais ils étaient encore au-dessus de mes moyens. Quel dommage !!
Et deux pages entières d'artistes de l'école haïtienne, rien que des artistes du Groupe "Saint Soleil" qui avaient été découverts par André Malraux. Ce dernier avait ajouté un chapitre à l'un de ses livres pour parler des artistes de ce groupe...
Et puis Nathalie Portejoie, une artiste brillante qu'on voyait beaucoup sur Ebay. Elle commence maintenant à apparaître timidement dans les ventes publiques..
A la suite, une quantité d'oeuvres de Miguel Amate et d'Anne Marie Poitout, des oeuvres que j' ai achetées pour rien sur Ebay, elles avaient été mises en vente par un vendeur/collectionneur qui en détenait un stock. J'en ai profité largement, car ces deux artistes m'intéressaient. (On ne les voit pratiquement plus maintenant en vente sur Ebay. La plupart de mes Amate sont de petite taille (grandeur cartes postales) des collages très travaillés.. de l'Art brut qu'il dénomme même "de l'Art brutal".
J.R. : Nous l'avons rencontré à plusieurs reprises à Paris, promenant ses poupées au bout d'une chaîne !
L.G. : J'ai eu l'occasion de voir dans son atelier/galerie du quartier du Marais, toutes ses poupées "d'apparence monstrueuses" amassées dans un sous-sol inondé et sans lumière dans lequel on pataugeait. C'était très impressionnant !!
J.R. : Nous connaissons une Danhy Jacobs que nous avions vue à Banne où elle avait apporté de gros travaux de corde...
L.G. : ce sont les oeuvres de cette artiste que vous voyez ici, mais je n'ai malheureusement aucun de ses travaux de corde dans lesquels elle semble exceller. J'aimerais pouvoir la rencontrer, ce qui me donnerait peut-être l'occasion de lui en acheter directement. Ma meilleure oeuvre de cette artiste est sans doute ce visage traité en partie avec un important relief (non visible sur la photo) et avec de la paille en guise de sourcil. C'est une artiste authentique que j'aimerais connaître d'avantage. On m'a dit qu'elle avait été découverte par Danielle Jacqui et/ou Cérès Franco, mais je crois que toutes les deux revendiquent la découverte de cette artiste prometteuse.
Et puis voici à nouveau en deuxième série, la fameuse Anne-Marie Poitout que j'ai pu acheter en abondance. J'en ai en tout soixante-treize dans ma collection.
J.R. : Je suis sidérée quand vous dites en avoir plusieurs centaines de l'un; plusieurs dizaines de l'autre... Notre collection n'est pas du tout conçue dans ce même esprit ! j'ai déjà expliqué qu'en fait, la plupart sont des signes de remerciements de la part des artistes sur qui j'ai écrit des textes. Donc il ne me viendrait pas à l'idée d'avoir soixante-treize oeuvres du même artiste ! Sauf pour Robert Vassalo. Mais c'est l'histoire qui a fait que nous avons eu toutes ses oeuvres ! Et par amitié que nous en avions acheté une dizaine et quelques sculptures de lui.
L.G. Mon objectif n'est pas d'avoir le plus d'oeuvres possible d'un même artiste, mais d'avoir uniquement des oeuvres que j'aime et que je désire... peu importe leur nombre ! Tout ça, bien sûr, dans la limite de mes moyens, ce qui réduit considérablement mon champ d'action, je le déplore chaque jour… C'est ainsi que je peux avoir beaucoup d'oeuvres d'un artiste si ses oeuvres m'intéressent et que je peux de surcroît, les obtenir à un prix qui est dérisoire pour moi.
J.R. : J'aime bien l'oeuvre qui arrive, mais je ne connais pas du tout cette artiste !
L.G. : C'est une de mes oeuvres de Juliéta d'Elia Croxatto, une artiste d'argentine je crois. Je l'ai découverte en visitant son site, émerveillé par ses oeuvres, j'ai réussi à entrer en contact avec sa mère car sa fille malade mentale, était décédée précocement à l'âge de vingt-neuf ans. Je lui ai fait part de mon admiration pour le travail de sa fille. Très émue de voir que je m'intéressait à l'oeuvre de sa fille, elle m'a expliqué dans un premier temps, qu'elle ne voulait pas les vendre, puis a tenu à m' envoyer par la suite, ces cinq oeuvre de Juliéta en cadeau. Je lui suis extrêmement reconnaissant de ce geste ! En 2014, la tante de Juliéta m'envoyait un message pour me dire que sa soeur s'était suicidée en 2013 car elle n'avait pu se remettre de la disparition de sa chère Juliéta. Bouleversé, j'avais mis alors un petit mot sur mon blog pour lui dire combien j'étais affligé par cette nouvelle ! Et que je pensais beaucoup à sa soeur !..
Et là, Gérard Sendrey, (mais je vois que vous en avez aussi). L'une de ses oeuvres qui m'appartient a servi d'illustration à un texte que vous aviez écrit à son propos. J'aime beaucoup l'art diversifié de ce créateur qui est le fondateur du Musée de la Création Franche ! (un musée qui est aussi l'une de mes grandes références), mais je crois que je ne vous apprends rien !
Ici, Louise Pépersack, une artiste belge qui est décédée, tombée dans l'oubli aujourd'hui, elle a pourtant des oeuvres dans plusieurs musées, et figure notamment dans le Dictionnaire des peintres belges. J'ai mis un texte sur elle qui n'est pas de moi sur mon blog, qui explique très bien l'intérêt de son travail...
J.R. : Et pour finir, Beauvais, j'ai fait un entretien avec lui à Bézu-Saint-Eloi.
L.G. : C'est avec beaucoup d'intérêt que je suis le travail de cet artiste qui est devenu un excellent ami, vous pouvez voir que j'ai beaucoup d'oeuvres de lui.
J.R. : Eh bien, merci pour cette belle visite au long des oeuvres de tous ces artistes !
*****
ENTRETIEN REALISE A COURSON-LES-CARRIERES LE 18 DECEMBRE 2017.
(¹) Il est écrit dans le site de Louis Guyard que Huguette Machado-Rico est née en 1942.
(²) Jeanine Rivais avait donné à ces bois découpés le nom de "Sécantures" : "Sculptures peintes" ou "peintures en relief", les sécantures de Danielle Le Bricquir sont de singuliers objets de bois recouverts de tissus, cartons, pâtes... destinés à créer des épaisseurs variées. Ces sortes de totems sont érigés et maintenus verticaux grâce à des pieds sécants intégrés au sujet, qui permettraient donc à l'artiste de "continuer" indéfiniment chaque œuvre !"
(³) ENTRETIEN DE Jeanine Rivais avec "Philippe Aïni, artiste maudit ? " et Texte : "Dix ans déjà : jeanine.rivais.free.fr/philippe.aini.html
Ou : http://jeaninerivais.fr/PAGES/aini.htm.
Philippe Aïni a dû lutter bec et ongles pour empêcher les intégristes du coin de détruire cette fresque. Avec Figuration Critique, nous avions fait une pétition. Il a fallu les tribunaux et les télévisions pour obliger la commune à respecter le droit de la création !
(4) Il s'agit de la librairie "Mona lisait", rue Pavée à Paris.
(5)Jean-Claude et Simone Caire étaient les fondateurs et animateurs pendant près de trente ans de la revue : Bulletin de l'Association Les Amis de François Ozenda.
*****
Comme il est impossible de joindre une photo d'une œuvre de chaque artiste évoqué, le lecteur peut aller voir celles qui l'intéressent à l'adresse suivante :
artbrutartnaif.canalblog.com/
Et compléter sa visite en allant sur les deux sites de Jeanine Rivais : http://jeaninerivais.fr ou : http://jeaninerivais.jimdo.com/