LE FACTEUR CHEVAL. SES ORIGINES. SA VOCATION. LA REALISATION D'UN REVE
LE PALAIS IDEAL DU FACTEUR CHEVAL
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Joseph Ferdinand Cheval, plus connu sous le nom de Facteur cheval, est né le 19 avril 1836 dans une famille de modestes cultivateurs à Charmes-sur-L'Herbasse, petit village de la Drôme des Collines. Il est mort le 19 août 1924 à Hauterives (Drôme). En 1858, il se marie avec Rosalie Revol, lingère dont il aura deux enfants, Victorin et Cyril. Veuf en 1873, il se remarie en 1878 avec Claire-Philomène Richaud, tailleuse qui, veuve elle-même, apporte en dot l'équivalent de deux années de salaire de traitement de Joseph devenu facteur et une petite propriété qui leur permet d'acheter un lopin de terre à Hauterives. Leur unique fille née en 1879 meurt à quinze ans.
Etant peu allé à l'école, Ferdinand maîtrise mal la langue française et écrit phonétiquement. Cependant, il obtient son Certificat d'études primaires, et devient boulanger. Il a dix-huit ans à la mort de son père. Son oncle, devenu son tuteur, le fait rapidement émanciper. Il laisse à son frère la ferme familiale, continue la boulange pendant douze ans. D'aucuns diront que le pétrissage a influencé son savoir-faire de sculpteur. Il devient ouvrier agricole, mais acculé à la misère, il se présente au concours de facteur et entre officiellement dans l'administration des postes, à trente-et-un ans. Il est affecté à sa demande à Hauterives où il a la charge d'une tournée pédestre quotidienne longue de trente kilomètres.
Il occupe ses heures de randonnée à de vagues rêveries, jusqu'aux environs de la trentaine, où un rêve répétitif commence à le poursuivre. (En fait, malgré des avis divergents, le professeur Dulac, neuropsychiatre à l'hôpital Necker, suggère qu'il s'est mis à présenter le profil type d'un autiste d'Asperger, son comportement attestant de quelques aspects de caractère autistique. Monomaniaque, obsédé par l'idée de construire un merveilleux et immense palais dans son propre jardin, il présentait effectivement un caractère particulier).
Quel est donc ce rêve qui l'obsèdait ? Il ne sera jamais définitif sur son contenu, mais d'après ses familiers, il le résumait ainsi, en 1905 : "J'avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l'exprimer, mais c'était joli, si pittoresque que dix ans après, il était resté gravé dans ma mémoire, que je n'avais jamais pu me l'arracher". Il ajoutait, en 1911 : "J'avais alors dépassé depuis trois ans ce grand équinoxe de la vie qu'on appelle quarantaine. Cet âge n'est plus celui des folles entreprises et des châteaux en Espagne. Or, au moment où mon rêve tombait peu à peu dans les brouillards de l'oubli, un incident le raviva soudain : mon pied heurta une pierre qui faillit me faire tomber. Je voulus voir de près ma pierre d'achoppement, elle était de forme si bizarre que je la ramassai et l'emportai". D'aucuns affirment qu'en réalité, il aurait roulé à plusieurs mètres, la brutalité de la chute ayant provoqué le déclic capital. En fait, cette pierre était si étrange qu'il l'a appelée "Pierre d'achoppement". En en voyant d’autres au même endroit le lendemain, Ferdinand Cheval a compris que les milliers de pierres dont il pourra disposer seront le matériau dont il aura besoin pour créer son palais.
L'apport financier de sa seconde épouse lui permettant d'acheter un terrain, confortera cette décision. A la naissance de sa petite Alice, il creuse un premier bassin qui sera l'élément fondateur de la construction. Il réalise que son terrain n'est pas assez grand. En achète à prix d'or un second à un voisin. A la mort de la fillette en 1894, il se console en créant la "Villa Alicius", le "Temple hindou" et les "Trois géants".
Son corps est malmené, ses mains sont brûlées par la chaux. Malgré tout, il continue son travail : La "Galerie du Labyrinthe" est achevée en 1896 ; les façades Nord et Sud en 1897 ; celle de l'Ouest en 1902. Pendant trente années, il aura traîné sa brouette, la ramenant chaque soir pleine de pierres. Chaque élément aura été méticuleusement agencé ; la façon dont la lumière joue sur chaque nouvel apport, soigneusement étudiée. A la mort de son dernier enfant, en 1912, il fermera définitivement son chantier et se portera à l'entrée du cimetière d'Hauterives où il construira son tombeau.
Parvenir au pied du Palais idéal du Facteur Cheval, c'est, pour le visiteur, avoir l'impression que ce palais est tout petit. Mais qu’il grandit à ses yeux au fur et à mesure de la visite. Il va réaliser qu'il a la chance d'admirer une réalisation unique : l'œuvre herculéenne d'un constructeur seul face à la difficulté de concevoir un monument destiné à durer éternellement.
Comment ce "Palais" a-t-il vu le jour ? Au cœur du champ qu'il vient d'acheter, le Facteur Cheval imagine un palais certes inhabitable, mais agréable à parcourir ; peuplé d’un incroyable bestiaire d'animaux exotiques ou familiers – pieuvre, biche, caïman, éléphant, pélican, ours, raton, oiseaux… Mais aussi des personnages mythologiques, fantasmagoriques, des géants, des fées… La variété des éléments ne se reliant à aucune école, voire abordant des architectures protéiformes qui pourraient venir de tous les continents surprend à chaque pas le visiteur, par son caractère inclassable si varié qu'il en est universel. C'est tardivement que Ferdinand Cheval prendra les mesures de sa construction : "La façade Est mesure 26 mètres de longueur, la façade Ouest également 26 mètres, celle du Nord 14 et celle du Sud 12. La hauteur varie selon les endroits de 8 à 12 mètres. Lorsque j'ai commencé, je ne pensais pas arriver à des proportions pareilles, mais je trouvais toujours quelque chose de nouveau dans mes rêves, et je construisais à mesure". Dimensions qu'il résumera par une pancarte à l'angle Nord-Est de l'édifice, faisant en somme le bilan : "1879-1912. 10 mille journées. 93 mille heures. 33 ans d'épreuves. Plus opiniâtre que moi se mette à l'œuvre".
Le facteur Cheval commence ses travaux par la façade Est au printemps 1879. A mi-longueur du bassin préparé, il creuse une fontaine, qu'il nomme "La Source de vie", protégée par un lion et un chien. Qu'il entoure bientôt de fontaines, grottes, temples, commençant ainsi sa multitude de rocailles. Pour preuve de sa ténacité et son courage, il appose trois citations dans la pierre : "Heureux l'homme libre, brave et travailleur", "A cœur vaillant, rien d'impossible", "A la source de la sagesse seule, on trouve le bonheur". A droite, il ajoute un tombeau égyptien où il souhaite être enterré avec son épouse. Mais comme Picassiette à Chartres, cette autorisation lui sera refusée. Il aura tout de même, contrairement à son compagnon de construction, celle d'être inhumé dans le tombeau qu'il se sera construit à l'entrée du cimetière d'Hauterives. "La grotte où il y a trois géants c'est un peu de l'égyptien, en dessous on voit deux momies que j'ai façonnées et sculptées. Ces trois géants supportent la Tour de Barbarie où dans un(e) oasis croissent les figuiers, les cactus, des palmiers, des aloès, des oliviers gardés par la loutre et le guépard. À la source de la vie j'ai puisé mon génie". (1911). Realizing this East side. A gauche, il édifie le temple hindou, dans lequel une niche abrite sa "légendaire brouette". Ayant demandé sa retraite, il se lance désormais corps et âme dans la construction de son étrange monument. Les trois géants terminent la façade. La date de 1899 atteste que Ferdinand Cheval a passé vingt ans à la réalisation de ce côté Est.
Façade Nord
Dès 1882, poursuivant vers le nord, et prenant de la hauteur, Ferdinand Cheval construit une seconde cascade, la "Source de la Sagesse". Il multiplie les grottes et toutes sortes d'animaux (cerf, pélicans, crocodile...).
Puis il en vient à ce grand temple à la façade symétrique, le "Monument égyptien", temple avec quatre colonnes décorées de boules de grès boursouflées, et qui deviendra le "Temple de la Nature" (1884-1891).
La façade Nord, d’une grande richesse ornementale, peuplée d’animaux et autres bêtes mythologiques sous le regard d’Adam et Eve, est l’aboutissement de trente-trois ans de travail. La pieuvre, à l'angle opposé au bilan évoqué plus haut, est le point final de l’œuvre.
Façade Sud
À partir de 1891, comme voulant établir une symétrie de taille avec la partie nord, Cheval s'attaque au sud. Plus dépouillée, la façade Sud se présente comme un hommage aux temps anciens, à travers un " Musée antédiluvien ". Elle sert également d'accès à la terrasse, avec escalier et balcon. Elle est destinée à stocker les pierres pour le chantier qu’il comptait utiliser. Elle est aussi le lieu de repos des pierres qui n'ont pas trouvé leur place dans les autres endroits du palais. C'est aussi un accès dégagé vers la terrasse, avec escalier et balcon. La figuration d'un cèdre fait référence au plus vieux cèdre du Liban planté en France, justement situé à Hauterives. Sur la façade sud, il a écrit : "Ce que Dieu écrivit sur ton front arrivera". Il semble que cette citation soit un proverbe turc, mais d'autres proviennent de la bible, d'autres sont extraites du livre d'or des visiteurs ouvert dès 1905 du vivant du facteur et qu'il choisissait de reproduire sur l'édifice. D’autres enfin, comme "La reine des Grottes" sont liées à l'histoire ou à la géographie locale
Façade ouest
Très différente de la façade Est, plus rigoureuse et délimitée dans ses formes, la façade ouest est percée d'alcôves dans lesquelles le facteur Cheval a érigé des architectures miniatures du monde entier : La façade Ouest est ainsi plus propice à l'imaginaire : grâce aux illustrations de son époque, Ferdinand Cheval reproduit une mosquée, un temple Hindou, un chalet suisse, la Maison Carrée d'Alger, un château du Moyen Âge. Le visiteur peut également parcourir une galerie de vingt mètres de long, s'enfonçant dans le palais et agrémentée de sculptures. La Galerie est peuplée d’un bestiaire extraordinaire : dromadaire, ours, éléphant, chat, loup, flamant sont modelés en bas-reliefs. Au plafond des sortes de fausses lampes portent également des notices philosophiques de Ferdinand Cheval.
Le poème "Ton idéal, ton Palais" d'Emile Roux, inscrit à l’entrée de cette Galerie. a inspiré le nom du monument au facteur Cheval. Trois escaliers étroits et rigides mènent à une grande Terrasse qui couvre presque toute la longueur du palais.
C’est au pied de l'un d'eux que Ferdinand Cheval installe sa "pierre d’achoppement", celle sur laquelle il avait trébuché. Au sommet du Palais, entre figuiers de Barbarie et aloès, s’élève la "Tour de Barbarie". Un réservoir d’eau permettait naguère d’alimenter le Palais et sa "Source de Vie" en eau. Mais, l’eau endommageant trop l’édifice, le système dut être condamné.
Sur les colonnes de style classique, sont écrites les lettres : CHEVAL, en guise de signature de son œuvre.
Tout le palais est percé de multiples ouvertures, mais jamais il n’y a de portes à cause d'une coutume mortuaire qui exigeait que la maison d'un mort soit ouverte pour offrir à l'âme du mort l'accès immédiat à la félicité éternelle.
En 1894, Ferdinand Cheval a le malheur de perdre sa petite Alice âgée de quinze ans. Il ne se remettra jamais de son chagrin. Et en hommage, il construit, de 1894 à 1895, la "Villa Alicius". A sa retraite, en 1896, il s'y installe avec sa famille.
La villa Alicius, dédiée à Alice Cheval, est indissociable du Palais Idéal. Edifiée au nord-est du monument, elle présente un plan rectangulaire, à deux niveaux, avec un soubassement creusé de sortes de caves. Une terrasse couvrant la maison fut aménagée par le facteur afin d'offrir une vue panoramique sur le palais, lui conférant ainsi l'apparence d'une "maison des Indes". Cette terrasse a été couverte, en 1902, par une toiture en tuiles avec une charpente en bois. Sa fonction paraît avoir été essentiellement pratique et servi principalement à valoriser le Palais Idéal.
Vers 1906, un belvédère est édifié face à la façade nord du Palais. Il faut attendre 1912 pour l'achèvement des travaux du monument. A la mort de Cheval, en 1924, les gardiens du Palais Idéal s'installent dans la villa Alicius. L'ensemble, comprenant le Palais ainsi que la villa Alicius, est acquis par la municipalité en 1994.
Ferdinand Cheval a également fait œuvre littéraire. Il a disséminé plus de cent-cinquante inscriptions dans le monument. " Fils de paysan ", écrit-il, " je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d'énergie. Vingt-neuf ans je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l'honneur mon seul bonheur".
Toutes ces inscriptions permettent de mieux l’appréhender, mieux connaître sa morale. Elles traduisent également son besoin de reconnaissance, sa volonté de s’élever au-dessus de sa condition sociale, sa fierté de la tâche accomplie.
" L’hiver comme l’été
Nuit et jour j’ai marché
J’ai parcouru la plaine les coteaux
De même que le ruisseau
Pour rapporter la pierre dure
Ciselée par la nature
C’est mon dos qui a payé l’écot
J’ai tout bravé, même la mort".
Ferdinand Cheval attachait la plus grande importance à ce que les aléas de sa construction lui survivent. Il a rédigé à la main une vingtaine de cahiers dont certains résument également les articles rédigés par d’autres (en 1911, une bonne vingtaine d’articles ont déjà été publiés en France, en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis). Les exemplaires datés des 3 décembre 1911 et 4 février 1914 sont presque identiques et ne contiennent que la narration de Ferdinand Cheval.
Il tenait si fort à laisser une trace de son histoire que, sentant sans doute sa mort prochaine, il demande le 17 août 1924, à quatre témoins réunis autour du maire de sa commune une certification officielle. Ce qui donne à ces documents une valeur testamentaire.
Il meurt deux jours plus tard.
A la mort de sa fille, en 1894, il sollicite l’autorisation de la faire inhumer dans son palais. Il reprend son projet initial d'une tombe d'inspiration égyptienne, et lui construit une chapelle funéraire en ciment, pierres et coquillages, surmontée d'une croix. Mais il se heurte à la législation française, et l’autorisation lui est refusée ; et pour lui-même ensuite. Dès qu’il estime son Palais idéal terminé, il achète une concession au cimetière d’Hauterives, et débute en 1912 les travaux de ce qu’il appellera son "Tombeau du silence et du repos sans fin ".
“ Après avoir terminé mon palais de rêve à l’âge de soixante-dix-sept ans et trente-trois ans de travail opiniâtre, ", écrit-il, " je me suis trouvé encore assez courageux pour aller faire mon tombeau au cimetière de la paroisse.
Là encore, j’ai travaillé huit années d’un dur labeur. J’ai eu le bonheur d’avoir la santé pour achever ce tombeau appelé "le tombeau du silence et du repos sans fin", à l’âge de quatre-vingt-six ans.
Ce tombeau se trouve à un petit kilomètre du village d’Hauterives. Son genre de travail le rend très original, à peu près unique au monde. En réalité, c’est l’originalité qui fait sa beauté ".
Grand nombre de visiteurs vont aussi lui rendre visite après avoir vu mon "Palais de rêves" et retournent dans leur pays, émerveillés, en racontant à leurs amis que ce n’est pas un conte de fée, que c’est la vraie réalité. Il faut le voir pour le croire. C’est aussi pour l’éternité que j’ai voulu venir me reposer au champ de l’égalité ".
Il termine son tombeau en 1922. Celui-ci est situé près de l'entrée principale du cimetière. Il est une œuvre nettement plus modeste que le Palais idéal. Cependant, le visiteur peut y retrouver le style d'architecture du Palais, ainsi que le travail des coquillages. Les façades sud et est sont les plus remarquables. Une des rares références chrétiennes inscrites sur ce tombeau consiste dans la présence des lettres J-M-J (signifiant Jésus - Marie - Joseph). Il est également coiffé d'une croix.
Considéré par les habitants du village comme un original, voire un fou, Ferdinand Cheval s'éteint en 1924, à l'âge de 88 ans, en léguant ce monument à ses deux petits-enfants, seuls héritiers vivants au moment de son décès.
Ferdinand Cheval est inhumé dans la tombe qu'il avait terminée deux ans auparavant.
Aujourd’hui, il repose avec toute sa famille dans ce fameux tombeau qu’il a mis huit années à construire après les trente-trois ans de labeur qu’a nécessité le Palais idéal.
Bien que fortement décrié, le palais trouve rapidement d’ardents défenseurs, à commencer par André Breton qui, dans les années 1920, considère le palais comme précurseur de l’architecture surréaliste. Au début des années 1930, outre le soutien d’André Breton qui en 1932 dédira même un poème au facteur Cheval qu’il intitulera "le révolver à cheveux blancs", l'œuvre reçoit le soutien moral de plusieurs artistes tels que Pablo Picasso. Max Ernst qui séjourne en Ardèche durant l'occupation est fasciné par l'œuvre et lui dédie un de ses tableaux
En 1945, lorsque Jean Dubuffet forge son concept d’Art brut, il en reconnaît le facteur comme l’un des pionniers. Des artistes comme Jean Tinguely, Niki de Saint-Phalle en ont fait l’une de leurs sources d’inspiration. Boris Vian lui dédira une chanson…
La vraie reconnaissance ne viendra que bien plus tard, au moment du classement en monument historique : André Malraux, alors ministre de la Culture, est sollicité pour classer le palais au titre des Monuments historiques. Il appuie la procédure avant son départ du gouvernement, contre l’avis défavorable de ses pairs. Certains fonctionnaires du ministère de la Culture qualifient alors l’œuvre de Cheval comme un " affligeant ramassis d'insanités qui se brouillent dans une cervelle de rustre ", ce que Malraux s’applique à démentir, considérant le Palais Idéal comme "le seul représentant en architecture de l'Art naïf". Et, même s'il faut lui reprocher lourdement d'avoir refusé la Collection de Jean Dubuffet, il faut lui rendre grâce d'avoir accepté d'élever le Palais idéal au rang de Monument historique : "Qu'est-ce que le Palais idéal ?" déclare-t-il. "C'est le seul exemple en architecture, d'Art naïf…L'Art naïf est un phénomène banal, connu de tous, mais qui n'a pas d'architecture… En un temps où l'Art naïf est devenu une réalité considérable, il serait enfantin de ne pas classer quand c'est nous, Français, qui avons cette chance de la posséder, la seule architecture naïve du monde, et attendre qu'elle se détruise". Le Palais idéal est donc classé monument historique le 2 septembre 1969.
Alors que le palais est mis en gérance par les deux petites-filles du facteur Cheval, la première qui s’appelle déjà Alice et n'a pas de descendants, décide au moment de mourir en 1984, de léguer sa part du palais à la commune d’Hauterives. Dix ans plus tard, la seconde petite-fille, Eugénie, vend sa part à la commune de Hauterives, qui est ainsi propriétaire du palais depuis 1994. Date à laquelle elle prend en main la gestion et l'héritage du facteur Cheval, en l'occurrence le palais idéal et la tombe. Elle décide, à l'unanimité du conseil municipal, que la concession à l'origine pour quinze ans renouvelables devient perpétuelle, en reconnaissance du patrimoine légué. La commune contribuera à son rayonnement, non seulement culturel et touristique, mais aussi financier.
Voilà le Facteur Cheval passé à la postérité. Et voilà le palais reconnu, protégé au point d’en être aujourd’hui complètement bunkerisé. Ferdinand Cheval fait partie de ces rares artistes autodidactes, étrangers au milieu de l’art officiel, à mille lieux d’une création artistique institutionnalisée, à avoir produit une œuvre exceptionnelle, située hors du temps, hors des modes, avec pour seule inspiration leur imagination. Une œuvre aussi inclassable qu’universelle, dont le nom, Palais idéal, dit bien le propos de son auteur.
Et, pour le profane, retourner après bien des années visiter le Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives, c'est comme revenir à la source un jour de grande soif !!! Bien qu'il ait été transformé en bunker, sa grâce infinie reste intacte, ses milliers de cachettes, ses petits mystères, ses reliefs répétitifs et pourtant jamais les mêmes !!! Tout cela, est-il besoin de le rappeler, le travail herculéen d'un seul homme à qui, cent ans après, il faut renouveler son admiration absolue.
Jeanine RIVAIS
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THE POSTMAN CHEVAL, HIS ORIGINES, HIS VOCATION, THE REALISATION OF A DREAM,
THE IDEAL PALACE OF THE POSTMAN CHEVAL
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Joseph-Ferdinand Cheval, better known as the Postman Cheval, is born on April 19th 1836, in a family of modest farmers, at Charmes-upon-L'Herbasse, a small village in the Drôme of the hills. He dies on August 19th 1924, in Hauterives (Drôme). In 1858, he marries Rosalie Revol, a wardrobe-keeper that will give birth to two children, Victorin and Cyril. A widower in 1873, he marries again in 1878, with Claire-Philomene Richaud, herself a widow. She brings, as her dowry, the equivalent of joseph's -become a postman-, two years salary ; and a small property that permits them to buy a piece of land in Hauterives. Alice, the only daughter of that second wedding, born in 1879, dies at the age of fifteen.
As he has very little gone to school, Ferdinand has a bad command of the French language and writes phonetically. Yet, he gets his School Certificate and becomes a baker. He is eighteen years old when his father dies. His uncle, having become his tutor, has him quickly emancipated. He leaves the family farm to his brother and goes on being a baker for twelve years. Some people will say that kneading influenced his ability as a sculptor. He becomes a farm worker, but faced with misery, takes a competitive examination as a postman ; and officially becomes a member of Postal Service, as he is thirty-one years old. He is assigned in Hauterives post-office, and has to walk a daily thirty kilometres post-round.
He occupies his hours of post-round in vague daydreamings, until a time when a repeating dream starts obsessing him, (In fact, in spite of divergent opinions, Professor Dulac, a neuropsychiatrist in Necker hospital, suggests that he starts representing the typical sort of Asperger Disorder, his behavior attesting of some autistic aspects. A monomaniac man, obsessed by the idea of building a wonderful and large palace in his own garden, he does indeed exhibit a special character.
So, what is that dream that obsesses him ? He will never be quite final about its contents ; but according to his family, he would sum it up thus, in 1905 : “I built in a dream a palace, a castle or some caves, I can't very well express it to you, but it was beautiful, so vivid that ten years later, it was still carved in my memory, because I had never been able to tear it off me”. He added : “I had then overtaken by three years that big equinox of life that is called “forty years old”. That age is no longer that of mad ventures and castles in the air. Well then, at the time when my dream was by and by falling into the haze of forgetfulness, and incident suddenly brightened it up : My foot hurt a stone that almost knocked me down. I wanted to look closely at my stumbling-block, it had such a strange form that I picked it up and took it away”. Some people declare that, in fact, he had rolled over for a few yards, the brutality of the fall having provoked the capital release. In fact, that stone is so strange that he names it his “stumbling block”. The next day, seeing some others at the same place, Ferdinand Cheval understands that the thousands of stones of which he will be able to dispose, will be the material he will need to build his palace.
His second wife's financial contribution allowing him to buy a piece of land, comforts his decision. At his little Alice's birth, he starts digging a first basin that will be the founder element of the building. Soon, he realizes that his land is not large enough. He buys a second one at ransom price from a neighbor. At his daughter's death, in 1894, he gets over his loss by creating the “Alicius Villa”, the “Hindu Temple”, and the “Three giants”.
His body is ill-treated, his hands are burned by chalk. In spite of all, he goes on working : The “Gallery of the maze” is finished in 1896 ; the North and South Fronts in 1897 ; the western one in 1902. For thirty years, he will have used his wheelbarrow, pulling it back every evening full of stones. Every piece will have been miraculously arranged ; the way the light plays on any new addition carefully studied. At the death of his last child, in 1912, he will definitively close his building-site and will proceed to the Hauterives cemetery entrance where he will build his tomb.
To come at the foot of the Ideal Postman's palace means, for the visitor, having the impression that it is quite small. But that, by and by, it grows bigger as the visit goes on. He is going to feel how lucky he is to admire such a unique realization : the herculean work of a builder alone before the difficulty to conceive a monument destined to last perpetually.
How is this “Palace” born ? At the heart of the field he has bought, the Postman Cheval imagines a palace, certainly uninhabitable, but pleasant to discover ; peopled with an incredible bestiary of exotic or familiar animals – octopus, doe, caiman, pelican, bear, raccoon, birds... but also mythological, weird, giants, fairies... The wide range of elements being linked to no school, even tackling infinitely variable architectures that could come from all continents, surprises the visitor at every step, by its unclassifiable character so varied that it is universal. Only tardily will Ferdinand Cheval take the measures of his building : “The Eastern front is 26 metres long ; the western front is also 26 metres long, the North one 14 and the South one 12. The height varies according to the places, from 8 to 12 metres. When I started, I did not think I should reach such proportions, and I built successively”.Which dimensions he will sum up at theNorth-East angle of the structure, thus drawing up a balance placard : “1879-1912. 10 thousand days. 93 thousand hours. 33 years endurance tests. More stubborn than me, let him start working”.
The Postman Cheval begin his works by the East Front in the Spring 1879. At half-length of the prepared basin, he digs a fountain he calls “The source of life”, protected by a lion and a dog. That he soon surrounds by springs, caves, temples, thus beginning his multitude of rockeries. To prove his tenacity and courage, he places three quotings in the stone : “Happy free man, brave and hard-working”, “where there's a will there's a way”, “At the source of wisdom alone, we find happiness”. On the right, he adds an egyptian tomb where he wishes to be buried with his wife. But, like Picassiette in Chartres, this authorization is refused to him. Yet he will have, contrarily to his comrade in build, the permission to be buried in the tomb he will have built at the entrance of the Hauterives cemetery. “The cave where there are three giants, it is a bit of egyptian ; under, one sees two mummies that I shaped and carved, These three giants bear the “Tower of Barbary” where, in an oasis, grow fig-trees, cacti, palm-trees, aloes, olive-trees, watched by the otter and the cheetah. At the source of life, I dug my genius” (1911). On the left, he builds the Hindu Temple in which a dug-out shelters his “legendary wheelbarrow”. From now on, having asked for his retirement, he plunges body and soul in the building of his strange monument. The Three giants end the front. The date, 1899, attests that Ferdinand Cheval spent twenty years realizing this East side.
The North Front :
From 1882, building on towards the north, and gaining in height, Ferdinand Cheval builds a second waterfall, the “Source of Wisdom”. He multiplies caves and all kinds of animals (deers, pelicans, crocodiles...).
Then he comes to that great temple with its symmetrical facade, the Egyptian Monument, a temple with four columns decorated with puffy sandstone balls, which will become “The Temple of Nature” (1884-1891).
The North Front, showing a great ornamental source of wealth, populated by animals and other mythological beasts under the look of Adam and Eve, is the outcome of thirty-three years of work. The octopus, at the opposite angle evoqued above, is the finishing point of the work.
The South Front :
From 1891, as if he wanted to create a symmetry of size with the North front, Cheval tackles the south. Barer than the other facades, the South front is like a homage rendered to the old times, through an “Antediluvian Museum”. It is also used as an access to the terrace, with a stair and balcony. It is used to stock the stones he wants to use lately for his building. It is also a place of rest for the stones which have not found any use in the preceding places of the palace. The representation of a cedar is a reference to the oldest Lebanon cedar planted in France, and precisely situated in Hauterives.
On the South Front, Ferdinand Cheval has carved : “What God has written on your forehead will happen”. It seems that this quoting is a Turkish proverb, but others belong to the Bible ; others come from the visitors’ golden book opened soon as 1905, when the postman is still alive, and that he chooses to reproduce on the building. Others, at last, like “Queen of the caves”, are linked to local history or geography.
West Front :
Very different front the Eastern Front, more rigorous and delimited in its forms, the West Front is bored with recesses in which the postman Cheval erects miniature architectures from the whole world : Thus is the West Front more favorable to imaginary : Thanks to illustrations of his time, he reproduces a mosque, a Hindu Temple, a Swiss chalet, the Square House of Algiers, a Middle-Age castle. The visitor can also ramble along a twenty meters long gallery going deep into the palace and adorned by sculptures. The gallery is populated by an extraordinary bestiary : dromedary, bear, elephant, cat, wolf, flamingo are chiseled in low reliefs. On the ceiling, sorts of false lamps also bear philosophic notices : “Life without an aim is…”
The poem “Your ideal, your Palace” from Emile Roux written at the entrance of the gallery has inspired the name of the monument to the Postman Cheval. Three narrow and rigid staircases lead to the Terrace which covers almost the whole length of the palace. At the foot of one of them, Ferdinand Cheval settles his stumbling-block, the one on which he had almost fallen. At the top of the palace, between fig-trees and aloes, rises the “Tower of Barbary”. A tank formerly provided water to the palace and its “Source of life”. But, the water damaging the buildingtoo much, the tank had to be closed.
On the columns of classical style, have been carved : “CHEVAL” as a signature for the whole work.
The whole palace has been bored with apertures, but never were there any doors, because of the mortuary custom that required for the dead person’s house to be opened ; so as to offer the dead’s soul to immediate access to eternal happiness.
In 1894, Ferdinand Cheval has the great misfortune to lose his fifteen years old little Alice. He will never recover from his sorrow. As a homage, he builds, from 1894 to 1895, The “Alicius Villa”. When he is in retirement, in 1896, he settles in it with his family.
The “Alicius Villa”, dedicated to dead Alice Cheval, is inextricably tied to the Ideal Palace. Built North-East of the monument, it presents a rectangular plan, with two levels, and a basement of sorts of cellars. A terrace covering the house is fit by the postman to offer a panoramic view on the palace, therefore converting it as an “Indian house”. This terrace has been covered in 1902, with a roof of tiles and a wooden frame. Its part seems to have been essentially practical and chiefly serves to valorize the Ideal Palace.
About 1906, a view-point has been built facing the North front of the Palace. One must wait till 1912, for the finishing of the works on the monument. At Cheval's death, in 1924, the care-takers of the Ideal Palace move to the Alicius Villa.
Ferdinand Cheval also acts on literary creation. He disseminates more than one hundred and fifty scriptures in the monument. He writes : “Son of a farmer, I want to live and die to prove that, in my category, there are also men of genius and energy. For twenty-nine years I have remained a country postman. Work makes my glory, and honor my only happiness”.
All these scriptures permit to know him better, know his moral better. They also carry his need of gratefulness, his will to rise above his social condition, his pride of work done.
Winter as well as summer
Night and day I walked
I went over plains, hillsides
And also the brook
To carry the hard stone back
Chiseled by nature
It was my back that paid its share
I bravely faced everything even death”.
Ferdinand Cheval strongly wants that the hazards of his construction will survive him. He has written by hand around twenty copy-books, some of them also resuming articles written by other people (in 1911, around twenty had been published in France, Deutschland, England and USA). The two copies dated December 3rd 1911 and February 4th 1914 are almost identical and present only Ferdinand Cheval's story.
He so strongly wants to leave track of his history, that, maybe feeling his death near, on August 17th 1924, he asks for an official authentication of his copy-books, from four witnesses gathered around the Hauterives mayor. Which gives these documents a testamentary value.
He dies two days later.
At his daughter's death, in 1894, Ferdinand Chevalseeks permission to have her buried in his palace. He starts back with his first project of an Egyptian tomb, and builds in cement, stones and shells a funeral chapel topped with a cross. But he comes up against French legislation, and the authorization is refused to him. And for him later. Soon as he considers his palace finished, he buys a grant of land in the Hauterives cemetery, and in 1912 starts the building of what he will name his “tomb of silence and endless rest”.
He writes : “After having finished my dream palace, at the age of seventy-seven years and thirty-three years of obstinate work, I still found myself courageous enough to go and make my tomb in the parish-cemetery.
There again, I worked for eight years of a very hard work. I was happy to be healthy enough to end this tomb called the“ tomb of silence and endless rest” at the age of eighty-six years.
That tomb stands at a small kilometer of the Hauterives village. Its style of work makes it very original, about the only one in the world. In fact, it is uniqueness that makes its beauty.
A great number of visitors also go and visit it after having seen my “Dream Palace”. And go back wonder-stuck to their country, telling their friends that it is not a fairy-tale, that it is the very truth. You must see it to believe it. It is also for eternity that I have wanted to come and rest at the field of equality”.
He ends his tomb in 1922. It is situated near the cemetery main entrance. It is much more modest than the Ideal Palace. Yet, the visitor can rediscover the architecture style of the Palace, and such work with shells. The East and South Front are the most remarkable. One of the scarce Christian references carved on the tomb are the choice of the letters J-M-J (meaning Jesus-Mary-Joseph). Also, it is topped with a cross.
Considered by the village inhabitants as an odd, even a crazy man, Ferdinand Cheval dies in 1924, eighty-eight years old, He devises his monument between both his grand-children, only live heirs at the moment of his death.
He is buried in the grave he finished two years before.
Today, he rests with his whole family in this famous tomb that he spent eight years to build, after the thirty-three years needed to build the palace.
Because of its strangeness, the palace is strongly discredited. Yet, it quickly finds staunch defenders, beginning with Andre Breton who, in the years 1920, considers the palace as a precursor to surrealist architecture. At the beginning of the thirties, beyond Andre Breton's help, who, in 1932, will even dedicate a poem to the postman Cheval, that he will title “The revolver with white hair”, it receives the moral support of several artists, such as Pablo Picasso. Max Ernst, who sojourns in the department of the Ardeche during the German Occupation, is fascinated by the work and dedicates one of his pictures to it.
In 1945, when Jean Dubuffet forges his concept of Art brut (Outsider Art), he considers the postman as one of the pioneers. Artists as Jean Tinguely, Nikki de Saint-Phalle,,, make their source of inspiration out of it. Boris Vian will dedicate a song to it...
The genuine acknowledgment will come much later, at the time of the classification as a historical monument : Andre Malraux, then Minister of Culture is asked to classify the monument as a historical Monument. He agrees with the procedure before his departure from the government, Yet, some ministry officials consider Cheval's work as “an afflicting bunch of nonsense which become confused in a boorish's brain”, what Malraux strives to deny considering the Ideal Palace as “the only representative in architecture of Naive Art”. And even if one may heavily blame him for refusing Jean Dubuffet's Collection, one must give thanks to him for having accepted to raise the Ideal Palace as a Historical Monument : “He declares : “What is the Ideal Palace ? It is the only example in architecture of Naive Art... Nave Art is a commonplace reality, known to everyone, but which has no architecture... In a time when Naive Art has become a considerable reality, it would be childish not to classify, when we, French people, have the luck to own it, the only naive architecture in the world and wait for its destruction”. The ideal Palace is therefore classified as Historical monument on September 2nd 1969.
While the palace is farmed out by by the postman Cheval's two grand-daughters, the first one who is already called Alice and has no progeny, decides at the moment of her death in 1984, to bequeath her part of the palace to the commune of Hauterives. Ten years later, the second grand-daughter, Eugenie, sells her share to the commune, which thus becomes the owner of the palace in 1994. At which date, it takes in hand the managing of the postman Cheval's legacy, that is the palace and the tomb. It decides, by a unanimous vote of the City-Council, that the granting originally for fifteen renewable years, becomes perpetual in recognition of the heritage bequeathed. The commune will contribute to its radiance, not only cultural and touristic, but also financial.
And here is the postman Cheval passed down to posterity, And here is the palace renowned, protected as far as to be bunkerized ! Ferdinand Cheval is one of those scarce self-made artists, who have no part in the official art, living a thousand miles of an institutionalized artistic creation, to have produced an exceptional work, situated out of time, out of fashion, with for only inspiration, their imagination. A work as unclassifiable as it is universal. Its name, Ideal Palace, says quite well its author's purpose.
And, for the outsider, going back after many years to visit the postman Cheval's Ideal Palace in Hauterives, is like going back to the source, a day of great thirst !!! Though it has been completely surrounded, its infinite grace is intact, its thousands of hiding places, its little mysteries, its reliefs repetitive and yet never the same !!! All that, is it necessary to recall it, the work of a lone man to whom, a hundred years later, one must renew an absolute admiration
Jeanine RIVAIS
TEXTE ECRIT EN MARS 2022