MAX ALHAU 

“CETTE COULEUR QUI IMPATIENTE LES PIERRES”

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          Dans notre fin de siècle où la poésie est si peu lue et écoutée, quelques îlots parisiens attentifs lui conservent ses lettres de noblesse : la crypte de la Madeleine ;  la Maison de poésie sous la houlette de Bernard Jourdan ; la Maison de la Poésie sous celle de Michel de Meaulnes, “diseur” infatigable qui, en cinq ans a multiplié par dix le nombre de poètes accueillis dans ses murs. D’autres, moins officiels, témoignent pourtant d’un amour sans faille pour cette forme d’expression où les auteurs se mettent à nu, expriment leurs interrogations et bien souvent leur mal-être : mais la poésie n’est-elle pas, depuis la nuit des temps, le moyen qu’ont trouvé les hommes, pour conjurer, exprimer  –transmettre-- leurs angoisses ? 

          L’un de ces lieux privés qui organise chaque mois une soirée poétique, ne se dément jamais par la chaleur de l’accueil, la convivialité des maîtres de maison, la qualité des auteurs qui s’y succèdent : c’est l’appartement des époux Farellier, à l’ouest de la capitale ! C’est dans ce lieu privilégié que, récemment, Max Alhau a charmé et ému un public nombreux et très attentif. Il a lu, ce soir-là, entre autres pages de son oeuvre déjà importante, un nombre significatif de textes de son dernier recueil publié : "Cette couleur qui impatiente les pierres".

 

          Lorsque Max Alhau écrit : “Tu es arrivé trop tard au rendez-vous que tu t’étais fixé... Ce visage, le tien a  désormais pris ses distances..., résume-t-il une situation existentielle oppositionnelle ou impuissante à résister à la banalité du quotidien, qu’il développe dans les deux chapitres de son ouvrage , intitulés “Passer outre” et “Vérité mirage” ? Au fil des poèmes, le lecteur “vit” en tout cas deux “temps” ; celui où le poète dit “tu”,  comme s’adressant à un double dont il serait un témoin amical et compréhensif, comme à un vis-à-vis effectuant là quelque “voyage immobile, voire en pensée”, avec la conscience d’être “la vigie d’un navire imaginaire” ? Au cours de ce voyage initiatique, Max Alhau s’interroge sur lui-même, mais aucune réponse n’est donnée à ses interrogations ; du moins ne les entend-il pas : pour les entendre, il “ne possède pas les clefs”. Il se raccroche à des absolus, des racines qui l’aideraient peut-être, le rassureraient sans doute ; affirmant en phrases à tournure proverbiale qu’”aimer une terre, c’est célébrer la nudité” car, dans son esprit, la terre EST l’absolu, même asservie par “des suzerains pressés d’affirmer leur minuscule puissance”...Le lecteur se trouve alors à un carrefour de voies à explorer : celles où l’auteur est à la fois attaché à des liens ancestraux (la terre), esthète à la recherche du corps (la nudité), et incidemment ou de façon raisonnée, dénonciateur de situations politiques criantes (suzerains, minuscule puissance).

          Le poète a-t-il un jour, lorsque “le voyage a pris des teintes ocre et bleu pastel”, trouvé une âme sœur ? Toujours est-il que, dans la seconde partie du recueil, il parle de “nous”. Mais un “nous” encore incertain, puisque “nous” “sommes passés en fraude”. Certes, cette seconde partie est plus humaine, moins désincarnée. Pourtant, ce nouveau “voyage” ne sera pas plus facile que les précédents, puisque “s’effacent les empreintes diaphanes, les nôtres sans doute”... Mais, pour la première fois, le poète évoque “la joie (qui) ébranle le corps...pour décrypter les moindres indices d’une nouveauté sans apprêt”.

          Heureux, Max Alhau ? Gardant la mémoire du “feu éteint”, sensible à la lueur de “l’éclair”, à “l’ombre et la lumière”, etc. ? Comme si, enfin, il était né à un monde nouveau, et qu’au fil des “moments”, il devienne capable d’en éprouver les variations... le vide aussi ! Car, il est décidément le poète d’un pessimisme qui l’entraîne de “cathédrales désertes” en “royaumes en jachère”, en une alternance de “clairières” et “d’espoirs fallacieux” vécus par un être angoissé cherchant comme son Graal, sa “ligne de partage des eaux” !

          Composée de poèmes en prose, l’oeuvre de Max Alhau, dense et concise ; fluide, même dans ses moments de détresse, est d’une grande précision des sentiments successifs qui l’animent, avec un vocabulaire sophistiqué, fin, élégant  et descriptif, voire narratif !

          L’impression en bleu de ce recueil symbolise-t-elle le bleu du spleen véhiculé par le poète (moins lisible que le noir, elle oblige en tout cas le lecteur à une plus grande attention !) Ou doit-elle donner à penser à celui qui suit son trop souvent tragique itinéraire, que viendra le jour où, enfin, l’auteur arrivera heureusement au “terme du chemin” ? Résidera-t-il alors dans l’un de ces paysages encaissés de Nicole Miard, dont les aquarelles proposent une série de vallées noyées de brumes ; surplombées de lourdes plaques de neiges dures, aux pentes ravinées... “en deçà de tout repère, aux avant-postes de l’indicible” ? 

Jeanine RIVAIS

 

Max ALHAU : (Prix Voronca. Prix Artaud 1996). Cette couleur qui impatiente les pierres : Editions Voix d’Encre.

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LA NOUVELLE TOUR DE FEU)