Ve FESTIVAL D’ART HORS-LES-NORMES DE PRAZ-SUR-ARLY (Haute-Savoie)
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LES CALLIGRAPHIES DE SERGE PANAROTTO, dessinateur
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Lorsqu’il dessine, Serge Panarotto n’est-il pas plutôt dans un monde de calligraphies picturales ; et ses œuvres qui proposent des « bouquets » « dessinés » ne sont-elles pas, en fait, des pages magnifiquement « écrites » ? Ce mot « bouquet », souvent employé dans des acceptions banales et sans trop de fidélité, est à prendre, chez cet artiste, au sens littéral : « touffe serrée d’arbustes, de fleurs ou de plantes… ».
Mais, les « bouquets » de Serge Panarotto sont composés de minuscules personnages, drus comme marguerites dans les prés ; ici, enchevêtrements de têtes autour de celle d’un vieil Asiatique à la fine moustache, bombant son crâne chauve ; là autour d’un clown triste, en des symétries de visages couverts de longues barbes ; ailleurs auréolant la tête d’une blonde jeune fille dont aux seins dardés entre hippocampe et Indien aux lourdes peintures de guerre ; ailleurs encore fines silhouettes longilignes reliées à des fils très fins, au point de donner une impression de dentelle… Il peut aussi s’agir réellement de fleurs, mais étranges, enroulées en fines circonvolutions, fragments de rubans ondulants ; si drues et vibratiles que, lorsqu’elles sont absentes sur un petit espace, l’œil impressionné ne parvient pas à « voir » le vide, il garde imprimée la rémanence de ces voltes, ces arcs, ondulations aquatiques et friselis de « couleurs »…
Car, si toutes les œuvres de Serge Panarotto sont en noir et blanc, à la plume et à l’encre de Chine, il sait si parfaitement moduler ces deux valeurs, affirmer certains passages en les appuyant lourdement en noir de nuit ; en modérer d’autres, au moyen d’infimes granités, de traits ténus dont les regroupements génèrent des sortes de fibres aux mouvements ascendants qui sont à l’origine de cette sensation de nutation de l’œuvre !…
Dilemme : s’agit-il bien d’ «écritures » ; ne pourrait-il s’agir de « dessins » ? Mais l’artiste alors, en organiserait probablement les éléments jusqu’à générer des réalismes, des graphismes, des formes signifiantes… et, à un moment, parviendrait à la fin de sa composition. Or, tel n’est pas le cas : il semble que seules les dimensions du support puissent arrêter la main qui court à l’infini sur le papier… qu’elle soit à même de poursuivre indéfiniment son travail, que la souplesse du poignet soit essentielle, que l’esprit ne puisse une seule seconde se permettre de vagabonder sous peine de rompre les rythmes, partir dans une autre direction qui ne corroborerait pas la première.
Mais si c’est bien là une « écriture », que dit l’auteur de ce langage tellement personnel ? Car il est impensable que ces milliers de pages si sobrement créées, ou au contraire composées avec une telle surabondance de détails, ne soit qu’esthétique ! De là, il faut déduire que l’auteur, avec sa calligraphie nerveuse, sa fréquence de pleins et de déliés, de barres et de rondes, ses pictogrammes et ses figures scripturales, raconte une histoire « pleine de bruit et de fureur »… (¹) Pourtant, lorsque le spectateur s’approche et se rend compte qu’il est confronté, en fait, à un non-texte, en tout cas, un « dit » qu’il est incapable de déchiffrer, le voilà ébahi et prêt à conclure qu’il s’est sans méfiance laissé abuser par ce jeu sur le signe !
Et c’est alors, qu’immanquablement, son questionnement se porte sur l’artiste, ce Serge Panarotto qui, de façon obsessionnelle, des millions de fois au fil des années, dessine, trace, file d’un angle à l’autre de la feuille, muse sur ses fameux bouquets centraux ! Il l’imagine, confronté à l’obsession de la page blanche, puis tout à coup, le nez collé à la plume, tout entier emporté par son rythme, attentif à n’en pas dévier, incapable peut-être d’en dévier… Ce visiteur s’interroge alors : une telle création est-elle un plaisir pour son auteur ? Est-elle une souffrance ? Toutes ces trémulations de formes répétitives ne lui mangent-elles pas les yeux ? Et si, malgré tout il persiste et semble heureux, n’est-ce pas sa façon bien à lui d’évacuer son mal-être ? Cette infinie patience dont il fait preuve est-elle le moyen qu’il a trouvé pour conjurer le stress ? S’agit-il d’un conte dans lequel il serait condamné à délinéer, puis combler encore et encore? Autant d’interrogations sans réponse définitive ! Au fond, qu’importe : Serge Panarotto est un artiste de grand talent et regarder son œuvre est un plaisir pour les yeux et pour le cœur !
J. R.
(¹)William Faulkner
PANAROTTO Serge : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES CALLIGRAPHIES DE SERGE PANAROTTO" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°71 de JANVIER 2002, Ve FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY.
Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 2001