JEAN-LOUP BESSON

Entretien avec JEANINE RIVAIS

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          La partie la plus « imaginative » de sa création ressemble extérieurement à des sortes d’énormes fourmilières. Il s’agit en fait de bois rongés par des insectes, parcourus de galeries, etc. Que l’artiste a retirés de vieux troncs morts. Dont il a ramassé les morceaux qu’il a tenté de reconstituer le plus près possible de l’identique. 

 

          Jeanine Rivais : N’avez-vous jamais été tenté de prendre en photos ces morceaux avant de les extraire de l’arbre ? Puisque votre travail se décompose en somme en deux temps : récupérer et reconstruire. 

Ce qui semble curieux, ici, c’est que la forme générale de cette œuvre ressemble à une fourmilière, et en même temps à une fourmi dont on distingue nettement les pattes, la tête, les mandibules… S’est-il agi pour vous de construire à la fois l’habitacle et l’habitant?

          Jean-Loup Besson : Je ne prends pas de photos parce qu’en fait, je n’ai jamais de plan. Je pose sur ma planche de travail un morceau de bois. Sa forme va appeler la suivante, etc. Je n’ai jamais de maquette, j’improvise. Et je ne sais jamais à quelle forme je vais aboutir. Quant à la fourmilière, c’est ce que vous y voyez, d’autres réagissent autrement…

 

          J.R. : Ici, je vois que vous avez collé du sable sur les bois. Quand vous procédez ainsi, vous essayez de donner à votre bois l’aspect du métal rouillé ? 

          J.L.B. : Non ! Pour moi, cela reste du bois. Mais cette beauté dure trois jours ! Après, le bois sèche, il n’est plus aussi beau. Et je ne veux pas le cirer. Je préfère le couvrir de sable pour lui donner un aspect plus brut.

 

          J.R. : Nous voici maintenant devant des animaux totalement retravaillés, brillants, dorés parfois… Quelle relation établissez-vous entre les œuvres précédentes, véritable travail… de fourmi, pourrait-on dire, et cette série qui me semble des constructions et non plus des découvertes ? Qu’est-ce qui fait qu’à certains moments, vous soyez si proche de la nature, à d’autres tellement éloigné comme le prouvent ces animaux factices ?

           J.L.B. : Pour les petits objets, j’ai trouvé les éléments dans la forêt. Vous voyez quelque chose qui dépasse de la mousse, vous tirez et ce que vous venez découvrir est inattendu, comme lorsque vous ouvrez une pochette-surprise ! Mais ces grands objets n’existent pas dans la nature. Alors, j’ai dû les agrandir. J’ai donc pris des portemanteaux, des fils de fer, du drap pour les entourer, etc. Dans le ventre de certains, j’ai placé une radio, de l’électronique…

 

          J.R. : Qu’est-ce que l’électronique leur ajoute ?

         J.L.B. : Un gag, souvent. Mais aussi une similitude avec les films de science-fiction. Pour que l’on imagine un scientifique venu d’une autre planète qui, comme le Docteur Moreau dans son île, créerait des animaux étranges. Un savant qui prend des créatures vivantes, mais les retape à grands coups d’électronique !

 

          J.R. : Mais ne croyez-vous pas que ces animaux qui ont déjà des formes tout à fait science-fictionnelles et aux lignes très pures n’ont nul besoin de ces ajouts qui me semblent faire redondance avec le principe de ces animaux ?

          J.L.B. : Effectivement. Mais j’ai toujours besoin d’ajouter des choses. Et cette grande tour est un jeu de miroirs de pièges, de mystères ; parce que les profondeurs ne sont pas là où on les voit.

 

          J.R. : C’est donc un travail sur l’illusion et l’apparence ? 

          J.L.B. : Voilà. On voit un personnage mais il n’est pas là, il est dans un autre miroir. Et, en fait, la plupart sont collés au plafond. Toujours mon goût pour les énigmes.

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DE L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.