L’histoire de Joël Crespin qui rêvait, enfant, d’ « être couturière » commence le jour où il décide de coudre sur des supports rigides, de surprenantes poupées en tissus de couleurs, rembourrés, surjetés, brodés, emperlés… jusqu’à ce que lui apparaisse le côté restrictif de sa démarche ; que naisse l’idée de distendre la toile ; en exploiter les gondolages ; encoller irrégulièrement ce matériau pour créer des géographies anarchiques ; en suivre et en accentuer les suggestions ; les faire devenir, par le truchement de lambeaux d’étoffes, boudins surajoutés, plis aux angles saillants… Etre de plus en plus autoritaire sur l’évolution de la forme pressentie ; encoller le tout pour que la peinture, bien étalée sur les concavités, tassée dans les anfractuosités, mate ou glacée, protégée de vernis, affirme la dissidence du peintre, passé dans la troisième dimension. Voilà Joël Crespin créateur d’œuvres qui sont des sculptures murales ou des peintures en relief, s’échappant même parfois de leur support pour devenir des compositions quadrifaces !
Tout serait donc limpide dans cette démarche où l’artiste va et vient d’une grande liberté plastique à des réactions esthétiques, n’était qu’il est parfois dépassé par son inconscient : S’il assume sereinement la main tenant la tige-phallus d’une fleur ; s’il jongle avec les dérèglements érotico-burlesques de ses houris aux seins provocants… a-t-il une réponse pour les bouches cousues à gros fils ; et surtout pour l’inégalité patente entre les protagonistes de ses couples où la femme est toujours belle, sensuelle, succube impérieuse dominant de sa haute stature l’homme petit, au faciès veule, voire carrément débile ?
Au spectateur de ne pas se laisser prendre à l’apparente désinvolture de ses surfilages ; ses avancées libératoires de tous les interdits ; pour être finalement susceptible d’entrer dans son rêve ; démêler les implications des « nœuds » psychologiques qui corsètent perversement les étranges personnages de cette œuvre picturale attachante, provocatrice et dubitative !
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : COUTURES ET FANTASMES TISSUS D’HUMOUR NOIR, chez JOEL CRESPIN, peintre" : N° 75 Tome 1 d'AOUT 2004 du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. Et ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : NOTTONVILLE 2007.