Bernard Jund étant absent, l’entretien s’est déroulé avec son épouse.
Jeanine Rivais : Votre mari réside en Bretagne, mais vu l’exotisme de ses œuvres, a-t-il fait comme Gauguin, et est-il parti aux Iles sous le Vent ? Et qui sont ces femmes, nues comme Eve, qui semblent vivre dans les arbres ?
Madame Jund : Non, pas à Tahiti. Mais il a vécu en 1977, plusieurs semaines en Guyane française, en pleine jungle, parmi des Indiens waïapi. Il a été tellement impressionné par son séjour là-bas, que depuis lors, il peint des Indiens et l’Amazonie. Il pourrait aussi bien vivre à Paris ou à Tombouctou, qu’en Bretagne, rien ne serait changé, puisque son monde intérieur est sur les toiles.
J. R. : Cependant, il ne s’est pas complètement dispensé de civilisation puisque, si nous avons des femmes dans les arbres, il y a aussi au pied de ces arbres, des tuyaux … des tuyaux de pétrole ?
Mme J. : Ils sont là dans une optique critique. En effet, dans l’un des tableaux, il y a ce que l’on appelle là-bas « la valise de métal », c’est-à-dire l’invasion industrielle. Et les Amazoniennes, inquiètes, ont disparu dans les arbres. Ensuite, on ne peut rien voir, sans doute parce que tout le monde est dans l’expectative. Dans le tableau suivant, un homme était venu prospecter, mais comme les problèmes de transport du pétrole étaient insolubles, il a renoncé à l’exploiter. Mais les installations sont restées derrière, à rouiller !
J. R. : Votre mari définit-il ses œuvres comme des peintures en relief ou des sculptures plates ? Et comment réalise-t-il ses reliefs ?
Mme J. : Des peintures en relief. Il place, mélangées à la peinture, des épaisseurs de sable plus ou moins fin selon le résultat qu’il veut produire. Et il termine par des couches de peinture. Il est également sculpteur, il n’a donc pas pu se résoudre à faire de la peinture plate.
J. R. : Quelques-unes ressemblent, en effet, vraiment à des sculptures.
Mme J. : Oui, et lorsque cette matière durcit, qu’il a composée pour réaliser ses dénivellements, elle ressemble à des scories de volcan, à de la lave.
J. R. : Je trouve que ce travail est assez proche de la bande dessinée.
Mme J. : Cette série-là, en effet. Mais il ne procède pas toujours ainsi. Il peint souvent des conquistadors arrivant avec une armée. Et bien sûr, les tribus sont décimées. Il prend souvent la défense des tribus minoritaires. Des populations opprimées. Des villages…Parfois, il peint les coutumes de là-bas, ici des hommes qui jouent avec des bâtons ; ailleurs des hommes avec des miroirs... Et souvent, il bouche une partie du paysage pour créer une impression d’isolement.
Voilà bien des années, qu’il « cherche » ces Indiens dans les mangroves ; sachant que lorsqu’ils sont dans les arbres, vous ne les voyez pas, mais eux, vous voient !
CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DE L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.