JOËL LORAND

Texte de JEANINE RIVAIS

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          Les hommes exorcisent de mille façons l’angoisse de la paternité ! Lorsque semblable avatar l’a « touché », Joël Lorand s’est mis à peindre. Et depuis, il ne s’est plus arrêté ! Pourtant, il ne s’agit pas d’une histoire rose ou bleue qui enchanterait le père et le fils.  Mais d’un conte terriblement noir fouissant des profondeurs que cet autodidacte, innocent jusqu’à la trentaine de l’action de peindre,  n’avait jamais auparavant soupçonnées en lui !

           Un conte où la mort est omniprésente. … Grimaçant de toutes ses dents… Observant d’un visage sardonique les efforts de cet humain pour se débarrasser d’elle. Concrétisée sous forme de missiles éjectés au-dessus des têtes de « la foule » et de torpilles menaçantes posées au hasard des « routes ». Présent aussi, le sexe, sous formes d’arbres-champignons turgescents, aux houppiers entourés de pilosités qui en accentuent l’érotisme. Puis les protagonistes : A chaque cheval, à chaque cycliste, son chemin. Mais, malgré l’attitude de mouvement qu’ils affectent, leurs « voyages » sont en réalité immobiles, et cet immobilisme n’est pas innocent : Que font, en effet, ces personnages, sur leurs vélos de guingois ou leurs chevaux bariolés lourdement caparaçonnés de bandelettes nerveusement griffées ; postés à l’avant-plan sur la route serpentine qui commence à un visage humain, sinue en pointillés ou en taches incertaines, bifurque à la verticale le long du flanc gauche de la toile ; et se termine à un autre visage, animal celui-là, sorte de spermatozoïde géant hérissé de vibrilles ? Plus récemment sont apparus des personnages féminins qui ont l’air d’être pris dans la pierre. L’une a dans le ventre un œuf décoré, l’autre une sorte de quadrupède/serpent ailé… une troisième laisse des foetus se promener sur sa jupe, et “dans” une autre batifole une famille très laide, nantie de dents énormes… Enfin, les mots sont toujours présents, dans la peinture de cet artiste ; rompant, ou au contraire prolongeant les rythmes picturaux. Manuscrits, qui plus est, pour souligner l’intensité, l’intimité et la complicité qu’il entretient avec ses créatures… Ajoutant leur violence à cette poésie de l’étrange et du mal-être qui, tel un tourbillon entraîne l’artiste très loin du quotidien d’où il était parti ! 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.

VOIR AUSSI TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "POESIE ET FANTASMES DANS L'ŒUVRE DE JOËL LORAND, PEINTRE": http://jeaninerivais.fr  Rubrique : ART SINGULIER.