LE PRINTEMPS DES SINGULIERS… ET AUTRES ESPECES EN VOIE D’APPARITION
ARTISTES SINGULIERS,DECLASSES ET INCLASSABLES.
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Il y eut 1978, et l’exposition des SINGULIERS DE L’ART au Musée des Arts Décoratifs, qui devint dans toutes les mémoires une manifestation mythique ouvrant les vannes et laissant déferler une culture marginale restée depuis plusieurs décennies confidentielle. Si puissamment psychologique, voire psychanalytique ! Et, ce qui ne gâtait rien, tellement artistique ! Il y eut des départs de Paris : La COLLECTION DE L’ART BRUT ET LA NEUVE INVENTION s’en alla à Lausanne ; l’Atelier Jacob devint la fabuleuse FABULOSERIE de Dicy ; L’ARACINE, MUSEE D’ART BRUT migra à Villeneuve d’Ascq. Derrière LE PETIT MUSEE DU BIZARRE qui, en toute indépendance, était déjà sur les rails, la province se mit en mouvement : A Bègles, le Site de la Création franche vit le jour puis devint MUSEE DE LA CREATION FRANCHE ; Cérès Franco créa sa COLLECTION CERES FRANCO D’ART CONTEMPORAIN et Luis Marcel ses deux MUSEE(s) DE L’ART EN MARCHE. Bref, il y eut une intense activité autour de ces œuvres marginales. Parallèlement, avait fleuri tout un vocabulaire destiné à en canaliser (quelle utopie !) les multiples tendances. Dans ce laps de temps, l’Art asilaire était devenu, à l’instigation de Jean Dubuffet, L’ART BRUT qui était devenu l’Art hors-les-normes ou Art singulier, qui… etc. A ce jeu des enchaînements, un demi-siècle s’était écoulé.
Depuis ce temps, à part quelques initiatives (souvent d’ailleurs récupératrices, comme celles du Musée du Jeu de Paume), Paris semblait étrangement silencieux. Mais voilà qu’au début du printemps 2003, est apparue Nadine SERVANT, complètement anonyme dans la mouvance singulière. Avec une énergie remarquable, bravant des tabous qui « exigent » désormais d’y posséder des lettres de noblesse, elle a décidé de mettre sur pied un festival destiné à faire une sorte d’« état des lieux ». D’intituler sa manifestation LE PRINTEMPS DES SINGULIERS. La gageure n’était pas mince, et il fallait un vrai culot pour la mener à bien ! Mais il semble que rien n’aurait pu l’arrêter. Même la location de l’ESPACE SAINT MARTIN, ancienne guinguette de mariniers dont la disposition et l’architecture sont elles-mêmes fort singulières, a été une véritable trouvaille. Désireuse d’expliquer sans ambiguïté sa démarche, elle a invité par téléphone ou visité chacun des 70 artistes dont les œuvres ont envahi les lieux !
En 1978, plus de 200 000 personnes avaient en quelques mois visité les « Singuliers de l’Art ». Restait à savoir s’il existe toujours à Paris, un public amateur d’autre chose que de l’Art officiel et consort ? Le déferlement ininterrompu du jour du vernissage et la densité de visiteurs des jours suivants, ont été formels : ce public est bien là, faisant de ce premier PRINTEMPS DES SINGULIERS un succès au-delà de toute espérance. Et encore, ce « Printemps » ne durait-il que cinq jours ! Ceux qui, en son temps, avaient apprécié l’Art brut, semblent avoir (mais peut-être s’agit-il de leurs descendants ?) adopté l’Art singulier !
Il faut dire que l’exposition était surprenante. Certes, il y a eu quelques « erreurs », comme cette grosse machine en métal de Jean-François Lecomte, outrageusement bruyante, qui occupait la moitié de la « piste de danse », et qui relève plus du gadget que de l’Art singulier ; mais n’est pas Tinguely ni Petit Pierre qui veut ! Certes il y avait pléthore d’Art-Récup’ prouvant que les créateurs de cette tendance ne cherchent pas forcément à se diversifier. Certes il y avait quelques artistes (et il ne s’agit nullement d’un jugement de valeur de leur travail) étonnés eux-mêmes d’être installés au chapitre des Singuliers. Certes, ce qualificatif de « déclassés » (quelle qu’en soit la provenance) n’est peut-être pas très respectueux, ni très significatif ! Mais c’était une BELLE manifestation ! Et la convivialité a été de bout en bout au rendez-vous. Sans parler d’une organisation sans faille de Nadine Servant et Pascale Laurent qui, d’emblée, ont mis tous les intervenants à l’aise !
Parmi cette foule d’exposants, il y avait ceux que l’on rencontre un peu, beaucoup, trop souvent, trop rarement. Et puis ceux que Nadine Servant était allée surprendre dans leur lointaine Bretagne, leur Midi, etc. Sans doute un grand nombre d’absents auraient-ils eu leur place en cette guinguette, mais de toute façon, même à courir en tous sens après eux, pourra-t-on jamais les connaître tous ? Quoi qu’il en soit, la gamme proposée était significative de la mouvance dite d’Art singulier !
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Caution absolue et garante de qualité (puisque, en fait ce vocable « Singulier » est parti de ses murs, Caroline Bourbonnais avait extrait de la Fabuloserie une série des poupées de Ronaldo Eckenberger, un « voyage » de Jaber, une « Mauricette » de Marshall, une histoire d’Alain Lacoste, des accumulations de Simone Le Carré-Galimard, une œuvre de Samuel Favarica, de Kaj Ficaja, etc. qui occupaient d’entrée de jeu la vitrine côté rue.
Quant aux autres, ils voisinaient dans une ambiance qui créait une vivacité de couleurs et une proximité très impressionnantes !
70 créations ! Comment parler de tous ! Et pourtant, il serait injuste de passer certains sous silence ! Alors, a propos de ceux dont l’œuvre a déjà été commentée en d’autres lieux et d’autres temps, il ne sera proposé qu’un fragment de ce texte. Pour ceux qui étaient présents, sera proposé l’entretien réalisé in situ. Et, les absents ayant toujours tort, seul un petit commentaire agrémentera leur image !
Et seul également l’ordre alphabétique justifiera que les uns apparaissent avant les autres !
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.