Ils sont dans des cadres très simples ; ils « reposent » au milieu d’un fond noir ou (mais rarement) blanc. Ils ont l’air « solides » comme le roc, mais ils sont faits de cartons de récupération arrachés aux déchetteries ou au feu. Sont-ils raides de désarrois intimes ? Ou au contraire, bandent-ils leurs muscles pour mieux résister, dans ce huis-clos où on les a relégués, à une pression sociale qui s’imposerait de l’extérieur ? A aucun moment, le visiteur n’aura une réponse à ses interrogations, à la fois semblables et décalées d’une œuvre à l’autre.
La plupart de ces êtres se résument à des visages et sont seuls. Mais s’ils sont associés à d’autres (Famille), ils sont parfois de guingois, nez écrasés, dents apparentes en une sorte de rictus, yeux vairons ex/orbités (au sens littéral), peau couperosée de mille veinules vibrionnaires. D’autres fois (Vanitas), il s’agit du même visage aux quatre temps de la vie : lisse et souriant ; un peu « attaqué » déjà ; aux rides accentuées en des lignes douloureuses de soucis ou de souffrances ; de plus en plus raviné jusqu’à n’être qu’un réseau de plis faciaux ; cependant que la bouche s’affaisse, et que les yeux se délavent… Mais ce qui est paradoxal, c’est que Jean-François Rieux semble prendre cette vie à l’envers : en tout cas, pour percevoir la logique de son cheminement, il faut lire ce tableau de droite à gauche. A moins qu’il ne s’agisse d’une sorte de retour sur soi-même du personnage parvenu au terme de sa vie, et qui en remonterait le cours jusqu’au moment du premier souvenir ?
Malgré la profondeur de ses questionnements, et son grand sens des couleurs violentes qui, mieux qu’un long discours disent que ses pensées ne sont pas toujours « roses », il est remarquable qu’à certains moments Jean-François Rieux puisse sourire par le truchement de titres surprenants : « Ils sentaient bon le sable chaud, mes légionnaires », « Mal au ventre », etc., emmenant le visiteur au fil de son humour macabre, dans l’apothéose des teintes qui sont les siennes, sous le soleil qui brille si jaune et les ciels si bleus, parmi les fleurs à l’envi si rouges, et dans le repos des nuits les plus noires (piquetées d’étoiles)…
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.
VOIR AUSSI TEXTE DE JEANINE RIVAIS : SOUFFRANCE ET DESENCHANTEMENT de JEAN-FRANCOIS RIEUX. Site : http://jeaninerivais.fr Rubrique ART SINGULIER. CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 71 DE JANVIER 2002 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.