GENESES ET MOMIES D’AD MAAS aux JARDINIERS DE LA MEMOIRE 1996 de BEGLES et en permanence au MUSEE D’ART NAÏF ET OUTSIDER de ZWOLLE (Hollande).
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Qu’éprouve l’archéologue lorsque, ayant violé les secrets du tombeau, il se trouve soudain dans une salle où reposent des momies? Le même sentiment, assurément, que le visiteur pénétrant à Zwolle, dans l’étrange “mausolée” dédié aux oeuvres d’Ad Maas.
Là, sur la paille ou le crin, gisent grandeur nature, dans des sarcophages dont le couvercle aurait été enlevé, des personnages semblablement momifiés ; tellement réalistes dans leurs teintes grisâtres, qu’ils pourraient avoir été récemment exhumés des cendres d’Herculanum! Ainsi, en quelques secondes, tout un “périple mental” entraîne-t-il le nouveau venu vers des civilisations mythologiques enchevêtrées, avant que la réalité ne s’impose à lui : Il a bien, à ses pieds, des “humains”, mais entièrement créés par l’imagination et les mains de l’artiste : Oeuvres de papier ? De résine ? Modelées, burinées pour qu’apparaisse le travail du temps sur la peau desséchée ; que ressorte le squelette de ce corps prétendument “arraché à l’oubli”.
Parfois, le sculpteur plonge aux limites de l’émotion, agrippant au ventre de la mère étendue là, seule ou côte à côte avec son compagnon, le minuscule squelette d’un enfant ; retourne vers de dérisoires érotismes passés, en se remémorant un instant qu’un couple fut heureux un jour : Il parsème alors de fleurs la couche sur laquelle sont étendus les amants ; écarte le sexe de la femme et dote l’homme d’un phallus sans ambiguïté. Mais soudain, comme repris par son cheminement d’horreur ludique, il suspend à hauteur de visage du passant, des sortes d’ectoplasmes surgis on ne sait d’où. Cependant qu’à l’entrée de ce “sanctuaire”, de hiératiques témoins aux visages ridés, impénétrables, mains repliées sur leurs barbes chenues, longues chevelures sagement nattées, semblent les gardiens tutélaires de ces scènes macabres..
Moins extrêmes que les sculptures, les dessins et aquarelles d’Ad Maas, présentés à Bègles, sont aussi énigmatiques : Ressemblant de loin à des nuages ou des entassements de rochers, il devient rapidement évident que ces anfractuosités sont des bouches hurlantes ; que ces aiguilles tourmentées sont des doigts crispés sur le vide ; que cette pierre toronnée est un bras musculeux cramponné à un torse tordu de douleur ; que le-mamelon-de-ce-sein-est-l’oeil-de-cette-figure-étrangère-certes-mais-imbriquée -dans-la première... : l’homme dans l’homme dans l’homme...Filigranes, transparences, plantes barbelées, cous énormes ou têtes trapues, émergent de ces “minéraux” ; engendrent pour chaque tableau, des visages à l’infini...
Ici, peut-être, est “le commencement”, une genèse tourmentée dont quelques indiscutables personnages “vivants”, seuls ou couplés, visages mangés par des orbites noires ; corps striés de bandelettes en charpie, pourraient être les émanations verticales ; sortes de golems flottant entre deux mondes... déjà flétris eux aussi, pourtant ; déjà momifiés ; ramenant irrémédiablement la pensée du visiteur vers le terrible spectacle des occupants des sépultures!...
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1996 ET PUBLIE DANS LA RUBRIQUE FESTIVAL, JARDINIERS DE LA MEMOIRE 1996