Certes, il est gratifiant de  savoir se pencher sur un visage d’acteur, sceller dans son objectif un soupçon de malice, une ridule enfantine, un sourire ambigu... déterminer le petit “plus” qui  convaincra un metteur en scène que telle comédienne est la meilleure! Mais répéter cette démarche ; “caresser” encore une peau satinée par un maquillage invisible ; souligner indéfiniment l’éclat d’une touffe de cheveux... impliquent un statisme très éloigné de la mobilité d’esprit et de la créativité de Catherine Barral. Elle y a finalement renoncé!

      Car ce qu’elle aime, c’est poser en toute liberté le pied sur un plateau, non pour “suivre” les péripéties d’une scène, mais le cadre dans lequel elle se déroule ; glisser sur les rails d’une caméra pour traquer en contre-plongée les lignes de fuite d’un bouquet de colonnades ; saisir l’attitude dubitative d’un groupe de personnes attendant la reprise du tournage ; fixer le désordre organisé des techniciens dans les coulisses... pas à pas, effectuer  “travelling” personnel pour créer  profondeur de champ, jusqu’au point où éclairages, individus et matériels se fondent dans une lumière tellement “photogénique” que nul autre moment, nul autre angle, nulle autre perspective ne pourraient être plus propices! 

 

      Car la lumière est la grande star des compositions photographiques de Catherine Barral, ce monde bien à elle où revient comme un leit-motiv le sentiment qu’au-delà de la semi-obscurité psychologique de l’autre mise en scène, ses scénographies proposent toujours une échappée claire, la liberté en somme, parallèle à l’intensité dramatique de la pièce ou du scénario.

      Jeux de lumière encore, dans ses fantasmagories plus abstraites, sortes de danses au ralenti avec son appareil : Ecrasement des visages trop rapprochés ; choc sur le sujet photographié ; brusque traversée d’un pinceau lumineux devant l’objectif... ainsi crée-t-elle l’illusion de surimpressions semblables à celles où le profane oublie de faire “avancer” la pellicule ; provoque-t-elle des formes floues sur lesquelles tomberaient des gouttes de verre en fusion ; griffe-t-elle d’apostrophes lumineuses des corps de femmes en plongée ; traverse-t-elle d’un mur lépreux l’embouchure d’un trombone à pistons ; etc. 

        Dans l’une et l’autre démarches, Catherine Barral réinvente la photographie au sens où, capable de dominer parfaitement les techniques les plus sophistiquées, elle en refuse les certitudes ; s’invente des histoires ; génère des “accidents” ; crée des combinaisons aléatoires ;  provoque en somme  le hasard comme un joueur piperait ses dés ! 

Jeanine RIVAIS

 

Catherine Barral  utilise un NIKON FM2 ou 801, avec des pellicules de 400 ASA.

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1997