LETTRE POUR UNE FIN D’HISTOIRE SINGULIERE
HOMMAGE A L’AVENTURE SINGULIERE DE JEAN-CLAUDE ET SIMONE CAIRE
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Bien sûr, de discrètes allusions ont toujours laissé penser que l’intérêt du couple Caire pour toutes les formes d’arts marginaux, remontait à la nuit des temps. Bien avant que des noms particuliers soient attribués à ces créateurs de l’ombre, et que se forment les multiples tendances qui ont jalonné le dernier quart du XXe siècle. Mais, modestie oblige, officiellement, cet intérêt démarre en 1978 ; lors de l’exposition des SINGULIERS DE L’ART au Musée d’Art moderne de Paris, où ils prirent sous le bras, des œuvres de leurs poulains, et les présentèrent à cette manifestation qui draina en quelques mois plus de 200 000 visiteurs.
Déjà, il y avait eu la création d’un opuscule intitulé "BULLETIN DE L’ASSOCIATION LES AMIS DE FRANÇOIS OZENDA", destiné à parler de cet artiste de la région de Marseille, singulier avant l’heure, dyslexique mais peintre de talent, quasi-analphabète mais auteur de milliers de pages d’écrits qui fascinaient le couple.
Après 1978, l’aventure du "Bulletin..." se mit en route. Des écrivains écrivirent ; des peintres peignirent ; des sculpteurs sculptèrent ; tous informant, illustrant... joignant le flot de leurs courriers à celui d’amis et d’autres moins qui envoyèrent leurs impressions... Et 35 ans s’écoulèrent ainsi ; où le Bulletin parti de seize pages, grossit, grossit... devint un réfèrent dans lequel il était impossible de ne pas trouver le renseignement souhaité ; où furent notées les turbulences inhérentes à une mouvance qui, parallèlement, allait s’amplifiant. Toujours au poste, les Caire couraient d’un lieu à un autre, rendaient compte ; recevaient, transcrivaient...
Qui pourra dire combien de milliers d’heures ils ont ainsi consacrées à la Singularité et à ses Singuliers ? Combien de millions de francs de leurs deniers personnels ils ont engloutis au fil de ces 35 ans, pour maintenir à flot des budgets que les artistes n’ont bien souvent pas trop contribué à équilibrer ? Pas tous, naturellement ! Tous n’ont pas été égoïstes et indifférents ! Mais pour tous ceux qui ont été d’authentiques amis, combien n’ont jamais voulu signer un abonnement, se bornant à commander un seul exemplaire, celui où l’on parlait d’eux ! Qui pourra imaginer combien de lecteurs a néanmoins eu cette revue, si riche, si floribonde, restée (volontairement) de modeste apparence ? Et (de force) de trop modeste tirage !
Finalement, l’usure, la nostalgie, le découragement ont eu raison du grand cœur de Jean-Claude et Simone Caire, submergés par trop de travail, trop de désinvolture et de changements d’esprit dans la marginalité. Malgré les exhortations et les suppliques de ceux -dont j'étais- pour qui le "Bulletin..." était essentiel, ils ont décidé de jeter aux orties machine à écrire, scanner, imprimeur... Reste à espérer que le virus étant malgré tout trop fort, il leur sera IMPOSSIBLE de rester longtemps loin de leurs anciens terrains de pérégrinations.
Pourtant, il faut se résigner : dans l’immédiat, le Bulletin sur papier a vécu. Et l’Association est en train d’expirer.
Malgré le chagrin de ne plus attendre la venue du premier et l'Assemblée générale de la seconde, malgré le regret d’une époque elle-même en train de s’achever, merci à vous deux, chers amis Caire, pour tout ce que vous nous avez donné d'attachement, de culture, d’insatiable curiosité, d’infatigable convivialité.
Et s’il vous plaît, donnez encore un peu de votre temps à cette nouvelle revue timidement en train de poindre ! Certes, nul ne la tiendra entre ses mains, puisqu’elle naviguera dans les mystères cosmiques ! Mais ne faut-il pas se réjouir que Dominique Sablons(¹) et moi-même soyons en train de lancer sur Internet ce qui pourrait, si vous en êtes d’accord, s’appeler : "Art Singulier, les enfants d’Ozenda" ? De ce qui sera une nouvelle aventure, il faut que vous deveniez les égéries, les gardiens vigilants. Car au long de cette route qui se voudra continuatrice de votre œuvre presque quarantenaire, les tentations seront sans doute nombreuses, les risques de déviances multiples, les " ego " de plus en plus arrogants à mesure que s’agrandira le cercle des "visiteurs". Dans cette volonté de ne pas laisser s’éteindre le flambeau, restez présents afin que nous parvenions à recréer la chaîne amicale qui, pendant ces trente-cinq années a été votre apanage.
Lettre écrite à Courson-les-Carrières le 20 avril 2004.
Jeanine RIVAIS
(¹) Dominique Sablons a récemment découvert l’aventure singulière. Il a été immédiatement conquis par la mouvance et par le "Bulletin...".
Spécialiste de l'informatique, il a proposé de reprendre sur Internet une nouvelle revue dans la tradition de celle que tout le monde connaît, dont il serait le concepteur et dont je serais la rédactrice. Les textes et les envois des lecteurs continueraient donc d’être publiés comme par le passé. Dans le même esprit, mais en tenant compte, bien sûr, des impératifs de ce genre de publication. Toutes personnes concernées par l’Art singulier, désirant collaborer seront les bienvenues, en restant comme naguère, hors de toute polémique.
Il projette également, s ’il trouve les financements indispensables, de transcrire (le mot n ’est sans doute pas correct) sur la Toile, tous les numéros parus depuis l'origine du Bulletin. Travail de titan qui demandera sans doute plusieurs années, et se réalisera avec l’accord des Caire qui mettent à sa disposition la totalité de leurs archives !
la tradition de celle que tout le monde connaît, dont il serait le concepteur et dont je serais la rédactrice. Les textes et les envois des lecteurs continueraient donc d’être publiés comme par le passé. Dans le même esprit, mais en tenant compte, bien sûr, des impératifs de ce genre de publication. Toutes personnes concernées par l’Art singulier, désirant collaborer seront les bienvenues, en restant comme naguère, hors de toute polémique.
Il projette également, s’il trouve les financements indispensables, de transcrire (le mot n’est sans doute pas correct) sur la Toile, tous les numéros parus depuis l'origine du Bulletin. Travail de titan qui demandera sans doute plusieurs années, et se réalisera avec l’accord des Caire qui mettent à sa disposition la totalité de leurs archives.
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2017 : Treize ans se sont écoulés depuis cette lettre. Nombreux sont les participants qui nous sont quittés définitivement. Les Caire ont donc arrêté le Bulletin en 2004. A mon profond regret !
La reprise évoquée n'a jamais vu le jour.
Quant à moi, désireuse de maintenir le lien avec toute cette faune singulière, j'ai créé un site (http://jeaninerivais.fr) que j'ai dû remplacer par un autre, le logiciel de ce premier n'étant plus commercialisé. Quelque dix années de textes et entretiens l'ont enrichi. Suivis par ceux du nouveau site (http://jeaninerivais.jimdo.com/) qui ont jalonné ces dernières années.
Récemment, j'ai décidé de donner ou redonner vie à de multiples textes qui n'avaient jamais été publiés ; ou à d'autres qui l'avaient été dans des fanzines. Lesquels, hélas, ont tous rendu l'âme (Les Cahiers de la peinture ; Le Bulletin de l'Association les amis de François Ozenda ; Femmes artistes International ; Idéart ; Le Cri d'os ; La Nouvelle Tour de feu, Gazogène ; et quelques autres épisodiques.
Ainsi va la vie…