Deux longues années, c’est le temps qui a été nécessaire à Françoise Coffrant pour réaliser ce magnifique ouvrage sur les « techniques et créations » relatives au bois. Mais quelle précision dans les détails ! Quelle richesse dans les informations ! Il est vrai que, comme l’écrit l’auteur, « Depuis les temps les plus lointains où la terre était couverte de forêts, l’homme a vénéré l’arbre et travaillé le bois. Véritable sculpture en soi, l’arbre est dépositaire d’une charge symbolique considérable. Allégorie de la vie, il apparaît dans de nombreuses civilisations comme le lien qui unit la terre au ciel. Il nourrit aussi bien les mythologies que les chants, les poèmes et les écrits de nombreux peuples ». D’où peut-être, même en nos temps troublés et peu sentimentaux, l’attachement profond de nombre d’artistes pour ce matériau et le champ infini des investigations qui s’y rapportent. C’est ce qu’a ressenti Françoise Coffrant qui explore étape par étape, les diverses essences, les variantes des écorces, de la dureté du cœur, de l’aubier, les caractéristiques concernant la pérennité des arbres, etc.
Puis, ayant achevé sa litanie faite de respect et d’admiration pour cette matière noble, elle en vient aux outils, les passe en revue, détaille leur utilité, nuance leurs fonctions ; explique les choix du sculpteur, de tel ciseau plutôt que de tel autre, de telle gouge creuse plutôt que droite, d’une râpe à piqûre plutôt que d’un rifloir… Car le sculpteur sincèrement investi dans sa création ne se sert pas à tort et à travers de ses outils. Il établit avec le matériau choisi une véritable communion, en explore et caresse les nœuds, les aplats lisses ou bouleversés, sinue avec les veines, etc. Et seulement lorsqu’il est sûr d’avoir appréhendé la « personnalité » du tronc qu’il veut transformer, commence-t-il son travail de transformation avec l’instrument qu’il juge ad hoc.
Enfin, à petites approches gourmandes, Françoise Coffrant investit les méthodes de travail et leur histoire, les techniques contemporaines. Pour chacune, elle a visité un atelier différent, observé longuement chaque geste, noté chaque détail. Elle a même évoqué les « bois détournés » à propos de sculptures de tous horizons, de toutes cultures, et que l’on appelle chez nous « Art Récup’ ».
De sorte qu’à la fin de l’ouvrage, le lecteur s’est familiarisé avec des mots pleins de poésie, épannelage, herminette, rifloir, ronde-bosse… ; a ressenti l’intensité avec laquelle l’auteur a communiqué son attachement aux créations tantôt naturalistes, abstraites ou purement décoratives ; et compris qu’à l’instar des artistes, elle s’intéresse au « bois par goût pour un matériau vivant, avec lequel (elle entretient) un rapport intime, à la fois physique et profondément sensuel : (elle en apprécie) les senteurs entêtantes, le contact chaleureux… »
Et il paraît évident que nul hasard n’intervient dans le fait que la couverture du livre soit réalisée dans des teintes de bruns chaleureux comme le bois lui-même.
Jeanine RIVAIS
Les nombreuses, très belles, infiniment précises photographies sont de Jérôme DA CUNHA.
FRANCOISE COFFRANT : « LA SCULPTURE SUR BOIS. Techniques et créations » : Editions Fleurus, 15/27 rue Moussorgski 75018 Paris.128p.
Françoise Coffrant est membre de la Critique Parisienne.
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N°49 DE JUILLET 2003 DE LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE.