CERES FRANCO : BREVE BIOGRAPHIE.
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Cérès Franco est d’origine brésilienne. Elle commence très jeune à fréquenter les expositions, perplexe au vu des libertés que prennent les nouvelles générations d’artistes par rapport aux exigences et aux définitions de la création classique. Heureusement, les explications d’un jeune peintre brésilien vont éclairer ses interrogations et, en justifiant ces innovations, éveiller sa curiosité. Une fois les yeux ouverts, elle ne les fermera plus.
Après des études aux Etats-Unis, elle arrive en France, en 1951. Immédiatement conquise par Paris, elle organise ses premières expositions à Saint-Germain-des-Prés. Jusqu’en 1972 où elle ouvre rue Quincampoix, sa galerie dont le nom, l’Oeil-de-Bœuf, est lié à la nature de la première exposition qu’elle y ait organisée, où ne furent présentées que des toiles rondes ou ovales. Au fil de près de trois décennies, l’Oeil-de-Bœuf prendra des allures de lieu mythique, dont la fermeture suscitera bien des nostalgies. Heureusement, l’ouverture en 1994, à Lagrasse dans l’Aude, d’un véritable musée qu’elle appelle Collection Cérès Franco d’Art Contemporain, permet depuis lors d’admirer les œuvres qu’elle a réunies.
Revenons dans les années 60/70 où une découverte enthousiasme Cérès Franco : celle de la peinture naïve brésilienne. Œuvres fortes, ni commerciales, ni folkloriques, qu’elle fera connaître au cours des années suivantes, de Paris à Varsovie et Moscou, en passant par Bratislava où elle sera d’abord membre de la Commission de la Triennale d’Art naïf, puis à la Triennale suivante, Commissaire de la délégation d’artistes proposée par le Brésil. Un nombre important de ces peintures et sculptures enrichit aujourd’hui les cimaises de sa Collection.
Bientôt, pourtant, Cérès Franco prend conscience que cette peinture qu’elle qualifie de psycho-peinture, pour intéressante qu’elle soit, ne la satisfait pas pleinement. Elle élargit, affine ses choix, va de l’art brut à des œuvres qui ne sont rattachées à aucune obédience picturale ou sculpturale ; à aucune mode, aucune officialité. Elle commence à prendre des risques avec un groupe d’artistes de la Nouvelle Figuration de l’Ecole de Paris, mêlant des peintres abstraits et figuratifs.
Mais très vite, elle se dégage de l’Abstraction ; emporte à travers l’Europe et l’Amérique du Sud, les œuvres de peintres politiquement engagés contre les dictatures de leurs pays, comme le Chilien Marcos ou le grec Gaïtis…Toutes ces manifestations, ainsi que celles de L’Oeil-de-Bœuf, rencontrent un vif succès, car chacune propose dans le monde de l’art, des thèmes nouveaux et des esthétiques nouvelles.
Sans doute peut-on affirmer que c’est à ce moment-là que Cérès Franco entre en dissidence ! Désormais, ce mot s’applique comme une seconde peau à la Brésilienne qui a quitté sa culture et est devenue française par admiration de la richesse protéiforme qu’elle a trouvée chez nous. Dissidence, car délaissant les chemins qui lui étaient largement ouverts, elle se passionne, d’emblée, pour des formes d’arts difficiles : en effet, dans le temps où, prenant le pas sur l’Art abstrait, s’imposent en France Le Conceptuel, le Maximalisme, le Minimalisme, etc., Cérès Franco s’entoure d’œuvres figuratives créées par des artistes alors à leurs balbutiements. Qu’elle est, subséquemment, seule à défendre pendant de longues années : Peintures de cette Nouvelle Figuration évoquée à l’instant, comme celles de Grinberg. Elaborées par des gens eux-mêmes à l’origine de mouvements contestataires, comme Lucebert ou Corneille, du Groupe Cobra. Violentes et proches de l’Expressionnisme, comme celles de Rustin. Tragiques du mal-être existentiel de leurs auteurs, comme celles de Macréau et Nitkowski. Et puis, d’autres beaucoup moins intellectualisées, de créateurs autodidactes, spontanés, comme Jaber, Chaïbia, Eli Heil… restituant de façon très émotionnelle sur la toile, leurs fantasmes les plus intimes. Des Primitifs découverts dans des îles lointaines. Et, exemples par excellence de l’Art populaire, des ex-voto, figurines très colorées, ou au contraire d’une remarquable sobriété…
Bien sûr, cet énoncé n’est en rien exhaustif. De toutes façons, il est impossible de citer ou de prétendre classer toutes les trouvailles qui ont émaillé l’existence de découvreuse de Cérès Franco. Comment alors, définir sa Collection qui est née de ses coups de cœur irraisonnés et déraisonnables ; de sa longue histoire d’amour avec la peinture et la sculpture ? Histoire au long de laquelle chaque exposition, parisienne ou internationale, a marqué d’une pierre blanche, son engagement sans exclusive ?
N’est-il pas mieux de dire qu’aucune règle, jamais, n’a présidé à ses choix ; si ce n’est de défendre des artistes à l’imaginaire infiniment riche, à la poésie picturale obsessionnelle et délirante. Ajouter qu’il est bon d’enlever parfois à ses cimaises une telle collection aussi définitivement atypique, unique, audacieuse, et historiquement représentative de trois décennies de marginalité picturale. Dire enfin, qu’il faut se réjouir pleinement de l’hommage grandiose qui lui est rendu par plusieurs villes depuis 1998, et de la curiosité jamais démentie du public venu nombreux à chacune de ces manifestations.
Jeanine Rivais
COLLECTION CERES FRANCO D’ART CONTEMPORAIN : 12, rue des Remparts, 11220 LAGRASSE
Ce texte a été publié dans le N° 74 Tome 2 de juillet 2004, du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA
Au cours des dernières années, et après les villes de banlieues parisiennes (Bures-sur-Yvette (1999), Les Ulis, Vitry, Le Kremlin Bicêtre (2003/2004)) de larges parties de la collection Cérès Franco ont été invitées dans des villes et des lieux prestigieux (Miramas (2000), Toulouse (2002), Angers (2004), Carcassonne (2005 et 2010), etc.).