PROPOS A BATONS ROMPUS ENTRE CERES FRANCO ET JEANINE RIVAIS

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Cérès Franco au milieu de ses ex-voto
Cérès Franco au milieu de ses ex-voto
Chaïbia
Chaïbia

Jeanine Rivais : Cérès Franco, si je pense à quelqu’un qui puisse témoigner de 40 à 45 ans de culture picturale ; qui soit habilité à en résumer la genèse, vous êtes cette personne, par la façon dont vous avez, pendant toutes ces années, seule à Paris dans votre galerie L’Oeil-de-Boeuf, défendu des créations marginales.

           De plus, étant d’origine étrangère, ayant beaucoup voyagé, vous avez forcément une vision élargie, en marge des nationalismes. Vous venez de lire "L’Art brut", l’un des plus récents ouvrages consacrés à l’itinéraire de Jean Dubuffet. Vous avez émis quelques réserves concernant ce terme appliqué dans des limites devenues historiques. Quel (s) autre(s) terme(s) aurait(ent), selon vous, pu être plus adéquat(s) ?

Cérès Franco : Je ne crois pas avoir émis des doutes sur l’appellation ART BRUT. Elle est devenue, en effet, une dénomination consacrée à toute une expression spontanée, pratiquée par des individus n’appartenant pas au monde culturel, et qui se sont découvert spontanément une vocation créatrice, surtout en peinture et sculpture. Je m’interroge, bien sûr, mais je pense que Dubuffet lui-même a eu des moments de doute, où il a éprouvé le besoin de rectifier ses premières positions, dire que l’Art brut ne désignait pas uniquement la peinture des fous, des malades des hôpitaux psychiatriques ; qu’il lui semblait convenir aussi pour “l’homme du commun à l’ouvrage” !

Je m’intéresse depuis des années à ces expressions artistiques, mais je n’ai aucune habilitation à les définir. Avant Dubuffet, personne ne l’avait fait : on parlait d’Art naïf, d’Art d’autodidactes... En France, on disait parfois “les peintres du dimanche”. Je doute que quelqu’un aurait pu trouver meilleure définition que la sienne. De plus, il a eu le mérite de développer à son propos toute une théorie ! J’ai d’ailleurs beaucoup d’admiration pour sa collection !

           Ce que je peux faire, c’est m’approprier son appellation “Art brut”, considérer que c’est un terme consacré, appartenant désormais à tout le monde ! A la réflexion, j’ai employé pour des expositions ponctuelles l’expression ART EN TRANSE. J’aurais pu également parler d’ART INSITIC, comme on disait à Bratislava qui a créé la Triennale d’Art insitic. Le mot vient du latin “insitus” qui signifie “inné”, qui n’a été appris dans aucune école. C’est un art spontané par excellence. Mais l’emploi de ce mot semble pédant, parce que les gens n’en ont pas l’habitude. On dit “naïf”, “brut”, “singulier”, “hors-les-normes”, etc. Alors, l’expression créée par Dubuffet me convient aussi bien !

Art naïf brésilien
Art naïf brésilien

J. R. : Vous possédez -entre autres- une importante collection d’Art naïf. Vous avez exposé des ex-voto du Brésil...Vous avez été Commissaire des Triennales d’Art insitic de Bratislava (où vous représentiez le Brésil)...

C. F. : Oui, en effet ! C’était en 1972, à la troisième Triennale. Mais, en 1969, j’avais déjà assisté à la deuxième comme membre du Jury international. J’ai beaucoup appris, car il y avait une profusion d’artistes qu’à l’époque, nous appelions “naïfs”. Mais rétrospectivement, je me suis rendu compte que nombre d’entre eux auraient pu être rattachés à l’Art brut, à cause de leur création obsessionnelle, délirante.

 

J. R. : Quelle est alors votre définition de l’ART NAÏF ?

C. F. : Il y a tellement de tendances, cela me semble quasiment impossible de répondre ! Bien sûr, tout le monde connaît le Douanier Rousseau ! Et Ilyia qui est yougoslave, et qui serait plus proche de l’Art brut. Ou Generalic dont la peinture a des qualités très raffinées, proches du Breughel de Velours. Il peint exclusivement sur verre, et a créé une école dans son pays... Ces trois artistes n’ont entre eux rien de commun, et pourtant on les classe parmi les Naïfs !

Pour moi, l’Art naïf européen est différent de l’Art naïf américain, ou de celui d’Amérique Latine. Chaque pays a ses caractéristiques. Au Brésil, nous disons “Art primitif” parce qu’il est créé par des gens qui sont très souvent des illettrés...

 

J. R. : Dans ce cas, le terme est appliqué à l’artiste plus qu’à son art ?

C. F. : Non, à ce qu’il représente dans son art ! Certains ont pu faire des études autres que plastiques. Ils peuvent être cultivés et avoir néanmoins cette spontanéité, cette fraîcheur caractéristiques. Comment définir plus précisément cette poésie de l’Art naïf ?

 

Art naïf haïtien
Art naïf haïtien

J.R. : Quand vous parlez, par exemple, de l’Ecole du Saint-Soleil, à Haïti, vous appelez ses membres “Naïfs” : qu’est-ce qui les caractérise ?

C. F. : En ce qui les concerne, sommes-nous vraiment dans une situation d’”école” ? Il s’agit d’artistes qui créent dans un esprit proche du Vaudou, une figuration mystique qui correspond à leur culture afro-américaine, avec leurs dieux ou leurs diables représentés de façon très symbolique. Mais c’est un art complètement fictionnel, comme leur religion basée également sur un esprit qui fait parfois d’eux des visionnaires ! Ces artistes sont complètement différents des Naïfs européens. Ces derniers sont très réalistes ; essaient de faire une peinture proche d’une réalité qui les concerne, idéalisée bien sûr, embellie, avec une technique parfois aussi sûre que celle d’un Primitif flamand. Même ceux qui font des peintures de pure imagination restent très voisins de la réalité. Et tous ont le souci de créer de la beauté !

C’est donc une démarche sans comparaison avec celle évoquée plus haut où les créateurs se libèrent de toute réalité, donnent libre cours à leur imaginaire : ils peignent des choses ténébreuses qui vont nourrir, enrichir leur figuration portée sur la toile ou la sculpture. Par exemple, nous avons ici, près de notre fauteuil, une oeuvre d’un artiste du nord-est du Brésil, qui s’appelle Séverino. Il sait à peine lire et n’écrit que de façon très fruste. Mais il a un imaginaire très riche, issu d’une culture archaïque dont il est profondément imprégné ; et qu’il rend de façon presque inconsciente. Cette sculpture représente un personnage recouvert en ronde-bosse d’autres personnages, des sortes de monstres plutôt, qui s’imbriquent les uns dans les autres. Nous touchons là à toute une figuration moyenâgeuse ou africaine, que lui dicte son inconscient. On dit de sa sculpture qu’elle est “populaire”, dans le sens où il est un homme du peuple...

Séverino
Séverino

J. R. : En vous écoutant, j’ai l’impression d’entendre la définition de l’Art brut ! Est-ce parce que dans la plupart des pays sauf peut-être l’Europe, les deux systèmes de créations sont pratiquement confondus ?

C. F. : Il est vrai qu’actuellement, règne la plus grande confusion, parce que le terme a été tellement galvaudé par tous ces gens qui affirment “faire” de l’Art brut ! Là est le danger ; comme lorsque l’on a dit, à une époque, que tout le monde était artiste ! Ce qui, bien sûr, est complètement faux !

Il est exact que dans le cas de l’Art brut comme dans celui de l’Art naïf, les artistes sont autodidactes. Mais l’imaginaire d’un créateur, il ne le doit qu’à lui-même ! Ce n’est pas un professeur qui va le lui inculquer ! Actuellement, par ailleurs, de nombreux artistes très médiocres essaient, comme je l’évoquais à l’instant, de “faire de l’Art brut” ! Ils produisent une profusion d’oeuvres quelconques dont il faut apprendre à faire la part ! Car, quelle que soit la liste des diplômes, quiconque n’a pas un imaginaire riche ne sera pas plus artiste qu’un autodidacte !

J. R. : Nous en arrivons à une troisième expression que vous avez un peu abordée en parlant d’ART PRIMITIF. En France, ce mot désigne une période culturelle précise, très imprégnée de religion. Hors de notre culture, nous l’employons par exemple à propos d’Haïti... Ce sont généralement, comme pour l’Art naïf, des gens très proches de leur terroir, soucieux de “raconter” leur vie quotidienne, de traduire leurs petits problèmes, etc.

Quelle différence existe-t-il, selon vous, entre ce terme et l’expression ART POPULAIRE qui prend souvent, en France, une connotation un peu péjorative ?

C. F. : L’”Art populaire”, par définition, vient du peuple ; est pratiqué par les gens du peuple, “l’homme du commun à l’ouvrage”, comme dirait Dubuffet. Il est florissant surtout dans les pays du Tiers Monde : l’Amérique latine, l’Afrique, l’Inde et l’Océanie. Mais dans les pays riches, comme en Europe, excepté dans certaines contrées comme les campagnes de Pologne, Yougoslavie, Hongrie où il est pratiqué par les paysans, il est devenu un produit commercial vidé de toute son expression profonde. Quant à l’Art primitif, j’appellerai ainsi les masques africains ou autres objets de culte, ainsi que les peintures rituelles sur les corps humains ; comme chez les Papous, par exemple qui peignent leurs visages avec des couleurs vibrantes, ou les Indiens d’Amazonie...

 

J. R. : Et comment définissez-vous le FOLKLORE ?

C. F. : Le folklore est encore autre chose ! L’Art populaire européen est peut-être celui des potiers qui reproduisent les mêmes types de formes, de la même manière, de la même couleur, etc. C’est un art qui reste figé ; tandis que dans certains pays où l’industrie et le tourisme n’ont pas encore sévi, il est pratiqué par des individus qui connaissent des moments d’hésitation, qui désirent affirmer des différences, se distinguer des autres. Certes, ils reprennent fréquemment le même sujet, mais avec des variantes. Et chaque objet est réalisé à la main.

J. R. : En parlant d’Art populaire, je pensais à deux lieux bien précis : le Musée rural d’Art populaire de Laduz, dans l’Yonne ; et le Petit Musée du Bizarre, dans l’Ardèche. L’un et l’autre exposent des créations pour la plupart paysannes. Le musée de Laduz collectionne des créations très proches de l’artisanat. Cependant, à propos de jouets, broderies..., il rejoint souvent l’Art brut ou l’Art naïf. Par contre, le Petit Musée du Bizarre a une collection différente, d’objets partant de formes préexistantes (ceps de vigne, pierres...) Ces formes ont intéressé un paysan qui, à partir d’elles, a créé un personnage, une pipe homomorphe, une chope sculptée, etc. Pour moi, dans les deux cas, nous voyons de l’Art populaire. Etes-vous d’accord ?

C. F. : Oui, car il s’agit d’oeuvres du peuple. De quelqu’un ayant trouvé un objet provoquant son imaginaire ! Et par voie de conséquence, même s’il est naïf, il est proche de l’Art brut ! Malheureusement, je ne connais pas ces musées. Mais je peux évoquer le Manège du Petit Pierre, à la Fabuloserie, oeuvre populaire unique, en même temps que rattachée à l’Art brut.

 

J. R. : Dans ce cas, il n’a donc plus de raison de subir cette sorte de nuance péjorative qui s’applique à d’autres, à cause de leur proximité de l’artisanat ?

C. F. : En effet. Et j’en reviens à cette notion de création figée, faite en séries commerciales, comme à l’île de Pâques où l’on peut acheter dans tous les formats imaginables, les fameuses têtes de pierre !

 

J. R. : Mais dans cette hypothèse, nous touchons à ce qu’en France, nous appelons saint-sulpiceries ?

C. F. : Exactement ! Et nous sommes bien loin de l’artiste populaire qui essaie chaque fois de se surpasser, de faire “mieux”, d’être plus personnel et créer des pièces uniques !

 

J. R. : Comment expliquer qu’en France, nous ayons toutes ces variantes qui ne semblent pas exister ailleurs ?

C. F. : Parce que la France est un pays de culture ! Et du soi-disant bon goût !

 

J. R. : Mais aux Etats-Unis, le terme FOLK-ART n’a pas pris les mêmes nuances !

C. F. : Parce qu’il s’agit non plus d’Art populaire, mais d’art du peuple ! Où chaque individu crée selon SA nécessité du moment, sans se répéter comme une machine. Nous avons affaire à des êtres qui, au fond d’eux-mêmes, se sentent artistes. Je pense aux ex-voto de bois du Brésil : ce sont des sculptures réalisées par des artisans à qui tout le monde reconnaît “un don”. A un moment donné, quelqu’un qui souffre vient leur commander une tête, un bras, une jambe... qu’il va offrir à la Vierge ou à un saint pour que son voeu de guérison soit exaucé. Ou au contraire, pour remercier le saint après une guérison. L’artisan qui accepte cette commande pourrait vite devenir un créateur populaire. Mais il ne réalise pas cet objet pour le vendre au marché ! En essayant de saisir les traits typiques du malade ou des manifestations de sa maladie, il fait oeuvre unique. Ce qui l’écarte, bien sûr, d’une création sérielle ! Il est difficile d’exprimer ces nuances en France où l’Art populaire au sens noble n’existe pratiquement pas ! Il reste florissant, en fait, dans les pays pauvres qui ont gardé leur naïveté originelle ! Vous le trouverez notamment dans les pays polaires, comme les oeuvres des Inuit qui sont de véritables chefs-d'œuvre de sculptures en pierre-savon.

J. R. : Comment expliquez-vous que l’Art nègre ait tellement influencé Picasso,... et les Surréalistes qui n’ont jamais revendiqué l’influence sud-américaine ?

C. F. : Mais ils ne connaissaient pas les créations populaires, brésiliennes ou autres ! Même aujourd’hui, à la veille du XXIe siècle, qui connaît la culture populaire du Brésil ? Nous-mêmes sommes juste en train de la découvrir ! Je l’ignorais complètement quand je suis venue en France faire mes études ! Je n’ai pris conscience que plus tard de son existence, et du fait qu’elle est d’une richesse inouïe, et d’une fabuleuse imagination !

 

J. R. : Puisque Picasso a commencé vers 1907 à reconnaître l’influence de l’Art nègre sur sa création ; Klee, Kubin..., en 1921, à saluer comme leurs pairs les créateurs révélés par Prinzhorn, peut-on conclure qu’en presque un siècle, des productions tribales, régionales, asilaires, carcérales... par définition géographiquement infinitésimales, soient devenues une culture universelle ?

C. F. : Je ne suis pas tout à fait d’accord là-dessus. Il ne s’agit-là que d’une période de la vie de Picasso. Par la suite, il a su se dégager de l’influence de l’Art africain. Certes, cela a eu l’avantage de révéler l’existence d’un art primitif très fort. Mais, se retrouvent aussi chez Max Ernst, ou au début de la carrière de Giacometti, des références à l’Art précolombien ! Ensuite, ils ont abandonné ces arts primitifs pour en venir à des oeuvres plus personnelles.

Le cas de l’Art brut est différent. Ce n’est pas par hasard que Dubuffet s’est intéressé au travail d’artistes asilaires ou carcéraux, mais parce que c’est un art de l’inconscient. Et cet inconscient est la richesse de l’individu qui, tout à coup, manifeste un sentiment profond et le représente avec ses moyens ; peut-être un crayon et  une feuille de papier, un pinceau ou de la terre... Ces cas n’ont rien à voir avec l’Art africain.

Quand Picasso tombe dans une sorte d’art primitif, nous sommes loin des Flamands ou de Cimabue. Mais il agit en connaissance de cause. Chez les artistes bruts, certains se sont découvert un véritable don qu’ils avaient toujours ignoré, et qu’ils explorent en toute innocence parce qu’ils sont libres : Ils sont en train de subir un traitement et on leur donne la liberté de s’exprimer...

J. R. : Non, ils “prennent” la liberté. Il ne s’agit pas d’art thérapie. Je parle de l’époque où Aloïse dessinait en cachette, où le Prisonnier de Bâle commençait ses sculptures en mie de pain, etc.

C. F. : Oui, mais n’importe qui, dans n’importe quelle situation d’attente, peut prendre un crayon et commencer à griffonner !

 

J. R. : Attention, il ne faut pas confondre le gribouillis plus ou moins conscient ou nerveux... avec une création qui soit belle, violente, personnelle, signifiante...

C. F. : Cela peut se produire. Mais il y a aussi des gestes de base que l’on en vient peu à peu à contrôler ! Je pense par exemple à Alain Lacoste. Quand je l’ai connu, il voulait déjà devenir peintre. Il réalisait des femmes nues à la Delvaux. Ses oeuvres possédaient une atmosphère très forte. Mais, à côté de cette production, dans son bureau de fonctionnaire, il passait un temps important à griffonner sur du papier ; il ajoutait un peu de peinture ; il a dessiné un tas de personnages imbriqués les uns dans les autres. C’était un travail automatique. Il a ainsi pu se libérer de l’influence de Delvaux, et en venir à sa production actuelle ! Cette démarche qui pouvait sembler futile était en fait une recherche effectuée pour se libérer : une expression propre.

Aloïse n’avait pas conscience d’être peintre, elle voulait être chanteuse ou comédienne, je ne sais plus ; elle “vivait” un amour contrarié, qui l’a si profondément troublée que son entourage a dû l’interner !... Elle a commencé à avoir envie d’ “idéaliser” son histoire...

 

J. R. : Oui, mais ma question était : “Cet art qui est parti de minuscules points géographiques ; qui était secret, personnel, sans conscience d’être un art, ni volonté d’être célébré, est-il devenu un art universel, dans le sens où de plus en plus de gens s’y intéressent, de plus en plus d’”artistes” essaient de le “copier” ?

C. F. : Je ne sais pas si c’est un art universel. C’est un besoin de l’individu d’exprimer des sentiments intimes qui sont enfouis en lui. Dans ce sens, il est universel, puisque tout individu a ses désirs, ses besoins propres.

Je crois qu’il faut veiller à ne pas confondre un art universel avec un art à la mode ; l’Art brut est à la mode : la preuve, c’est le nombre infini d’artistes qui se réclament de cette mouvance.

  

J. R. : Mais nous sommes pourtant dans le paradoxe d’un art qui s’ignorait comme art, et qui est devenu un modèle !

C. F. : De tout temps, il y a eu ce danger que nous avons évoqué plus haut, de médiocres qui essaient de singer des créations profondes ! Mais de même que tous les fous n’ont pas forcément du talent, tous les imitateurs ne deviennent pas forcément des artistes ! L’art ne peut exister que dans la mesure où il correspond à un besoin de l’Homme, de l’individu, de communiquer ses angoisses, ses joies, ses espoirs ! Pour les autres, il y a un art international, à l’usage de tous ceux que “la mode” française, américaine, japonaise...intéresse ; mêmes installations, mêmes toiles blanches vides avec des textes à côté, etc. S’agit-il là aussi d’un art universel ? Non, je ne crois pas. Moi, je crois en l’ART fait par l’Homme, pour les besoins profonds de l’individu !

Bien sûr, à mesure que nous parlons, je me rends compte de l’impossibilité de tenir des propos définitifs. Chaque jour, j’apprends. Chaque expérience m’emmène plus loin. Je ne peux garantir que demain j’aurai absolument la même réflexion qu’aujourd’hui. D’ailleurs, Dubuffet lui-même, je l’ai déjà évoqué, avait évolué ; ses définitions s’étaient élargies à la fin de sa vie. Nous sommes aussi faits d’intelligence et d’intellectualisme. Il est donc logique que nous évoluions.

Mais je crois que nous sommes surtout des êtres humains qui avons besoin d’un art proche de nous, où l’Homme se retrouve. La seule manière de créer un art universel, c’est qu’il parle de l’humain !

                            

Entretien réalisé à la Collection Cérès Franco, à Lagrasse, le 30 mai 1998.

 

Collection d’Art contemporain Cérès Franco:   12, rue des Remparts, 11220. LAGRASSE.

 

Cet entretien a été publié dans le N° 63 d'octobre 1998, du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.