Quelle tentation, face aux œuvres de Dov, d'y déterminer un personnage bedonnant, un visage de profil, un rocher surplombant un précipice… alors que, -contrairement à ses collages où les formes, emboîtements, surimpressions sont évidents-le procédé qu'elle utilise ne peut engendrer que des formes indéfinissables !
Curieuse technique, où l'artiste utilise comme support une belle feuille glacée, noire, (elle n'a pu jusqu'à présent se résoudre à partir à l'assaut des rouges, des bleus très vifs qui existent dans la même texture) ; verse dessus un solvant dont elle empêche, sur le glaçage, une action décisive, en appliquant, appuyant, traînant des papiers de soie froissés : les papiers impriment leurs irrégularités. Le degré de pression, les hasards des plis ou des couches, l'intensité du solvant sur le noir, intouché de place en place, font qu'à la fin de l'opération, des parties de la feuille sont blanc-laiteux ; d'autres hésitent dans des gris imprécis ; d'autres enfin reproduisent en négatif les fantaisies du papier froissé.
Habituée à travailler dans des rythmes abstraits, seuls l'intéressent les amas, les taches, les dessins incertains dont elle va "retoucher" ceux qui la "provoquent". Avec pinceau, éponge, émeri très fin, solvants de plus en plus volatils, elle amplifie telle plage, la précise ou la contourne, la renforce ou la renverse jusqu'à ce que l'équilibre obtenu satisfasse cette graveuse d'un genre nouveau ! A quel moment estime-t-elle avoir atteint l'harmonie totale et décide-t-elle de ne plus intervenir dans la (dé)-composition de l'œuvre ? Quand son œil est satisfait ! Ce qui implique une double incertitude : l'acceptation d'un aboutissement forcément aléatoire du travail dont nombre de détails restent incontrôlés ; et la décision d'arrêter à un moment donné, qui, à l'évidence, est une question d'humeur !
Une situation bien inconfortable, en somme ! Rien d'étonnant à ce que, périodiquement, l'artiste retourne à ses collages dont elle domine parfaitement les agencements, les ajouts ou les retraits : Ce va-et-vient de l'une à l'autre techniques ; du noir et blanc, des frottis hasardeux, des dispositions informelles ; aux couleurs harmonieuses en demi-teintes, aux équilibres sagement ordonnancés, aux géométries rassurantes lui procure une satisfaction immédiate, une sécurité à opposer à l'angoisse de la page… noire. Rien d'étonnant non plus à ce que le spectateur, immédiatement conscient des non-certitudes rendues par les an-impressions de Dov, se surprenne à les vouloir à tout prix "figuratives", pour reconnaître ses critères dans des cheminements qui ne sont que de hasards !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1995.