De sa naissance au bord d’une mer offrant à l’oeil les miroitements de l’émeraude et du pers, sous les irisations nacre rosée du soleil couchant, Farzat a gardé le goût pour ces couleurs douces qui rejoignent par leur infinitude, les moutonnements du grand univers cosmique.
Telles les matières en fusion qui se bousculeraient en rayonnant autour du “trou” originel, les formes qu’il crée se propagent à partir d’un point central concentrant les “lumières” qui éclatent de toutes leurs nuances vers les limites de la toile, prêtes à en sortir, partir “vers” l’infini, en une sorte de grand orbe dont seul l’artiste aurait la vision totale. Grand maître d’oeuvre par la géométrie, il lance sur la couleur des lignes obliques, comme pour contrôler la matière, l’insérer dans une norme, l’ordonnancer dans son propre mouvement, lui insuffler sa force et sa discipline intérieure. Mais, pour rigides qu’elles soient, ces lignes partent dans toutes les directions, confortant l’impression de composition ouverte des oeuvres de Farzat.
Intervient ensuite une sorte d’orfèvre obsédé par la genèse du monde qui, pour se libérer de son obsession, incruste sur la toile, à la manière d’un organisme procréateur, mille ovoïdes, des “œufs” sans doute, origines de toute vie organisée. Comme pressé par les pulsions de son corps, il ajoute ces coquilles, encore et encore, qui se chevauchent, s’agglutinent en une sorte d’œuf plus grand, répartissent leurs concentrations de plus en plus loin du centre et, à mesure qu’elles s’en éloignent, deviennent de moins en moins précises, jusqu’à perdre leur identité, se fondre dans les couleurs premières, disparaître elles aussi à l’infini.
A ce stade, l’artiste est en parfaite concordance avec ce petit morceau de chaos dans lequel il a installé sa vie.
Mais soit que sa propre faculté mentale éprouve, comme c’est le cas pour tous les hommes, le besoin de concrétiser des formes abstraites, soit que son subconscient prenne le pas sur son intelligence et sa créativité, apparaissent en filigrane des têtes aussi peu élaborées que des dessins d’enfant, des bustes aux seins lourds ou des hanches jusqu’à la naissance des cuisses. Il est évident que ces ébauches, abandonnées aussitôt que créées, ne correspondent à aucune volonté délibérée ! Mais vu leur répétitivité, il semble bien qu’elles interviennent dans le cheminement du peintre vers le moment où, sa méditation terminée, il pose son pinceau, avec la suprême sensation d’avoir, par cet acte créatif, embelli son existence, mené à son accomplissement, dans le chatoiement velouté de chaque oeuvre, une petite parcelle de la quête cosmique qui le hante !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1996.
CE TEXTE DE A ETE PUBLIE DANS " IDEART N° 48 de juin 1996.