Marc Gombaro est plombier de son état. Et ce n'est pas une vaine boutade de dire que la non-vocation de l'artisan a généré la vocation de l'artiste en lui qui s'est mis un jour à chercher sous l'ennui des sertissages et des raccordements, les possibilités ludiques du plomb fondu, des tringleries ou des mastics époxy ! Ni que, peut-être l'habitude de l'artisan de ne voir que les points de jonction des installations qu'il restaure, a conditionné l'esthétique de ses sculptures. En effet, seules sont en relief, dépassant d'une planche (le mur), les parties (comme chez le plombier les robinets) ayant une fonction précise (un sein, un vagin, un verre…) ; ou restées dans la mémoire de l'artiste comme les temps forts d'une relation (la tête torturée du chanteur de blues et ses mains crispées sur les touches du piano ; celle, énigmatique, coiffée d'un crapaud, d'une sorte de sorcier…) Très évocatrices sont les expressions des visages : dubitatif chez l'ivrogne qui, d'une main relevée sous le menton, un verre dans l'autre, semble cogiter pour trouver la finalité de son état d'ébriété ; jubilatoire celui d'Einstein ; misérable à mourir celui du gardien, sorte de Quasimodo saint-sulpicien, etc.
Ce qui est intéressant aussi, dans l'œuvre esquissée par Marc Gombaro, c'est que ne sachant pas exprimer les nuances, il traduise puissamment l'essentiel, et qu'il se serve de la peinture pour le dire : le bluesman chante-t-il le désespoir de son peuple opprimé, son visage est ruisselant de sang ! Le sorcier traversant le mur se doit-il d'être inquiétant, sa figure est peinte d'un gris-vert sulfureux et des tuyaux-serpents dardent leurs gueules ouvertes tout autour de lui…
Est-ce alors par accident, non-domination d'une psychanalyse à fleur de chair, dérision vis-à-vis de la culture et de la religion d'un esprit gentiment "ana', qu'une tête style échevin du Moyen-âge minaude dans ses fourrures ? Que l'artiste laisse échapper d'Einstein et de Sainte-Perla un flux menstruel sans ambiguïté ?...
Toutes ces pistes en gestation seront intéressantes à suivre. Et si l'on pense que ces œuvres sont entièrement constituées des matériaux qui assombrissent son quotidien, il est facile de deviner combien, une fois sur des cimaises, elles sont la preuve vengeresse du chemin psychologique parcouru par Marc Gombaro !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 58 DE SEPTEMBRE 1996 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA