LES BAS-RELIEFS DE FRED KLEINBERG
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Fred Kleinberg est-il peintre comme il l'affirme ? Est-il sculpteur comme il y paraît ? En tous cas, il est assurément l'orfèvre de ces étranges compositions relevant du reliquaire et s'appuyant sur des démarches de vie et de création antithétiques : il vit sur une péniche "pour" se couper de la terre mais collecte galets tarabiscotés, spongiaires fossilisés, laves, bois flottés, cloutés, brûlés, tout enfin qui soit jeté, corrodé, façonné par l'érosion. Opposition encore entre l'importance de la rivière s'écoulant sous ses hublots et ses œuvres à vocation de totems n'exprimant que des verticalités ; entre la quête continuelle des objets évoqués, utilisés au naturel et le besoin d'y adjoindre des formes artificielles en terre, cuite par lui et longuement patinées au noir de fumée ; entre le côté non élaboré, fruste de ses réalisations corroborant celui des trouvailles et la préciosité des tavaïolles et exquises broderies rapportées de ses voyages en Andalousie.
Au cours de ces va-et-vient mentaux, Fred Kleinberg sait emplir sans surcharger, construire ses "cases" en préservant à la fois la fragilité et la durabilité des matériaux.
Commence le travail du graphiste. Là encore, l'artiste crée dans la contradiction : des "graffitis" se succèdent dans les intervalles, tel un flux ininterrompu, l'air d'être là juste pour les emplir. Mais, progressivement, surgissent des fleurs, de longues tiges aphylles qui ne se lisent que par différences de noirs... Emerge alors une composition d'ombres et de lumières glauques comparables au moment fragile où quelques secondes encore, le jour résiste à la nuit !
Intervient alors le coloriste ; ou plutôt l'artiste d'"une" couleur longuement cherchée, dont les projections éclatent sur le noir avec la luminosité du fameux "bleu de Chartres".
Les œuvres entrent enfin dans des cadres récupérés eux aussi, écaillés souvent, sophistiqués parfois, prolongeant le dessin, devenant élément du tableau, confirmant l'impression que ces bas-reliefs sont bien des reliquaires chargés de la mémoire du monde révolu dont ils auraient gardé la beauté surannée.
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1995 ET PUBLIE DANS LE N° 42 DE L'ETE 1995 DE LA REVUE IDEART.