De quelle réalité traumatisante, ou de quel fantasme cauchemardesque sont issues ces femmes horribles qui semblent avoir, pendant des années, hanté Caroline MacDonald ? Manifestement vêtues à l’ancienne : bien que seule la tête soit représentée, un cordon de velours ici serrant un cou ; une fleur piquée, là, dans un chignon ; le nœud d’un bavolet... suggèrent que ces mégères appartiennent à un monde révolu ! Toujours, leurs yeux durs sont fixes, comme on voit dans les films luire ceux de ces fanatiques désireux de pourfendre de leur seul regard “la” (il s’agit toujours d’une femme !) coupable de quelque pensée indigne ! La bouche est pincée aux commissures inégales, mais tombantes ; le nez tors et crochu ; les cheveux strictement tirés vers l’arrière, découvrant le lobe des oreilles portant des boucles !

Est-ce ce parangon de vertu qui a amené, dans une autre série, toute en courbes, les personnages à se replier sur eux-mêmes, lovés en position fœtale, comme pour se protéger de tout contact extérieur, de toute souffrance venant “d’ailleurs” ?

Quoi qu’il en soit, d’après l’artiste, ces créations appartiennent à son passé. Pour autant, a-t-elle évacué ses démons, dans sa nouvelle série “taillée à la hache”, en des dissymétries implacables ? A-t-elle au contraire, remis sous une autre forme, sur ces visages réduits aux lignes significatives essentielles, la dureté de ceux de naguère ? Incontestablement, les yeux triangulaires ou rhombiques ont les mêmes intolérances ; les bouches, les mêmes retombées ; les mentons et les nez, semblables pointes agressives... Un changement, pourtant : les couleurs livides et cruelles ont fait place à de belles tonalités créées par des voisinages ou des combinaisons de rouges et de jaunes. Mais cette différence renforce désormais le paradoxe entre les teintes chaleureuses et les caractères inscrits sur les traits identitaires ! 

Difficile, l’approche des oeuvres de Caroline MacDonald ! Il n’empêche, aussi perturbatrice soit-elle, cette exposition est une belle manifestation ! Les voûtes centenaires sous lesquelles elle a lieu  peuvent en témoigner !

                                                           Jeanine Rivais.

CAROLINE MACDONALD : 

Musée Singer-Polignac. Centre hospitalier Sainte-Anne, 1 rue Cabanis. PARIS.

Ce musée a été créé par la Fondation Singer-Polignac. La salle d’expositions a été ouverte à l’occasion du centenaire de l’hôpital. Devenu Centre d’étude et d’expression, ce lieu comprend des ateliers d’art-thérapie (autodidacte, Caroline MacDonald a participé à diverses reprises aux travaux de ces ateliers ) ; et a vocation de conservation : Il possède actuellement 70 000 tableaux réalisés par des patients, y compris des oeuvres d’Aloïse, etc. Beaucoup proviennent de legs effectués par des médecins désireux d’assurer la pérennité de ces créations dont certaines sont de véritables oeuvres d’art.

CE TEXTE A ETE ECRIT EN MAI 1999. Et PUBLIE dans le N° 64 DE JUIN 1999, du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA