LES VOYAGES PETRIFIES DE VALERIE PESLE, PEINTRE SUR ARGILE

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       Faut il penser que, de sa toute petite enfance, d'un grand-père féru de culture orientaliste, Valérie Pesle ait gardé dans ses gênes, le goût des murs patinés, des couleurs de la terre aux ocres craquelés par le grand soleil? Ocres qui sont, avec les verts poussiéreux et les bleus azuréens, les couleurs emblématiques de son "Maghreb" revisité ?

          Longtemps, elle a réalisé des maisons lilliputiennes, véritables broderies de terre non cuite, dont chaque face était différemment décorée, couverte de géographies polychromes, de végétations stylisées, ou lissée du doigt à en paraître veloutée. Maisons du Sud, petites maisons utopiques, dont la créatrice n'investissait que l'extérieur, se posant peut-être, en "visiteuse", ne voulant pas "appartenir", (se réservant tout de même le droit de scruter l'intérieur en ne mettant jamais de terrasse). Jouant, en fait. Gardant sa liberté de vagabonder "autour" de ces lieux, habituellement symboles de sécurité !

 

      Faut il penser que leur extrême fragilité est la raison du passage de Valérie Pesle à la peinture ? A de la grosse toile imprégnée de... terre ocre dans laquelle, au stade humide elle grave ses fantaisies : des palmiers, des fleurs imaginaires ; et après séchage, peint des murailles fermant le paysage, cernées de végétation luxuriante. Peinture non pas narrative, non pas réaliste, mais stylisée, comme pour proposer des paysages pétrifiés, des moments de vie végétale suspendus.

  Incontestablement, elle entraîne le visiteur vers "une oasis" ; mais là encore, il s'agit d'un lieu paradoxal, puisque aucun individu n'y est visible ; que seule une vague lumière tombant de possibles fenêtres, suggère que de ce lieu, la vie n'est peut-être pas tout à fait absente ?

  Comme, d'ailleurs, de ses "tentures" murales, elles aussi de toile au tissage lâche, contre-cousues de panneaux imprégnés de terre, couverts de géométries où finissent toujours par apparaître des enfilades de toits, châteaux dessinés comme par des enfants! des amorces de moucharabieh ; des quartiers de lune sur fond bleu nuit velouté! Mais là encore, ces "étapes" sont vacantes, la vie en a été consciemment gommée, et seules quelques silhouettes involontaires, y apparaissent en filigrane !

 

          Ainsi définis, ces paysages qui n'en sont pas, ces lieux sans noms qui pourraient n'être que des lambeaux de souvenirs diffus ; et pour l'étranger se nicher dans n'importe quel désert, ramènent pourtant chaque fois, en pensée, Valérie Pesle à ses racines. Sa démarche picturale lui semble si géographiquement "située", qu'elle affirme craindre de s'enfermer dans un régionalisme stérile...

          Faut il pourtant la croire, lorsqu'elle affirme sa volonté d'"aller plus loin" ? Et, pour le prouver, envisage... des assemblages de zelliges (¹) qui, bien plus que ses oasis font immédiatement surgir dans l'esprit du spectateur, une connotation maghrébine ; plus colorée certes, mais tellement plus baignée de cornes d'abondance... vases... arbres de vie  sans la vie, interdite par un code mystico quotidien ?

 

            Alors, s'agit il réellement pour elle, d'"aller plus loin"? Ne veut elle pas, en fait, de tout son inconscient, "aller au même endroit", "autrement" ?

Jeanine RIVAIS

 

(1) Un zellige : Petit élément d'une marqueterie de céramique émaillée, servant au décor monumental dans l'art maghrébin. L'équivalent des tesselles multicolores des mosaïques occidentales.

    

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1997