GERARD SENDREY peintre et muséographe
*****
Visiter une exposition de Gérard Sendrey, c'est entrer sans transition dans un monde violemment coloré. Car cet artiste “sait” placer côte à côte telle couleur pure et sa couleur complémentaire, les faire vibrer, jouer de l’une par rapport à l'autre ; cadrer comme au théâtre de curieux personnages, l'air d'être masqués. Mais des masques très expressifs: tristes, canailles, ironiques...toujours attendrissants ; sanglés dans leur expression par un gros cerne noir...
Du moins “paraît-il" noir, car en s’approchant, le spectateur constate qu'en fait, il ne l'est pas : le peintre a réalisé un subtil mélange qui, tableau après tableau, crée sur la rétine une “impression" de noir !
Est-ce cette magie de la couleur, la fausse simplicité de son travail (combien d’années faut-il à un artiste pour y parvenir,) qui donne à l'oeuvre de Gérard Sendrey son humour, son côté ludique, tant de vie et beaucoup d'érotisme ? Une oeuvre sans demi-mesure, toute de “violence", un véritable élan vers la vie et la mort, en perpétuelle situation antithétique, ou complémentaire d'un tableau à l’autre. Parfois même, les deux se côtoient, dans les “couples" en particulier qui ne sont en fait qu’un individu et son ombre, un être et son double, mais son double négatif.
Par ailleurs, ces personnages sont incontestablement "populaires": là encore, l'artiste est passé maître dans l'art de les rattacher par un simple carrelage, un animal familier, une façon de se tenir assis... à une petite vie au quotidien, une couche sociale sans sophistication.
C’est que la démarche de Gérard Sendrey est, elle-même, totalement ouverte aux gens “simples” ; une main tendue vers toute manifestation de ''l'art inventif des génies ordinaires". Et ce travail acharné, commencé bien avant l'époque où l'artiste fut découvert par Dubuffet, ne lui a sans doute pas gagné que du pain blanc ! Mais, désireux d'ouvrir de nouvelles pistes à des gens que l’art officiel n'appelle pas "artistes", il a créé à leur intention un musée “hors-normes", un lieu pour toutes les oeuvres qui, d’abord qualifiées d”’art brut”, ont multiplié les vocations et sont devenues “Création franche", "Arts singuliers", “Art immédiat"... Il a appelé ce musée SITE DE LA CREATION FRANCHE (¹), devenu après des années "MUSEE DE LA CREATION FRANCHE" : une partie en est la GALERIE IMAGO qui présente des expositions de peintures et sculptures. Chaque automne, le musée organise une exposition appelée pendant des années "Les jardiniers de la mémoire" puis devenue "Visions et créations dissidentes". Il assure la publication de monographies, biographies... Le troisième volet de cet étrange endroit, le F.C.A.B.I. (Fonds de Création Artistique Brute et Inventive) est le dépositaire d’oeuvres originales et magnifiques.
Gérard Sendrey est-il plus volontiers muséographe que peintre ? Les efforts qu’il déploie vers les autres font que ses expositions sont rares: Réjouissons-nous donc, après son passage à l’Espace Hérault, de voir à l’automne, à Paris (2), une importante série de ses œuvres !
Jeanine Rivais
Musée de la Création Franche: 58, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny. 33130 Bègles. Tel: 55 49 34 72 et 56 85 81 73.
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 53 D'OCTOBRE 1994 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.