EXPLORATIONS INITIATIQUES AUTOUR DE LA TERRE D’AFRIQUE

de CHRISTINE SEFOLOSHA, peintre.

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A 5 ans, Christine Sefolosha passait des heures à écouter des musiques andines ou africaines ; à contempler, fascinée, des images d’Indiens d’Amérique, de danseurs des lointains tropiques...

 

         Aujourd’hui, hantée par ces civilisations, instinctivement attirée vers ces terres “autres”, elle recrée son Afrique personnelle ; intègre à sa vie les couleurs et les rythmes de ce continent ; projette sur la toile tout ce qui dort au fond d’elle-même, de “souvenirs” imaginaires.

 

        Il faut bien dire “toile”, même si ce matériau disparaît sous une épaisse couche de terre (importée du Maghreb) additionnée d’eau, de colle de poisson, de pigments colorés ; malaxée avec des brindilles, des feuilles... enduite d’un goudron très pâteux ; le tout incrusté dans les fibres du support et abandonné à sécher.

 

      A la fin de cette longue préparation rituelle, l’artiste dispose d’une base irrégulière, aux formes et aux couleurs aléatoires, puisque ces ingrédients réagissent les uns sur les autres de façon incontrôlable. A partir de là, commence pour Christine Sefolosha un psychodrame pictural : l’aventure débute par une longue confrontation entre le fond abstrait et la main du peintre qui suit telle ligne, explore telle craquelure, caresse ce synderme granuleux jusqu’à ce que s’impose à l’évidence, une silhouette qui emmènera cette main vers un “homme” ou un “animal”. Progressant sans idée préconçue, l’artiste se soumet à la volonté de cette terre qui, dans son esprit, est porteuse d’atavismes immémoriaux, d’anciennes cultures, de toutes les obsessions qui, depuis son enfance, l’accompagnent. Peu à peu, un dialogue s’établit, la figure se concrétise sans jamais être très évidente, comme si l’artiste craignait en la rendant trop nette, de priver le spectateur d’un espace subjectif où il puisse laisser son propre imaginaire suivre ou récuser la forme soulignée par le pinceau. D’ailleurs, ces “propositions” de Christine Sefolosha n’ont jamais un caractère définitif : si le lendemain ne lui apporte plus les mêmes évidences, elle renie sa création, passe dessus une couche de peinture blanche qui entrera dans les rythmes d’une nouvelle “rencontre”.

 

      Finalement, lorsqu’elle sort victorieuse de sa confrontation avec ce pelage minéral, le peintre a reconstitué une scène de savane où s’enchevêtrent et grouillent de multiples créatures ; a contacté les esprits qui les entourent et créé les masques destinés à les conjurer ; déposé dans ce huis clos chaleureux et douillet, beaucoup de sa propre chaleur ; s’est pliée à un rite magique, générant grâce aux vibrations des couleurs, une intensité de vie primale, de secrets originels à demi-dévoilés. Reste à parfaire ces impressions, ajouter un peu de beauté supplémentaire en pointillant d’imaginaires cauris : le spectateur est alors définitivement emporté dans une danse lancinante de fennecs, mambas, calaos, lièvres du désert, sorciers vaudous... ou plutôt captivé par un arrêt sur image tiré d’un film fictionnel où les personnages émergeraient de la terre-même dont ils sont constitués !

                                                                                              Jeanine Rivais.

Ce texte a été publié sous le titre "TROIS ŒUVRES TROIS AFRIQUE / NERISSON, SEFOLOSHA, DE SOULAGES" dans le N° 14 d'Avril/Juin 1995 de la revue FEMMES ARTISTES INTERNATIONAL.

Et : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique RETOUR SUR UN QUART DE SIECLE D'ECRITURES.