LE BESTIAIRE DE HANS VERSCHOOR, peintre

 

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          Quel drôle de bestiaire, “inventé” par Hans Verschoor, créateur autodidacte, qui a commencé voici des années, à élucubrer pour certains animaux, des rôles de “messagers” ! A partir de cette idée, dont le côté saugrenu lui échappe totalement ; qu’il a, au contraire, développée en une philosophie très personnelle, s’est élaborée une oeuvre picturale centrée sur toutes sortes de bêtes “insaisissables” : poissons ou grenouilles se coulant au fil de l’eau ; chevaux capables d’enjamber les nuages ; chiens bondissants ; vaches aux pis énormes ; etc.

          Non pas des copies conformes, mais massifs ou hyper-allongés ; têtes énormes armées de dents (même les poules en ont, chez Hans Verschoor !) ; membres terminés par des serres redoutables ; ailes atrophiées, incapables, à l’évidence, d’emmener bien loin ces créatures qui portent sur et dans leur corps, ici un “paquebot” amarré, là des géographies farfelues, d’abondantes larmes en forme de pétales ; ailleurs des pages d’une écriture complètement irréelle, conviant à déchiffrer, peut-être, les itinéraires évasifs des fameux messagers... Compositions toujours assez évocatrices, cependant, pour guider dans ses identifications, le visiteur perplexe et amusé.

          Inutile, dans ces créations, de chercher le détail : seuls sont évidents les silhouettes, l’impact à la fois débonnaire et ludiquement féroce, la fantaisie tendre et poétique de cette déferlante zoomorphe... Avec, de temps à autre, un gentil coup de patte à la culture, tels ce batracien tenant un bouquet de "Tournesols" ; ou cette "Pisseuse" tout droit échappée de l’imaginaire de Picasso, etc.

                 Car les “humains” sont présents, dans le bestiaire de Hans Verschoor : tantôt découpés en profils de cartons noirs, surlignés de traits ocre, aux gros yeux triangulaires ; tantôt encastrés dans les animaux, comme parties intégrantes de leurs anatomies ; hétaïres dénudées aux courbes sensuelles, languidement allongées, se laissant becqueter par quelque oiseau familier ; ou bien encore réduits à de simples traits comme dans les dessins d’enfants... Leur influence sur la connotation des oeuvres consiste à faire jouer les bivalences chères à l’artiste : tous bifaces, ils conjuguent l’agressivité de leurs énormes dents à l’angélisme de leurs seins au galbe parfait ; celle, couteaux brandis, de leurs instincts destructeurs aux symboles pacifiques de croix gravées sur leurs poitrines, etc. Bisexués, leur aspect androgyne semble indispensable à Hans Verschoor, lui permettant de fluctuer de figurations réalistes de très pornographiques  phallus et de béances abyssales cernées de pubis noirs, à des passages frôlant l’abstraction, comme s’il voulait se préserver des zones d’ombres personnelles ; comme, après trop d’évidence, il est bon de se reposer dans le flou...

          Néanmoins, l’humour, chaque fois, reprend le dessus dans ces gémellités oppositionnelles : symétriques de ces “trophées” turgescents, pendent de frêles sexes ; opposées aux sophistications féminines, s’affaissent les carrures pataudes des hommes... : en somme, au jeu de la vie et de la mort, le balancement est perpétuel, comme dans les créations obsessionnelles et fantasmatiques de l’Art brut, dont est si proche Hans Verschoor...

          Avec toutefois, une petite prééminence de la vie, générée par les grandes éclaboussures de lumière dominant les plages noires ; les éblouissants jeux de couleurs éclatantes témoignant  d’une personnalité optimiste ;  la naïveté inconsciente et ludique de ces fantaisies humaines et animales bannissant les humeurs sombres !

                Jeanine RIVAIS

 CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1997 ET PUBLIE DANS LE N° 61 DE NOVEMBRE 1997 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.